La croissance devrait repartir après une année 2016 calamiteuse. Pas une raison pour autant de s’enthousiasmer : les vulnérabilités structurelles de l’économie sont toujours bien présentes.
3,6%. C’est le taux de croissance pronostiqué pour le Maroc en 2017 par le Hautcommissariat au plan (HCP), qui vient de rendre public le budget économique prévisionnel pour l’année 2017. Le département de Ahmed Lahlimi a très légèrement revu à la hausse sa prévision de croissance pour 2017, établie en juin 2016 à l’occasion du budget économique exploratoire.
Cette prévision affinée, qui fait généralement autorité auprès des opérateurs économiques, se base sur des hypothèses d’un baril de pétrole à 55 dollars, une amélioration de 3,8% de la demande mondiale adressée au Maroc et, surtout, d’une campagne agricole moyenne autour de 70 millions de quintaux. «Nous maintenons notre prévision d’une récolte moyenne, même si les premières pluies ont suscité beaucoup d’espoir; mais il y a une crainte sur le froid actuel qui peut abimer les récoltes», justifie-t-on au sein du HCP.
Ce retour de la croissance, après une année 2016 calamiteuse (progression du PIB de seulement 1,1%), démontre une fois de plus la grande dépendance du Maroc à la pluviométrie. «Nous sommes dans la droite ligne de ce que l’on connaît : la croissance s’approche des 4% quand il pleut, et des 2% quand il ne pleut pas», constate Lahlimi. C’est ce que le HCP appelle «l’équilibre bas de la croissance».
Les activités non-agricoles au ralenti
La valeur ajoutée du secteur agricole devrait progresser de 9,7% en 2017, et contribuera à hauteur de 2% à la croissance du PIB. Par contre, là où le bat blesse, c’est du côté de la valeur ajoutée non-agricole (activités secondaires et tertiaires) qui peine à décoller. «Les activités non-agricoles continuent de s’inscrire dans un sentier de croissance en ralentissement», note en effet le HCP. Avec un taux d’accroissement de 2,1% par an durant la période 2013-2016, les réalisations de ces activités restent loin du niveau de 5,3% par an de la période 2010-2012 (voir tableau).
La croissance des activités non-agricole devrait se limiter à un petit 2,4% en 2017, la demande extérieure adressée au Maroc n’étant pas encore assez vigoureuse. Malgré l’évolution favorable des exportations, la persistance du poids des importations devrait induire une contribution de la demande extérieure nette négative, certes atténuée, passant de -2,8 points en 2016 à -0,3 point en 2017.
En réalité, c’est toujours la demande intérieure qui est le moteur principal de la croissance, notamment la consommation des ménages, et l’investissement. Après avoir reculé en 2014 et 2015, l’investissement a progressé de 7% en 2016 et devrait croître de 4% en 2017. La contribution de la demande intérieure à la croissance du PIB en 2017 devrait être de 3,9%. Ce qui fait dire à Ahmed Lahlimi que ces indicateurs démontrent «la vulnérabilité de notre modèle de croissance qui renvoie à la question de fond que le Maroc devrait résoudre, celle de la faible compétitivité de son tissu productif porteuse de menaces sur la soutenabilité de la croissance et la solvabilité financière du pays».
Dette publique : la vigilance est de mise
Les finances publiques devraient continuer de poursuivre leur embellie. Le déficit budgétaire devrait ainsi être maîtrisé à un niveau jugé tolérable. Ce dernier devrait se situer à 3,5% du PIB en 2017, après celui de 4% estimé pour 2016. En revanche, la vigilance est de rigueur concernant le taux d’endettement public global : il ne cesse de progresser dangereusement pour représenter jusqu’à 81,8% du PIB en 2016. Son volume aurait doublé entre 2009 et 2016 pour atteindre 827 milliards de DH, au lieu de 418 milliards de DH, soit une augmentation annuelle moyenne de 58 milliards de DH! Cet accroissement de la dette publique est essentiellement le fait du Trésor. Néanmoins, note Lahlimi, on constate une montée en puissance de l’endettement des établissements publics, surtout ces deux dernières années. «Aujourd’hui, la dette extérieure des établissements publics aurait tendance à prendre le pas sur celle du Trésor», constate le HCP. Or, l’environnement international décline de réelles menaces sur les coûts de financement de notre économie.
International : les incertitudes grandissent
L’environnement international justement, A. Lahlimi s’y est longuement appesanti en préambule à son intervention. Si 2016 a été une année particulièrement tumultueuse, 2017 le sera aussi. «Une quantité d’incertitudes demeure», souligne le Haut-commissaire au plan, que ce soit au niveau des élections dans la zone Euro, la crise des migrants, l’arrivée au pouvoir de Donald Trump, les effets du Brexit, le terrorisme ou encore la montée du populisme dans les pays riches.
«Les pays développés sortent de la crise économique, mais cette sortie se fait de manière chaotique», ajoute-t-il. Les grands pays ont tendance à se replier sur eux-mêmes pour retrouver de façon endogène les ingrédients de la croissance, remettant en question la mondialisation des économies et le libre-échangisme. Cela ne sera pas sans répercussions sur les pays en voie de développement. 2017 devrait aussi être caractérisée par la montée des cours du pétrole, celle du Dollar, et une désynchronisation des cycles de croissance entre l’Union européenne et les Etats-Unis. «Il y a un retour d’une forme de guerre froide économique entre les grandes puissances», indique Lahlimi. 2017 verra ainsi la prévalence du politique voire de l’idéologique sur l’économique. «Nous devons être prudents», conclut Lahlimi.
Par A. E.
Le casse-tête des importations
La demande intérieure, qu’elle provienne des ménages ou de l’investissement, se caractérise par le fort et croissant contenu en importations, juge le HCP. L’amélioration du niveau de vie de larges couches de la population a permis leur accès à un nouveau modèle de consommation avec l’émergence, dans son segment non alimentaire, de nouveaux besoins de biens et services souvent satisfaits par des importations. Les importations de biens et services destinées aux ménages auraient occupé une part croissante dans la balance commerciale jusqu’à atteindre 20% des importations totales. L’investissement est à l’origine d’une importation croissante de biens d’équipement dont la part dans les importations serait passée de 19% en 2011 à 29% en 2016. Le seul compartiment industriel des exportations aurait entraîné un volume d’importations en intrants intermédiaires d’un montant global de 25 milliards de DH en 2015, au lieu de 12,7 milliards de DH en 2011, indique le HCP. Le taux de pénétration des importations se situerait à 34% aujourd’hui atteignant l’un des niveaux les plus élevés relevés dans les pays émergents.
La solution ne réside ni dans la compression de la consommation des ménages, ni dans un quelconque relâchement de l’effort d’investissement. Il faut plutôt se focaliser sur l’amélioration du rendement de l’investissement. Cela peut se faire par le biais d’ «une meilleure gestion des programmes et leur allocation optimale sectorielle et technologique». C’est ainsi que le pays pourrait puiser les facteurs d’amélioration de la compétitivité du tissu productif national et de la croissance économique.