Le Morocco Today Forum 2025 s’est penché sur les leviers de transformation que le Mondial 2030 peut activer. Bien au-delà du ballon rond, c’est un véritable projet de société qui se dessine, à travers une stratégie d’investissements de grande ampleur, une modernisation accélérée des infrastructures et une volonté affirmée de bâtir un développement inclusif pour les décennies à venir.
Par Désy M.
A cinq ans de la Coupe du monde 2030 que le Maroc coorganisera avec l’Espagne et le Portugal, les contours d’une mutation socioéconomique d’envergure commencent à se dessiner. Entre infrastructures aéroportuaires modernisées, réseaux ferroviaires densifiés, zones touristiques repensées et services publics digitalisés, cette échéance internationale s’impose progressivement comme un accélérateur stratégique de développement structurel, au croisement des politiques industrielles, territoriales, sociales et environnementales du Royaume.
Le Morocco Today Forum 2025 (MTF), organisé récemment à Rabat par le Groupe Le Matin, en a fourni la démonstration, en axant son panel ministériel sur la question : «Faire de l’échéance 2030 un accélérateur de développement socioéconomique du Maroc, durable et inclusif».
En effet, on parle de 500 milliards de dirhams d’investissements projetés d’ici 2030. Mais ce n’est pas tant l’ampleur budgétaire qui fait la transformation, c’est plutôt l’orientation stratégique qu’elle prend. Le gouvernement l’a affirmé : ces investissements visent à structurer durablement les territoires, renforcer les capacités nationales et améliorer la qualité de vie des citoyens.
Tous concernés
«Ce n’est pas un chantier sportif, c’est un chantier d’avenir. Les retombées économiques de la coorganisation du Mondial 2030 ont été rigoureusement modélisées, avec à la clé un impact estimé à 1,7% de croissance en plus et la création de plus de 100.000 emplois par an. Mais l'essentiel demeure que cette dynamique soit concrète et bénéfique pour l'ensemble des acteurs», a affirmé d’entrée la ministre de l’Économie et des Finances, Nadia Fettah Alaoui.
Précisant que le Maroc ne construit pas pour un mois de compétition, mais pour plusieurs décennies. Derrière la modernisation des routes, des gares ou des aéroports, c’est un nouveau modèle de développement qui se déploie. Convergeant dans le même sens, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, considère l’horizon 2030 comme un palier pour faire changer d’échelle l’appareil productif national. L'industrie automobile, l’aéronautique, le ferroviaire, le BTP, etc., tous ces secteurs sont appelés à monter en puissance. «On commande 180 trains, on prépare 150 avions. C’est une opportunité pour attirer de nouveaux investisseurs et renforcer nos capacités productives nationales», affirme-t-il.
La logique est de capter, localiser, fabriquer et surtout structurer des chaînes de valeur locales durables. Mais une infrastructure sans services efficaces ne fait pas une transformation. Amal El Fallah Seghrouchni, ministre déléguée à la Transition numérique, insiste pour sa part sur le fait que l’enjeu est aussi dans l’expérience usager. Cela passe par une réforme de fond de l’administration publique, portée par la digitalisation des services. Ainsi, la mise en place du portail national «Idarati» regroupant désormais plus de 660 services a pour ambition de créer une interface citoyenne simple, efficace et inclusive. Le Maroc prépare une loi globale sur la confiance numérique et généralise les identités numériques dès la naissance. Ceci dans le but de rendre les services plus accessibles, mais aussi plus transparents et plus humains.
«Le citoyen doit être réconcilié avec l’Administration», a-t-elle résumé. Au cœur de cette dynamique, le secteur privé est appelé à jouer un rôle pivot. Et les TPME doivent toutes aussi tirer profit de cette dynamique et pleinement participer à la croissance. Pour Chakib Alj, président de la CGEM, «l’effet structurant du Mondial ne pourra se concrétiser que si les TPE et PME en deviennent des bénéficiaires à part entière. Nous nous y attelons, en renforçant la formation, en militant pour un crédit dédié et en assurant une préférence nationale dans les appels d’offres. Ce sont elles qui créent 80% des emplois. Il faut qu’elles aient leur place dans ce chantier national», a-t-il martelé.
Par ailleurs, le financement, le nerf de la guerre, se doit d’être au rendez-vous de ces grands chantiers. Mohamed El Kettani, PDG d’Attijariwafa bank, se veut rassurant. «Le système bancaire marocain est prêt; mieux encore, il est expérimenté. Il a déjà financé ports, centrales solaires, lignes LGV, etc. Il continuera avec des logiques innovantes, en mobilisant épargne longue, dette privée, partenariats public-privé», a-t-il insisté. Si elle est bien conduite, l’échéance 2030 peut devenir le point d’inflexion d’un nouveau modèle marocain, centré sur l’investissement productif, l’inclusion, la soutenabilité et la souveraineté économique.