Plan de relance économique: La montagne ne doit pas accoucher d’une souris

Plan de relance économique: La montagne ne doit pas accoucher d’une souris

 L’Etat ne dispose pas de moyens illimités pour aider tous les secteurs foudroyés par la crise liée au coronavirus. 

 Les pouvoirs publics devront faire un choix cornélien, celui de prioriser et conditionner le soutien de l’Etat dans le cadre du Plan de relance économique. 

 

Par M. Diao

 

Les grandes entreprises ainsi que les millions de TPE et PME qui constituent l’essentiel du tissu économique national nourrissent de fortes attentes autour des plans sectoriels qui doivent être réalisés en concertation avec les différentes fédérations sous la supervision des ministres en charge des secteurs concernés. 

Pour rappel, le Comité de veille économique (CVE) avait pris, lors de sa réunion tenue le 29 avril 2020, un certain nombre de décisions relatives au lancement de la préparation du Plan de relance économique. Lequel Plan sera déterminant pour la sortie de crise dans laquelle est plongée la quasi totalité des branches d’activité marchandes du pays, confronté à la propagation du coronavirus.

Le mardi 12 mai 2020 devrait marquer la fin du suspens autour des plans de relance sectoriels. Mohamed Benchaâboun, ministre de l’Economie, des Finances et de la Réforme de l’Administration, avait, dans une correspondance adressée au patronat, proposé un canevas validé par les membres du CVE à même de cadrer la préparation des plans sectoriels, dont la date de finalisation a été fixée au 12 mai 2020.

L’enjeu de la pertinence des différents plans de relance sectoriels est de taille au regard de l’ampleur de la menace qui pèse sur bon nombre de pans de l’économie nationale.


Le challenge du prompt redémarrage économique

La raison d’être du plan de relance qui suscite beaucoup d’intérêt au Maroc est de hâter le redémarrage de la machine économique grippée par le Covid-19.

Le tourisme est en arrêt total, le coup est fatal concernant le tourisme international, il faudra au moins deux ans pour reconstruire avec l'éventuelle ouverture des frontières européennes et l'état de santé des compagnies aériennes. L’étude d’impact de la Confédération nationale du tourisme (CNT) alerte également sur le fait que si rien n’est fait, le secteur risque une perte de 138 Mds de dirhams en devises sur 3 ans.

C’est à ce titre que la CNT a d’ores et déjà élaboré une batterie de mesures pour un budget de 1,7 Md de dirhams dont 1,2 Md de DH pour la sauvegarde du secteur et 500 MDH pour la relance.

Même son de cloche pour un secteur connecté au tourisme, celui des agences de voyages, qui à cause de la pandémie doit près de 200 MDH à ses clients.

«Nous sommes aujourd’hui fortement impactés, toutes les réservations que nous avons reçues, ont été soit annulées ou reportées pour 2021», a confié récemment Khalid Benazzouz, président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc.

L’autre branche sinistrée qui attend beaucoup du Plan de relance est le BTP. «L’arrêt des chantiers varie entre 50 et 60% selon les régions», a déclaré Driss Nokta, vice-président de la Fédération nationale de l’immobilier, dans les colonnes de FNH. Le secteur a perdu 50.500 postes de travail et plus de 10 milliards de DH d’investissement.

Le cri de détresse lancé par le président de l’Association nationale des patrons de cafés et de restaurants du Maroc, Noureddine Harrak, traduit une situation désastreuse d’une branche d’activité à l’arrêt et aux abois. 

Toujours est-il que celui-ci ne perd pas l’espoir que les doléances du secteur (crédits bancaires, modification de la période de notification du loyer, etc.), soient prises en compte par le CVE.

 

90% du chiffre d’affaires partis en fumée 

Le secteur du commerce et de la franchise n’est pas mieux loti, avec une baisse de l’activité évaluée à près de 90% du chiffre d’affaires. 

«La grande majorité des enseignes de commerce en réseau qui sont concernées par la fermeture administrative liée à l’état d’urgence sanitaire agonisent à cause de l’absence de chiffre d’affaires et le maintien de certaines charges», a confié récemment Mohamed El Fane, président de la Fédération marocaine de la franchise (FMF), qui a le mérite de proposer 10 mesures à même de permettre à la branche de se relancer après la crise.

Le textile, pilier central de l’industrie nationale, pourvoyeurs de devises et d’environ 190.000 postes de travail est aussi plongé dans une crise sévère en raison de l’arrêt d’activité des grands donneurs internationaux. 

Même si Mohammed Boubouh, président de l’Association marocaine de l’industrie du textile et de l’habillement (AMITH), préfère faire preuve d’optimisme quant à l’avenir du secteur post covid-19, force est de constater que les entreprises du secteur à l’arrêt sortiront affaiblies de la crise actuelle. Elles auront besoin d’un coup de pouce de la part de l’Etat.

 

Les exportateurs montent au créneau 

Pour ce qui est des exportations nationales, l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX) déplore une situation alarmante. 

«Plusieurs secteurs sont à l’arrêt en raison notamment de la demande en Europe, principal marché des exportations nationales», a confié récemment Hassan Sentissi, président de l’ASMEX, qui regrette qu’un secteur aussi névralgique que les exportations nationales ne soit pas suffisamment pris compte par les pouvoirs publics. D’où la question de savoir si les exportations nationales seront soutenues par le Plan de relance.

Par ailleurs, plusieurs incertitudes pèsent sur le secteur automobile largement dépendant de la demande extérieure qui représente la quasi totalité des débouchés. Sur le marché local les ventes du secteur se sont contractées de 86% au mois d’avril. 

D’ailleurs, les importateurs automobiles ont été invités à lever le pied sur les importations. En mars dernier, dans l’optique de préserver les réserves en devises dans le contexte de crise, l’Administration des douanes et impôts indirects (ADII) avait demandé à l’Association des importateurs de véhicules au Maroc (AIVAM) d’inviter ses membres à réduire au strict minimum leurs importations en négociant avec leurs fournisseurs le report de celles-ci.

Une chose est sûre, toute nouvelle restriction d’importation de véhicules de luxe sera un sacré revers pour les opérateurs du secteur, qui réalisent davantage de marge sur le segment du luxe. Toutefois, la relance du fleuron de l’industrie nationale dépendra davantage de la demande mondiale.

Quid du financement ?

Il incombe à l’Etat dans le cadre du Plan de relance économique de déterminer les secteurs à soutenir, notamment ceux qui peuvent reprendre rapidement car la contrainte du financement est une donne fondamentale, à l’heure où les finances publiques sont soumises à rude épreuve par la crise (baisse des recettes publiques et hausse des dépenses).

Une question cruciale reste en suspens. L’Etat qui visiblement veut sortir le pays de la crise par le haut par l’entremise d’un Plan de relance ambitieux a-t-il les moyens de ses ambitions ? Autrement dit, le Plan de relance peut-il être financé sans générer l’alourdissement substantiel de la dette publique dont le remboursement grève déjà le Budget général de l’Etat ?

Les tout prochains mois nous le diront. 

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