A chaque manifestation nationale ou internationale où le contexte s’y prête, les banquiers essuient un torrent de critiques pour leur prise de risque jugée insuffisante quant à l’accompagnement des TPME. L'une des raisons majeures de cette frilosité découle de l’absence de structuration des projets.
Quel banquier rechignerait à financer un projet bancable, bien structuré, lui donnant une visibilité à moyen et long terme ?
Cette interrogation a pour toile de fond le manque de structuration criard, qui caractérise certains projets de croissance (investissement, export, innovation, etc.) des très petites et moyennes entreprises (TPME). Lors des grands Forums nationaux et internationaux traitant de l’entrepreneuriat, à l’instar de celui d’Afrique développement, organisé récemment dans la capitale économique, il est d’usage de lancer la pierre aux banquiers, critiqués pour leur tropisme à ne pas prendre suffisamment de risques pour accompagner les entreprises dans leurs différentes phases d’expansion (démarrage, export, restructuration, etc.). Interrogé sur la problématique de la structuration des projets pour l’accès des TPME subsahariennes et marocaines au financement, le président du patronat ivoirien, Jean Kacou Diagou, propriétaire d’une banque et d’une société d’assurances, confie :
«Pour un projet bien ficelé, il n’y a aucune raison pour que les banques soient réticentes à apporter leur concours financier». Il faut dire que la réalisation d’un businessplan (rédactionnel et financier) n’est pas l’apanage de tout le monde. Cela nécessite bien évidemment des connaissances pointues dont sont dépourvus certains patrons de TPME, qui manquent cruellement de culture financière et de connaissances en gestion d’entreprise. De plus, nombreux sont les chefs d’entreprise qui pèchent par manque d’accompagnement de la part de cabinets d’expertise comptable, outillés pour la réalisation de projets potentiellement bancables. A ce titre, les organisations patronales (CGEM, Confédération des TPE-PME, etc.) doivent davantage jouer leur rôle de sensibilisation et, surtout, de mise en réseaux, qui facilite les échanges d’expérience et les informations pratiques pour l’élaboration d’un projet structuré, gage de croissance de l’entreprise. Cela dit, eu égard à une sous-capitalisation manifeste (insuffisance de fonds propres), force est d’admettre que le développement de l’ingénierie des TPME en la matière constitue une urgence.
Dans la foulée, il n’est pas dénué de sens de relier la systématisation de la demande de garantie pour l’octroi d’un prêt bancaire au caractère de certains projets ficelés par les TPME. Au-delà de la pertinence du projet de l’entreprise, il est difficile de contester que les établissements bancaires sont plus enclins à soutenir les secteurs qui ont le vent en poupe, avec un niveau de créances en souffrance relativement faible. En définitive, l’essor de l’activité des entreprises marocaines est étroitement lié à leur capacité à concevoir des projets fiables, susceptibles d’intéresser au premier chef les établissements bancaires.
Paroles de pro
Mamoun Bouhdoud,
ministre délégué chargé des Petites entreprises et de l'Intégration du secteur informel
«A l’évidence, l’accès des entreprises au financement est quelque part lié à leur capacité de ficeler des projets bien structurés capables d’attirer les acteurs financiers. Toutefois, je reste convaincu que le rôle de l’Etat est de créer un environnement des affaires propice à l’entrepreneuriat. Pour schématiser l’importance du rôle des pouvoirs publics, il est à noter qu’un mauvais entrepreneur a des chances de réussir si l’environnement des affaires est favorable. A l’inverse, un très bon opérateur économique risque d’échouer dans un environnement particulièrement hostile au business. L’autre aspect fondamental à mes yeux est qu’il est important de donner la chance aux opérateurs économiques, qui connaissent des échecs durant leur parcours. En cela, le statut de l’autoentrepreneur interdit aux institutions financières de saisir les biens de l’autoentrepreneur en cas de cessation d’activité ou d’incapacité de remboursement des crédits. Par ailleurs, un opérateur économique qui compte sur l’aide de l’Etat pour réussir, a peu de chances d’atteindre son but. A mon sens, il est plus judicieux d’être un entrepreneur d’opportunités pour faire prospérer son activité.
Infos pratiques
La CGEM promeut la médiation sociale
Le patronat marocain, par le truchement de sa Commission emploi et relations sociales épaulée par le Bureau international du travail (BIT), a publié récemment un guide ayant trait à la médiation sociale et aux modes de règlement des conflits collectifs pouvant affecter le fonctionnement des entreprises. Cette initiative est à relier à la hausse substantielle des grèves. D’après les chiffres récents, le nombre de grèves déclenchées a atteint, en 2015, près de 265 mouvements. Ce qui correspond à 267.656 journées de travail perdues. Cette situation pénalisante génère un manque à gagner important pour l’économie, qui éprouve des difficultés à engendrer suffisamment de croissance à même de créer des postes de travail décents pour les 600.000 jeunes arrivant sur le marché du travail chaque année. Notons que ce nouveau guide qui fait la promotion du dispositif de médiation sociale, est un moyen adéquat de prévention et de résolution des conflits. Pour rappel, en 2012, l’initiative s’est concrétisée par la signature d’accords entre le patronat et les cinq syndicats les plus représentatifs. Dans la foulée, soulignons que le Code du travail a institutionnalisé deux modes de règlement des conflits collectifs, qui sont la conciliation et l’arbitrage, susceptibles d’être complétés par des dispositifs conventionnels de règlement des litiges initiés par les partenaires sociaux.
Momar Diao