VEFA: «Les innovations de la récente loi restent contournables»

VEFA: «Les innovations de la récente loi restent contournables»

L’acquéreur n’a aucun droit réel sur le bien jusqu’à la signature du contrat définitif de vente et son inscription sur le titre foncier.

Dans cet entretien, Maître Soulimane Thaili, avocat au Barreau de Casablanca et fondateur du cabinet Thaili Law Firm, nous explique les principales mesures de la nouvelle loi sur la VEFA ainsi que ses différentes problématiques.

 

Propos recueillis par B. Chaou

 

Finances News Hebdo : Comment la protection des acquéreurs lors de la VEFA est-elle accordée ?

Maître Soulimane Thaili : La protection accordée à l’acquéreur au stade du financement de l’immeuble est assurée par les règles de fond qui encadrent et règlementent de manière impérative le déroulement de l’opération et les rapports financiers entre les parties. Il y a, d’une part, un encadrement et un échelonnement des paiements réalisés par l’acquéreur et, d’autre part, l’obligation faite par le vendeur de fournir à son cocontractant des garanties d’achèvement ou de remboursement. La loi 107.12 régissant les ventes d’immeubles en l’état futur d’achèvement, qui a modifié et complété la loi 44.00, escompte un double objectif, à savoir atteindre la sécurité de la transaction et garantir l’exécution des obligations par les deux parties au contrat. Et tout cela afin d’assurer l’équilibre contractuel entre les partenaires et éviter à ce que la VEFA ne se transforme en contrat d’adhésion comportant des clauses léonines (libérer une partie complètement de ses obligations).

 

F.N.H. : Concrètement, quels sont les droits des acquéreurs ?  

S. Th. : Aussi bien sous le texte ancien que du nouveau, l’acquéreur n’a aucun droit réel sur le bien jusqu’à la signature du contrat définitif de vente et son inscription sur le titre foncier. Bien que le texte laisse entendre qu’il bénéficie d’un «transfert de propriété», mais qui reste purement théorique et ce, contrairement au texte français régissant la VEFA par exemple. La loi française définit la VEFA comme étant le contrat par lequel le vendeur transfère immédiatement à l’acquéreur ses droits de propriété des constructions existantes. Ceci permet aux acheteurs de garder leurs biens sous la main tout au long de l’acquisition. D’autre part, c’est une garantie précise qui couvre les acquéreurs dans la réalisation d’un investissement immobilier sécurisé.

 

F.N.H. : Comment les contrats de la VEFA sont-ils établis ? 

S. Th. : En vertu de l’article 618-3 de la loi 107 .12, le contrat préliminaire de VEFA doit être établi, sous peine de nullité, soit par acte authentique, soit par acte dressé par un professionnel autorisé par la loi. Avant la modification de la loi 44.00, il était de règle que les contrats préliminaires se faisaient sous la forme sous seing privé en violation des dispositions de ladite loi; preuve en est que les contrats définitifs de vente établis en la forme authentiques ne faisaient aucune allusion aux contrats préliminaires, vu leurs irrégularités. La loi actuelle a prévu dans son article 618-3, la possibilité pour les parties d’établir préalablement un contrat de réservation pour acquérir un immeuble en l’état futur d’achèvement, par acte authentique ou par acte avant date certaine, conformément à la forme convenue entre les parties, à condition que l’acquéreur ait droit à se rétracter du contrat de réservation dans un délai n’excédant pas 1 mois à compter de la date de conclusion du contrat de réservation. Le vendeur doit, en cas de rétractation du contrat de réservation, restituer à l’acquéreur le montant total avancé dans un délai n’excédant pas sept jours à compter de la date de l’exercice de ce droit. La validité du contrat de réservation est fixée à un délai n’excédant pas six mois non renouvelables, et qui conduit obligatoirement soit à la conclusion du contrat préliminaire de vente, soit à la rétractation du contrat de réservation et la restitution des montants avancés.

 

F.N.H. : Quelles sont ses contraintes ? 

S. Th. : La problématique peut se manifester à cause de la mauvaise foi, d’une part, par un vendeur voulant profiter des avances reçues pour résilier le contrat pour une revente plus juteuse, ou encore d'un bénéficiaire du compromis de vente qui veut céder ses droits à un tiers en contrepartie d'une plus-value, faisant de la VEFA un outil de spéculation foncière au lieu d'être un moyen pour l'appropriation des ménages de biens immobiliers dans de bonnes conditions.

 

F.N.H. : Quelles sont les principales dispositions de la nouvelle loi n° 107-12 ?  

S. Th. : La nouvelle loi ayant modifié et complété la loi 44.00 comporte plusieurs nouveautés. Parmi elles, la détermination des mentions obligatoires que doit contenir le contrat de VEFA (dont le prix définitif et le délai de livraison). Mais aussi la possibilité pour l’acquéreur de céder ses droits à une autre personne, sous réserve d’en informer le vendeur. De l’institution d’un droit de dommages-intérêts en cas de résiliation par l’une des parties, qui varie entre 15 et 20% des montants versés, avec fixation des dommages-intérêts à 20% au profit de l’acquéreur si la résiliation est due au dépassement par le vendeur du délai de livraison.

 

F.N.H. : La nouvelle loi de la VEFA répond-elle concrètement aux normes d’équilibres contractuels en protégeant tant le client que le promoteur ?  

S. Th. : La loi 107. 12 vise une avancée vers les revendications des associations de consommateurs et une certaine limitation des pouvoirs des promoteurs. Les innovations de cette loi restent cependant contournables, notamment par des dispositions contractuelles qui limitent le recours à la justice pour le contrôle de la recevabilité et la régularité des contrats de réservation et contrats préliminaires.

 

F.N.H. : Par quoi les caractéristiques de la VEFA diffèrent-elles de celles d’une coopérative ? 

S. Th. : La loi n° 112.12 relative aux coopératives est publiée au Bulletin officiel n° 6318 du 18 décembre 2014. L’article 1er de cette loi établit trois catégories de coopérative : la première catégorie concerne les coopératives auxquelles les membres fournissent des produits en vue de leur revente aux tiers après leur transformation ou des services en vue de les fournir à ces derniers. La seconde catégorie concerne les coopératives de production de biens ou de fourniture de services au profit des membres. La troisième catégorie concerne les coopératives qui offrent une activité salariée au profit de leurs membres. Il ne s'agit donc nullement d'une acquisition de bien immeuble comme c'est le cas pour la VEFA. Le régime juridique est totalement différent de la VEFA qui, elle, est faite par des entreprises commerciales à prépondérance immobilière, et qui restent soumises à la loi 107.12, avec toutes les conséquences juridiques qui en découlent au niveau des obligations du vendeur. La coopérative est donc une entreprise recherchant pour ses membres les meilleurs services au plus bas prix (terrain, habitation, construction, crédit …). L’activité à caractère social des coopératives part du principe de la réduction du profit et de sa répartition entre les adhérents avec égalité de ceux-ci dans la gestion, abstraction faite du nombre des parts et de l’ancienneté.

L’expérience montre que les coopératives sont confondues avec les entreprises commerciales spécialisées dans la promotion immobilière, qui doivent respecter la loi 107.12 dans l’exercice de leurs activités commerciales de vente d’immeubles en l’état futur d’achèvement. Une telle confusion est souvent créée sciemment par certains dirigeants de mauvaise foi. Cette pratique à objectif malsain donne au dirigeant carte blanche pour agir librement sans être inquiété. Les adhérents des coopératives, souvent résidant à l’étranger, ne participent en effet nullement aux assemblées, et n’ont pas de contrôle sur les comptes et bilans. Résultat : des délits de détournement en masse sans aucune livraison des biens présentés dans les promotions publicitaires.

 

 

 

 

 

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