Défaillances des entreprises : «un alignement négatif des planètes»

Défaillances des entreprises : «un alignement négatif des planètes»

 

Selon Hicham Bensaid Alaoui, la hausse des défaillances des entreprises au niveau mondial traduit un ralentissement structurel de la croissance globale.

Le Maroc est appelé à pâtir de la tendance généralisée de ces défaillances. BTP et distribution sont les secteurs les plus exposés.

 

Propos recueillis par A.E

 

Finances News Hebdo : Les défaillances d’entreprises dans le monde devraient croître de 6% en 2019. Qu’est-ce que cela dit de l’environnement économique global ?

Hicham Bensaid Alaoui : L’augmentation des défaillances d’entreprises, dans le monde ne semble qu’être le reflet d’une décélération généralisée de la croissance économique, après les 3,2% de croissance mondiale du PIB en 2017, les 3,1% de 2018 et une estimation à 3% pour 2019.

De fait, un tel ralentissement de la croissance économique globale a pour corollaires mécaniques l’augmentation de la mortalité des entreprises, la stagnation des investissements et la propagation d’un climat d’attentisme peu louables, entre autres effets indésirables.

 

F.N.H. : Sommes-nous, selon-vous, dans un ralentissement conjoncturel ou structurel de la croissance mondiale ?

H. B. A. : De fait, un ralentissement conjoncturel de la croissance mondiale est généralement le fruit d’un évènement isolé, qu’il soit d’ordre politique, économique ou social, dans un pays de tout premier plan, d’un point de vue économique, au niveau mondial.

Or, en l’espèce, nous anticipons un alignement négatif des planètes, si l’expression est permise, puisque concomitamment, les Etats-Unis, l’Europe et l’Asie devraient enregistrer des replis majeurs de leur croissance en 2019.

Par voie de conséquence, nous semblons bel et bien en passe d’affronter un ralentissement relativement sérieux de la croissance économique, d’ordre structurel.

Toutefois, par essence, les phases de croissances économiques (Kichin, Juglar, Kondradtiev…) sont cycliques et doivent, nécessairement, aboutir à des phases de reprises subséquentes, au détriment des modèles économiques actuels.

Ainsi, une certaine désindustrialisation, une tendance à la tertiarisation marquée, voire à l’ubérisation, devraient, en théorie, permettre de prendre le relais de la croissance mondiale future, les modèles actuels pouvant, par certains aspects, avoir montré leurs limites concrètes.

 


A lire >  Défaillances d’entreprises : la hausse se poursuit


 

F.N.H. : Euler prévoit une hausse de 4% des défaillances d’entreprises au Maroc en 2019. Quels seraient les secteurs les plus exposés ?

H. B. A. : Le Maroc est appelé à pâtir de la tendance généralisée des défaillances d’entreprises sus-évoquée, étant pleinement et globalement intégré à l’économie mondialisée.

Toutefois, il convient de rappeler que le tissu économique, dans notre pays, souffre de quelques maux structurels : surcapacités, faibles investissements en recherche et développement, faible qualification du capital humain, trop grande facilité de création d’entreprises, de plus en plus sous-capitalisées, tendance quasi-culturelle à l’allongement artificiel des délais de paiements, etc. Ces maux sont particulièrement prononcés dans certains secteurs, BTP et distribution en tête.

Dans une telle configuration, ces 2 secteurs semblent les plus exposés aux perturbations en cours. Or, au Maroc, la quasi-totalité des secteurs économiques pâtissent indirectement de l’essoufflement du secteur des BTP, car même pour les pans d’activité a priori bien éloignés de cette chaîne de valeur, il se trouvera toujours un stakeholder (client, fournisseur, etc.) ayant investi dans le secteur immobilier et se retrouvant ainsi, dans sa situation de liquidité à court, moyen ou long terme, négativement impacté par la conjoncture actuelle du secteur.

 

F.N.H. : Au regard des mesures annoncées par le gouvernement pour faire baisser les délais de paiement (83 jours en 2018), peut-on espérer une amélioration à ce niveau, à moyen terme ?

H. B. A. : L’arsenal juridique marocain demeure l’un des plus étoffés au monde. Ainsi, ce n’est pas tant la faiblesse des lois ou des mesures gouvernementales que leur application concrète et effective qui nous font défaut.

Tout dépend donc de l’état d’esprit et de la poursuite plus ou moins pratique des dispositions figées dans le marbre… Or, sans exécution de ces mesures, point de salut !

 

F.N.H. : Jusqu’à quel point le conflit commercial qui oppose la Chine et les Etats-Unis peut-il impacter l’économie marocaine, notamment son industrie ?

H. B. A. : Le Maroc demeure un petit pays économiquement, dont le PIB représente moins d’une semaine de richesse générée par la Chine ou les Etats-Unis, et dont les exportations (phosphate, produits agricoles, offshoring…) demeurent cantonnées.

Dans une telle configuration, le pragmatisme doit nous amener à reconnaître qu’une guerre opposant de tels géants devrait induire des retombées marginales sur notre pays, contrairement à des économies, européennes notamment, fortement intégrées avec les économies chinoise et américaine.

A contrario, il pourrait s’agir là d’une opportunité de développement assez rare pour notre pays, dont la stabilité politique et les réformes entreprises peuvent induire une petite guerre dans la guerre, si l’expression est permise, pour savoir qui des Américains ou des Chinois investiront le plus dans un pays aussi prometteur et aussi stable. ◆

 

 

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