Les banques marocaines, si on se fie à leurs publications semestrielles, affichent un ratio Crédits/ Dépôts des plus bas sur 10 ans. Elles ont cumulé 487 Mds de dirhams de crédits, alors que les dépôts avoisinent les 800 Mds. Ce ratio de 63% renvoie à l'année 2006 où le marché monétaire était en surliquidité. A l'époque, ce ratio était à 76% sur une base annuelle. Deux facteurs peuvent expliquer la limitation de l'expansion des crédits : la recrudescence des risques, qui pousse à une plus grande sélection des dossiers, et les normes prudentielles, qui obligent désormais les banques à descendre progressivement sous les 100%. Mais, plus que jamais, les bilans des banques regorgent de liquidités bon marché.
La publication des comptes des banques cotées est l’occasion de suivre de manière semestrielle l’évolution de leurs ratios de transformation. Pour rappel, ce ratio était en moyenne de 91% à fin juin 2013, selon la Banque centrale, et de 106% à fin juin 2014, alors qu’il atteignait 76% en 2006. Aujourd'hui, il n'est que de 63% en moyenne.
Concrètement, un ratio de transformation de 63% signifie que les crédits représentent à fin juin 63% des dépôts des banques ou, en d'autres termes, pour chaque 100 DH de ressources collectées, 63 DH sont transformés en crédits, sachant bien entendu qu'un crédit distribué donne lieu à l'écriture comptable d'un dépôt équivalent.
Comme chaque semestre, il est possible de se pencher sur les ratios individuels des banques cotées pour mesurer les disparités. Afin d’avoir une base de comparaison normalisée, nous allons nous intéresser aux créances sur la clientèle rapportées aux dettes envers la clientèle, en excluant les opérations de financement entre banques. Ainsi, pour Attijariwafa bank, ce ratio est de 95%. La BCP a un ratio de transformation encore plus détendu que celui d’Attijariwafa bank. Il est de 93%. BMCE a, pour sa part, un ratio de 94% contre 97% l'an dernier.
Pour des banques de taille intermédiaire comme le CIH, le ratio est de 120%, mais en deça des 145% constatés en juin 2014, ou encore des 154% de 2012. BMCI a, quant à elle, un ratio de 121%, alors que ce ratio était inférieur à 40% l'an dernier. Enfin, Crédit du Maroc affiche un ratio de transformation de 94,7% contre 99% lors du premier semestre de 2014. Il était à 100% en 2013.
Limiter les crédits dans un contexte d'insolvabilité des grands comptes est une explication logique. Mais il y a également les préparatifs aux normes Bâle qui poussent les banques à limiter l'expansion des crédits et à revenir rapidement sous les 100%. Car, dans le cas contraire, elles devront demander encore aux actionnaires d'injecter des liquidités sous forme de fonds propres, alors que ces derniers viennent à peine de sortir d'un cycle de recapitalisation qui a duré 3 ans.
Mais, ce qui est intéressant à soulever est la manière dont les banques ont réduit ce ratio. Elles avaient deux possibilités : réduire les crédits, avec toutes les conséquences sur leur PNB et leurs parts de marché, ou augmenter les dépôts en les rémunérant mieux. Il semblerait que ce soit une combinaison des deux qui a été choisie, avec toutefois un penchant bien marqué pour la première solution. Abdellatif Jouahri le signalait d'ailleurs lors de la réunion de la Banque Centrale : «Cette année, les crédits n'augmentent que de 2,7%, alors que les dépôts augmentent de 7%». Quand on sait que plus de 60% des dépôts sont à vue, et donc ne coûtent rien aux banques, on se demande où va cet argent quasi gratuit ? Sur le marché de la dette publique vraisemblablement. Car la demande des investisseurs demeure élevée à chaque séance d'adjudications. En d'autres termes, puisque les entreprises et les ménages ne demandent pas de crédits, l'Etat, lui, profite du contexte pour se financer à de meilleures conditions.
Adil Hlimi