e-commerce : les défis d’un marché en pleine croissance

e-commerce : les défis d’un marché en pleine croissance

Le commerce électronique au Maroc a le vent en poupe, enregistrant une croissance à deux chiffres. Mais cette montée en puissance soulève de nouveaux enjeux de régulation, d’inclusion et de cybersécurité.

 

Par Désy M.

Le secteur du e-commerce au Maroc connait une croissance significative, avec un chiffre d'affaires atteignant 1,6 milliard de dollars en 2024, selon Statista. Le marché a également enregistré plus de 25 millions de transactions en ligne, pour un total de plus de 6 milliards de dirhams, selon Combind. Il affiche une croissance annuelle moyenne de 30%. Cette dynamique s’appuie sur une profonde mutation des usages, portée par la généralisation des smartphones, l’amélioration des infrastructures logistiques et une pénétration d’Internet qui dépasse désormais les 109%, selon les données officielles.

Si le commerce électronique de biens physiques ne représente encore que 0,5% du PIB national contre une moyenne mondiale de 5%, l’objectif ambitieux est d'atteindre 10 milliards de dirhams d’ici la fin 2025, puis 20 milliards à l’horizon 2030. Mais cette ascension rapide n’est pas exempte de déséquilibres. Iliass Fellaki, certifié au Canada et CEO de Canaweb, estime que cette croissance est le fruit d’une combinaison d’indicateurs structurants et d’initiatives publiques.

Il cite notamment la montée en puissance de la connectivité, l’attractivité grandissante pour les investissements étrangers, illustrée entre autres par l’installation stratégique d’Alibaba à Casablanca, et les efforts pour moderniser le cadre règlementaire. Toutefois, il met en garde contre une captation excessive des bénéfices par les géants du secteur. «Aujourd’hui, ce sont les mastodontes du e-commerce qui captent l’essentiel de la valeur. Les PME, elles, peinent à suivre», alerte-t-il. Pour éviter un fossé numérique, il préconise des outils mutualisés, des formations ciblées et la promotion de modèles hybrides comme le «click & collect», en valorisant les produits locaux.

 

Cadre légal renforcé et accompagnement structuré

En réponse, le ministère de l’Industrie et du Commerce a multiplié les mesures pour accompagner les commerçants marocains dans leur digitalisation. Ces efforts se traduisent par l’intégration numérique de 4.500 petits commerçants via des plateformes digitales, la création de 200 points de livraison dans les commerces de proximité, et le soutien à 161 startups à travers l’initiative Moroccan Retail Tech Builder (MRTB).

Une convention signée en avril 2025 vise par ailleurs à digitaliser le commerce intérieur et extérieur, en généralisant les outils numériques pour les commerçants et en soutenant des plateformes exportatrices comme Trade.ma.

Sur le plan règlementaire, l’État affiche une volonté de structuration ferme. La révision en cours de la loi sur la protection du consommateur vise à encadrer les marketplaces, interdire les pratiques trompeuses et limiter les exonérations douanières à l’import pour mieux protéger le tissu économique local. Une cellule dédiée au contrôle des sites de e-commerce a déjà mené 200 opérations en 2024, débouchant sur des avertissements et des procès-verbaux, renforçant ainsi la confiance des consommateurs.

Les réformes futures prévoient le renforcement de la lutte contre la fraude en ligne, la facilitation du règlement des litiges à distance, et la mise à jour des règles encadrant les paiements électroniques et la cybersécurité. Au cœur des transformations en cours, la question du paiement électronique s’impose comme un levier déterminant. Malgré les avancées du commerce digital, le paiement à la livraison en espèces reste la norme, particulièrement dans les zones rurales, et le taux de bancarisation plafonne à 54%.

Mais la donne change. Depuis le 1er mai 2025, plusieurs nouveaux acteurs, notamment des filiales de banques et des établissements de paiement, sont autorisés à équiper directement les commerçants en solutions de paiement électronique. Ce basculement devrait permettre la migration de quelque 55.000 contrats commerçants et 65.000 terminaux d’ici novembre 2025. Pour Fellaki, il s’agit là d’un véritable tournant  : «cette ouverture va stimuler la concurrence, réduire les coûts, et accélérer l’innovation, notamment dans le paiement mobile. Les QR codes et les solutions via numéro de téléphone offrent une passerelle idéale pour les non-bancarisés».

Il tient à préciser que cette transition ne se fera pas sans un travail d’éducation financière et de renforcement de la confiance des usagers. Enfin, le débat sur la régulation des plateformes numériques dominantes prend de l’ampleur. Alors que le marché est dominé par quelques acteurs puissants, les autorités marocaines cherchent à instaurer un équilibre entre protection du consommateur et stimulation de l’innovation. «Il ne s’agit pas de freiner, mais de structurer une croissance saine et inclusive», résume Fellaki. 

 

 

 

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