De nombreux exploitants n’ont pas de visibilité pour honorer leurs engagements.
Le Maroc risque de perdre son positionnement à l’international pour différents produits.
Par C. Jaidani
La sévère sécheresse qui frappe le Maroc continue de peser lourdement sur l’agriculture nationale. Le gouvernement est contraint de faire des arbitrages. La priorité est donnée à l’eau potable, l’abreuvage du cheptel et certaines cultures à caractère stratégique. En matière d’irrigation, une politique restrictive est décrétée. Excepté le Loukkous et le Gharb, tous les autres périmètres irrigués connaissent une rationalisation draconienne des apports en eau. Il a été décidé de suspendre l’irrigation à partir des barrages agricoles des terres situées dans les provinces de Tadla et d’Al Haouz ainsi que dans les régions de Doukkala et Drâa-Tafilalet.
Les barrages agricoles pourront irriguer en 2022/2023 environ 417.000 hectares seulement, soit 74% de surface de moins que l’année dernière. Cette annonce faite par Mohamed Sadiki, ministre de l’Agriculture, du Développement rural, de la Pêche maritime et des Eaux et Forêts, donne froid au dos. Selon la Banque mondiale, l’irrigation génère 50% du PIB agricole et 75% des exportations du secteur agricole marocain. Elle est cruciale dans plusieurs filières comme le maraîchage et l’agrumiculture. La rationalisation des apports en eau dans les périmètres irrigués devient très perceptible. Plusieurs zones revoient à la baisse leur récolte.
«Nous passons par une période très difficile. La pluie a pris un sérieux retard. La plupart des barrages dans les régions agricoles frôlent le tarissement. La baisse substantielle des approvisionnements en eau devrait impacter les exploitations agricoles, que ce soit celles opérant à l’export ou celles dédiées au marché local. De nombreux agriculteurs n’ont pas de visibilité pour honorer leurs engagements. Sous l’effet de la baisse de l’offre de produits, le risque de la flambée des prix est inévitable», explique-t-on auprès de l’Association des producteurs et exportateurs de fruits et légumes (APEFEL).
Un vent d’incertitude et d’attentisme règne actuellement dans le monde rural. Les régions irriguées, qui étaient auparavant moins impactées par la sécheresse, semblent frappées de plein fouet. Il faut rappeler que le gouvernement a pris plusieurs initiatives pour faire face à la pénurie, comme l’interdiction des cultures grosses consommatrices d’eau, particulièrement dans les régions à fort stress hydrique, dont Zagora et Tata, où les exploitants de pastèques et d’avocats ont été contraints de basculer vers d’autres cultures. Les autorités ont décidé de ne plus octroyer de subventions pour l’acquisition de matériel et d’équipement destinés à l’irrigation ou d’aménagement hydroagricole pour les exploitants qui veulent investir dans ce créneau. «Les effets de ces mesures ne seront perceptibles qu’à partir de la saison prochaine.
Le Maroc, qui était un grand exportateur de ces produits (pastèques et avocats, ndlr), risque de ne pouvoir même pas satisfaire le marché local. Il risque de perdre son positionnement à l’international pour différents produits. Mais le plus important est de préserver la capacité de production du Royaume dans les produits stratégiques et à forte consommation comme les céréales, les légumineuses, les fourrages, les légumes de base ou les betteraves», explique Abderrahim Mouhajir, ingénieur agronome.