Tourisme: sans clients étrangers, le secteur toujours mal en point

Tourisme: sans clients étrangers, le secteur toujours mal en point

Les professionnels souhaitent ouvrir la voie vers une reprise d’activité tout en rassurant sur le respect des mesures de prévention.

Ils proposent de coopérer avec les pays en avance dans la campagne de vaccination.

Les pertes du secteur sont évalués à 4,5 milliards de dirhams à fin janvier 2021.

 

Par B. Chaou

 

Le Maroc se prive de plus en plus de ses visiteurs étrangers suite à l’annonce, il y a quelques jours, par les autorités du pays de la suspension des vols avec la France et l’Espagne. Ces derniers, qui procurent au Maroc la majeure partie de sa clientèle touristique étrangère, avec respectivement des parts de 15% et 7% selon les données publiées par le ministère du Tourisme, viennent s’ajouter à la liste des 37 pays avec lesquels le Royaume a bloqué ses liaisons aériennes en raison de l'apparition de nouveaux variants de la Covid-19. 

En quasi arrêt depuis plus d’un an déjà, et suite à ce nouveau tour de vis, l’avenir du secteur est plus qu’incertain, avec en toile de fond les faillites des opérateurs qui s’enchaînent et d’autres qui ont de plus en plus de mal à joindre les deux bouts. Les fermetures des liaisons aériennes avec les pays d’Europe affaiblit davantage le secteur et asphyxie financièrement certaines villes et régions fortement dépendantes des recettes touristiques.

A leur tête, la ville de Marrakech qui capte en moyenne 24% des arrivées des touristes aux postes frontières par voie aérienne, suivie de Casablanca et Agadir avec respectivement des parts de 20% et 7%. Le secteur en manque de visibilité Les professionnels estiment de leur côté que l’ensemble des mesures appliquées actuellement par les autorités sont certes nécessaires pour se protéger d’une éventuelle flambée des cas à cause des nouveaux variants, mais elles ne peuvent rester de mise dans une perspective à long terme, et que des solutions durables doivent être adoptées. Pour Hamid Bentahar, président du Conseil régional du tourisme Marrakech-Safi, «le virus est une réalité qui va durer encore longtemps. Nous devons apprendre à vivre avec cette pandémie et, surtout, à travailler avec et non se barricader à chaque fois  et continuellement».

Pour lui, il serait plus judicieux de mettre en place des mesures qui permettraient aux établissements hôteliers d’accueillir les touristes étrangers, grande source de revenus pour le secteur et son écosystème. A ce titre, Bentahar explique que «la bonne évolution de la campagne de vaccination est une lueur d’espoir pour nous afin de vite reprendre l’activité. Mais il ne faut pas rester totalement tributaires de cette dernière et attendre encore plus. Personnellement, je pense qu’il faut aussi saisir les occasions disponibles et travailler par exemple avec les pays qui sont bien avancés dans la vaccination, mettre en place des passeports sanitaires, et bien sûr continuer à exiger des tests PCR à l’entrée du territoire. Il y a plusieurs solutions de sortie de crise».

 

Liste des pays avec lesquels le Maroc a suspendu les vols
La liste des pays avec lesquels le Maroc a coupé ses liaisons aériennes comprend le Mali, le Ghana, la République Démocratique du Congo, la Guinée-Conakry, la Libye, l'Argentine, la Bosnie-Herzégovine, le Botswana, le Cameroun, la Croatie, le Mozambique, la Pologne, la Norvège, la Finlande, la Grèce, le Liban, le Koweït, l’Algérie, l’Egypte, l’Italie, la Belgique, la Turquie, la Suisse, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche, le Portugal, la Suède, l’Ukraine, la République Tchèque, l’Australie, l’Irlande, le Brésil, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni, l’Afrique du Sud, le Danemark, la France et l’Espagne.

 

Rappelons que le tourisme représente 7% du produit intérieur brut national, ce qui en fait l’un des secteurs majeurs de l’économie. Il est donc nécessaire de le remettre rapidement sur «les rails», car plus il subit l’effet de cette crise, plus il lui sera difficile de se «reprendre». Le tourisme interne ne peut, à lui seul, être une source de revenus suffisante, et les professionnels ne manquent pas de le rappeler.

«Même si le tourisme interne reprend son activité, il ne pourra en aucun cas à lui seul soutenir les composantes du secteur et préserver les emplois directs et indirects. Il faut réagir et vite afin de sauver ce qui reste à sauver  ! Nous sommes de notre côté habitués à travailler avec les mesures sanitaires, et nos équipes sont bien rôdées pour accueillir des clients étrangers dans les circonstances actuelles», note Hamid Bentahar. Pour d’autres, tous les espoirs d’une reprise reposent sur la vaccination. Cependant, cette solution ne garantit pas une visibilité sur la reprise de l’activité touristique.

Car cette reprise ne dépend pas uniquement de l’évolution de la campagne de vaccination au Maroc, mais aussi de celle des autres pays, surtout européens. D’où l’inquiétude manifestée par Khalid Benazzouz, président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAVM). Selon lui, «ce qui s’est passé avec la fermeture de Dakhla nous fait peur; tout peut mal tourner à n’importe quel moment. Notre activité est dépendante de la réussite et de la cadence de la campagne de vaccination au Royaume et dans le reste du monde. Plus ça tarde, plus nous tarderons à reprendre». «Le gouvernement fait le nécessaire et nous sommes quand même dans une bonne situation par rapport à beaucoup d’autres pays. Les décisions nous les respectons, mais nous sommes pressés de reprendre notre activité», poursuit-il.

4,5 milliards de dirhams de pertes

La détresse des opérateurs est à l’image des pertes subies par le secteur. Selon la toute dernière note de conjoncture de la Direction des études et des prévisions financières (DEPF), les recettes touristiques ont subi un très fort recul de 67,2% à fin janvier 2021, après une hausse de 13,9% un an auparavant, soit une perte de 4,5 milliards de dirhams. De son côté, le volume des arrivées touristiques s’est replié, quant à lui, de 78,9% et celui des nuitées de 72,3%, contre des hausses de 5,3% et 5,2% respectivement un an plus tôt.

 

Pour atténuer l’impact de cette crise sur le tourisme, il a été décidé de prolonger les aides en faveur du secteur à travers l’indemnité forfaitaire mensuelle, et ce jusqu'à fin mai. Ces aides concernent, rappelons-le, les établissements classés, les agences de voyages autorisées par les autorités, le transport touristique et les restaurateurs en lien avec le secteur ainsi que les guides touristiques. Les employeurs qui souhaitent faire bénéficier leurs employés de ces aides doivent le faire sur le portail «covid19.cnss. ma» jusqu'au 3 mai 2021.

Le démarrage des indemnités se fera à partir du 13 avril pour les déclarations de mars. Par ailleurs, le Comité de veille économique (CVE) a prolongé différentes autres mesures de soutien en faveur du tourisme, compte tenu de la persistance des effets négatifs occasionnés par la crise sanitaire de la Covid-19 sur certaines branches d’activité considérées vulnérables. Le CVE a en effet décidé de rallonger plusieurs mesures d’appui en leur faveur jusqu’au 30 juin 2021. Il s’agit, en l’occurrence, des indemnités, allocations familiales ainsi que l’AMO au profit des salariés relevant du secteur du tourisme, ainsi que l’accès au financement aux entreprises du secteur

 

 

 

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