Financement des économies africaines: le «New deal» annoncé à Paris suffira-t-il ?

Financement des économies africaines: le «New deal» annoncé à Paris suffira-t-il ?

Les solutions qui ressortiront du Sommet abrité par la capitale française seront probablement incapables de satisfaire les besoins de financement des économies africaines durement touchées par la crise liée à la Covid-19.

 

Par M. Diao

 

Le Sommet sur le financement des économies africaines qui s’est tenu récemment à Paris, à l’initiative du président français Emmanuel Macron, a suscité l’intérêt d’une large frange de la communauté internationale. L’objectif de cette rencontre de très haut niveau a été de tracer une feuille de route en vue d’accompagner le continent africain, lequel aspire à se relever très vite de la récession induite par la pandémie mondiale.

Pour rappel, en près de 25 ans, c’est la première fois que le continent, qui compte une population d’1,2 milliard de personnes, enregistre une récession d’une telle ampleur, avec un recul de 2,1% du PIB en 2020. D’ailleurs, il ressort des prévisions publiées en avril que le FMI prévoit une progression de l’activité africaine de 3,4% contre 6% pour l’économie mondiale en 2021.

Annulation de la dette, la France montre l’exemple

La rencontre de haut niveau, a enregistré la participation de pas moins d’une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement africains et européens. Le rendezvous parisien s’est fixé un objectif ambitieux  : trouver des solutions nouvelles à même de permettre à l’Afrique de faire face au choc sans précédent causé par la pandémie, et ainsi de renouer avec la croissance, à l’instar d’autres continents qui ont pu mettre en place des plans de relance massifs. Parmi les pistes explorées, il y a l’allègement, voire l’annulation partielle de la dette des pays africains les plus pauvres et le soutien exceptionnel du FMI par le biais des droits de tirage spéciaux (DTS). D’ailleurs, à la veille du Sommet, le président Emmanuel Macron s’est déclaré être en faveur d’une annulation de la créance de la France sur le Soudan.

Ce qui représente tout de même la bagatelle de près de 5 milliards de dollars. Ce geste louable pour certains serait un mauvais signal envoyé aux pourvoyeurs de financements et qui pourraient coller aux pays africains l’étiquette de mauvais payeur. Or, ces derniers, à l’instar des autres Etats, honorent leurs engagements en matière de remboursement de prêts. Néanmoins, l’annulation de la dette de certains pays du continent ne peut avoir d’effets substantiels sur le financement des économies des Etats africains sans l’avis favorable de la Chine qui détient près de 40% de la dette du continent.

De solutions intéressantes, mais insuffisantes

Entre 2006 et 2019, la dette du continent, lésé parfois à tort par des taux d’intérêt prohibitifs sur les marchés des capitaux en raison de l’exagération du risque, a été multipliée par trois, passant ainsi de 100 à 309 milliards de dollars. Toujours est-il que ces chiffres sont à relativiser, surtout si l’on sait qu’un pays comme la France a affiché un taux d'endettement public de 120% du PIB à cause de la crise. Même l’Allemagne, un pays connu pour sa rigueur en matière de discipline budgétaire et de gestion de la dette publique, a enregistré un taux d’endettement public de 74% du PIB en 2020.

Pour l’Afrique, un continent qui a besoin d’être accompagné dans le processus de transformation de ses énormes potentialités, le taux d’endettement public a tourné autour de 52% du PIB en 2020. A l’instar des autres pays développés durement impactés par la crise économique, les Etats africains sont appelés à recourir à l’endettement afin de faciliter la relance de leurs économies respectives, et surtout financer leur développement qui a affiché une grande marge de progression. Le président français a formulé le vœu pour que le Sommet de Paris débouche sur l’instauration d’un «New deal» en faveur de l’Afrique, notamment avec la mise en place de solutions profondément novatrices.

Cette grande ambition conférée à la manifestation internationale est certes louable, mais force est de constater que les suggestions majeures issues de la rencontre sont insuffisantes pour couvrir les 285 milliards de dollars (233,3 milliards d'euros) de financements supplémentaires nécessaires au renforcement de la réponse apportée par les pays africains à la pandémie sur la période 2021-2025. 

Les droits de tirage spéciaux (DTS) en négociation lors du Sommet ne représentent que 34 milliards d’avoirs de réserve  alloués par le FMI à l’Afrique et qui peuvent être échangés  en contrepartie de liquidités ou d'espèces. Notons tout de même que Macron a formulé le vœu que ce montant passe à 100 milliards de dollars. Pour atteindre cet objectif, la France et le Portugal ont montré l’exemple en décidant de réallouer leurs DTS à l’Afrique.

Un accord définitif sur le sujet est attendu entre juin et octobre prochains. Il importe de noter que les droits de tirage spéciaux du FMI ne sont pas sans conditions, lesquelles peuvent être parfois en contradiction avec la volonté de certains Etats africains qui veulent avoir une large marge de manœuvre quant à leur niveau d’endettement public.

Au final, le sommet de Paris ne permettra pas de régler les énormes problèmes de financement de l’Afrique. Par contre, il a eu le mérite de mettre sous les feux des projecteurs internationaux l’épineuse question de l’endettement des pays du continent, qui ont beaucoup de difficultés pour mobiliser le financement nécessaire à leur développement.

 

 

 

 

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