Politique monétaire : taux directeur, mode d’emploi

Politique monétaire : taux directeur, mode d’emploi

 

- Pour déterminer son taux directeur, la Banque centrale utilise deux modèles économétriques, en plus d’un jugement «subjectif».

- Elle revoit, à la fin de chaque trimestre, le scénario central de prévision moyennant une «balance des risques».

 

À l’approche de chaque Conseil monétaire de la Banque centrale, une question revient sur toutes les lèvres : est-ce qu’elle changera son taux directeur ? Investisseurs, observateurs ou encore journalistes se laissent alors aller aux spéculations et interprétations.

Au niveau de la Banque centrale, on se veut pourtant clair : les évolutions monétaires et macroéconomiques à court terme n’impactent pas l’évolution du taux directeur.

«En matière monétaire, les changements à court terme n’influent pas notre décision de maintenir ou de changer le taux. Raison pour laquelle nous avançons 8 trimestres dans nos prévisions. Et si sur les deux ans les évolutions monétaires font que je suis en mesure d’augmenter ou de baisser les taux, à ce moment, nous procédons au changement», a indiqué le gouverneur de la Banque centrale lors du dernier Conseil.

 

Les modèles utilisés

 

Il n’est pas nécessaire de rappeler que les banquiers centraux ont à prendre leurs décisions dans un monde fait d’incertitudes. Toutefois, si les chercheurs ont accompli des progrès remarquables dans l’analyse et la mesure des risques, appréhender l’incertitude à laquelle sont confrontés les banquiers centraux et, forcément, les marchés, est un défi d’une nature bien différente.

En cela, Bank Al-Maghrib intègre tous ces paramètres incertains dans un modèle à horizon réduit, appelé Uncertain Parameter Model (UPM). Combinés, ces paramètres forment un système autonome qui peut servir à simuler la trajectoire temporelle du taux directeur compatible avec les perspectives d’inflation, et inversement.

«À court terme, la Banque centrale utilise le modèle UPM, alors que sur le moyen terme elle utilise le modèle PAM (Partial Adjustment Model : ndlr). Le tout dans le cadre d’un système de prévision générale qui introduit un nombre de données, même celles internationales», explique Jouahri. Et de poursuivre: «ces modèles sont utilisés par toutes les Banques centrales, même les plus développées, et déterminent est-ce que la tendance du taux directeur reste appropriée ou pas».

Dans un horizon plus large, le Partial Adjustment Model inclut les déterminants fondamentaux du taux directeur, à savoir le différentiel de taux d'intérêt, le niveau d’inflation ou les évolutions du compte courant. Avec ce modèle, la Banque centrale déplace progressivement le taux directeur au taux cible. Si nécessaire.

En plus de ces modèles, la Banque centrale procède au «jugement d’expert», lors duquel le Conseil de BAM passe en revue tous les indicateurs économiques du pays et procède à des stress-tests qui consistent à simuler des conditions macroéconomiques et financières négatives afin d'étudier leurs conséquences sur l’économie. L'objectif étant d'évaluer leur capacité de résistance face à de telles situations, explique le wali. Tout en rappelant que Bank Al-Maghrib a changé à plusieurs reprises ses taux durant les six dernières années (2012, 2014 et 2016).

 

Balance des risques, l’autre exercice

 

La balance des risques intervient dans un contexte d’intensification des risques entourant le scénario central de prévision de BAM qui, s’ils se matérialisent, peuvent affecter la projection centrale. Pour ce deuxième trimestre, la balance des risques ressort à la baisse pour la croissance et à la hausse pour l’inflation, sans conséquence sur les taux.

Pour la croissance, les tensions commerciales et l’instabilité politique dans certains pays de la zone Euro pourraient peser sur la demande étrangère adressée au Maroc, comme l’a indiqué le wali lors du point-presse post-Conseil.

Au niveau national, la campagne de boycott qui a visé certains secteurs pourrait elle aussi constituer une source non négligeable de pressions à la baisse sur l’activité économique. Sur ce point, Jouahri dit ne pas avoir suffisamment de données ni de recul pour évaluer l’impact.

Pour l’inflation, BAM a identifié deux risques pouvant induire un niveau plus élevé que prévu : la hausse, plus accentuée, des cours des produits énergétiques à l’international (avec des effets de second tour sur les prix à la consommation); ou encore la concrétisation de la proposition du gouvernement d’augmenter les salaires publics, ce qui pourrait engendrer une hausse plus rapide que prévu des prix.

Au final, aucun modèle n’est optimal. La Banque centrale peut être confrontée à d’autres formes d’incertitudes qui peuvent avoir une incidence sur les règles de politique monétaire, qui n’est que l’une des équations qu’elle utilise pour décrire l’économie. ■

 

 

Par Y. Seddik

 

 

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