◆ Le bras de fer opposant la FIMME à Maghreb Steel n’est pas conjoncturel, mais le résultat de problématiques structurelles.
◆ La Fédération prône la création d’un fonds de soutien et une banque de développement pouvant accompagner toute l’industrie nationale.
Par : Charaf Jaidani
Quel avenir pour le secteur marocain de la sidérurgie ? C’est pour répondre à cette question existentielle que la Fédération des industries mécaniques, métallurgiques et électromécaniques (FIMME) a organisé dernièrement une plénière où elle a convié des professionnels du secteur, des décideurs administratifs et des journalistes. Placée sous le thème «IMME au Maroc : performance économique entre challenges et opportunités», cette rencontre était destinée, officiellement, à présenter les réalisations du secteur et ses perspectives d’avenir.
Mais c’est bien évidemment «la querelle» opposant la fédération à Maghreb Steel, concernant les mesures de sauvegarde demandées par l’industriel marocain, qui a dominé les débats. Par communiqués interposés, les deux parties ont, quelques jours auparavant, affiché clairement leurs désaccords.
La fédération estime que la reconduction des mesures de sauvegarde risque d’impacter négativement tout le secteur notamment la destruction de 100.000 emplois. Pour elle, le problème de Maghreb Steel est structurel, dû essentiellement à sa surcapacité de production et son manque de compétitivité. Elle table sur sa situation de monopole pour assurer sa survie.
Pour sa part, Maghreb Steel maintient son argumentaire, mettant en évidence son rôle majeur dans un secteur qui risque d’être fortement impacté en l’absence de mesures de protection. Plusieurs chiffres dévoilés lors de cette conférence concernant l’emploi, l’investissement ou la production du secteur, avaient déjà été annoncés par le passé, notamment en janvier 2019 à l’occasion de la présentation des écosystèmes de la filière. La partie réservée aux slides de présentation n’a pas dépassé les 30 minutes pour laisser place aux débats, parfois houleux.
Capitalisant sur son rôle fédérateur et véhiculant dans un premier temps un discours plutôt diplomate, Tarik Aitri, président de la FIMME, a souligné de prime abord que «l’événement est destiné à évoquer les problématiques du secteur qui l’empêchent d’avancer et d’atteindre ses objectifs et s’ouvrir à toutes les opportunités qui lui sont données. Vu l’état inquiétant de la filière, il est primordial de sortir avec une feuille de route et d’actions à court terme». Il a précisé à maintes reprises que «la fédération n’est pas contre Maghreb Steel, mais elle prend juste position par rapport à certaines dispositions jugées injustes et injustifiées». Il a avancé plusieurs arguments pour soutenir sa thèse notamment les limites du marché marocain. «La consommation d’acier par habitant est nettement en deçà de la moyenne mondiale et aussi de celle des pays similaires. L’export reste la seule alternative pour développer l’activité, encore faut-il faire face à la concurrence étrangère », explique-t-il. Il a avancé d’autres facteurs qui peuvent perturber les opérateurs marocains en vue d’être compétitifs à l’international, notamment le coût de production, surtout celui à l’énergie, jugé très pénalisant, et le financement. «Avec une marge de 8% seulement et des taux d’intérêt d’une moyenne de 6%, les professionnels du secteur n’ont pas assez de visibilité», indique Aitri. Il prône «la création d’un fonds de soutien et une banque de développement qui peuvent accompagner toute l’industrie nationale». Maghreb Steel n’a pas hésité à répliquer contre les tirs croisés qu’elle a essuyés de la part de plusieurs membres de la FIMME. «Ces mesures de sauvegarde existent partout ailleurs pour contrer les mesures anti-dumping que livrent plusieurs grands producteurs mondiaux.
Il faut trouver des solutions gagnant-gagnant où les producteurs et les transformateurs trouvent leur compte», rétorque Hatim Senhaji, DG du sidérurgiste national. Par ailleurs, des intervenants membres de la FIMME ont évoqué d’autres contraintes, comme les difficultés rencontrées pour accéder à la commande publique, l’absence de la préférence nationale, une fiscalité contraignante, des pratiques déloyales, des délais de paiement longs, sans oublier la formation.
La position du ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique est plutôt du côté du soutien à la production nationale. «Le secteur que représente la FIMME est le seul à avoir bénéficié de deux contrats-programmes. Tout a été déployé pour développer la compétitivité des entreprises nationales », souligne Hicham Guedira, directeur des activités industrielles diverses.
Des opportunités pour développer la filière
La FIMME estime que le secteur présente des perspectives de croissance prometteuses à forte valeur ajoutée, à condition de diversifier le marché et de l’agrandir afin d’atténuer l’effet de la surproduction. On cite notamment les écosystèmes développés par le département de l’Industrie en partenariat avec les professionnels qui permettront de booster l’activité au niveau du chiffre d’affaires, de l’investissement ou de l’emploi. La fédération évoque également le programme d’investissement de l’OCP de 100 millions de DH sur la période 2018-2020, la zone de libre-échange Zleca qui présente des opportunités importantes pour renforcer l’export, les projets dans les énergies renouvelables et la commande publique à travers des projets structurants lancés par de nombreux organismes (ONCF, ONHYM, ANP, ONEE, ADM…).