Crise du Covid-19 : La classe moyenne souffre en silence

Crise du Covid-19 : La classe moyenne souffre en silence

La détérioration de la situation de cette catégorie de la population devrait accentuer la pauvreté dans le Royaume.

Le gouvernement est appelé plus que jamais à la soutenir massivement pour éviter son déclassement.

 

L’ économie marocaine est basée essentiellement sur la demande intérieure qui, elle-même, est animée, en grande partie, directement ou indirectement, par la classe moyenne. Véritable moteur de croissance à plusieurs niveaux, cette catégorie de la population se retrouve en première ligne face à la crise économique. Les effets néfastes de cette situation risquent de peser lourdement sur toute l’économie nationale. La perte d’emploi, la cessation ou le ralentissement de l’activité engendrent automatiquement des réactions en chaîne.

Outre le non-paiement des échéances de crédit ou autres engagements, les personnes issues de la classe moyenne réduisent sensiblement leurs dépenses par manque d’argent ou pour préserver leur bas de laine, au cas où leur situation venait à se détériorer. Plusieurs indicateurs corroborent ce constat dont celui du règlement de la scolarité des enfants dans les écoles privées. Selon Fouad Benchekroune, président de la Confédération nationale des institutions d’enseignement et de formation privées au Maroc, «le taux d’acquittement des frais scolaires pour les mois de mars et avril ne dépasse pas les 30%. Certains parents d’élèves ne veulent pas payer bien qu’ils n’ont pas perdu leur emploi.

Si cette situation perdure encore quelques mois, notre secteur ne pourra pas tenir et de nombreuses écoles devront fermer». Le secteur des écoles privées n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Différentes activités sont confrontées aux mêmes répercussions. Bien que le gouvernement ait pris une série de mesures pour faire face à la crise, une certaine psychose s’installe. «La classe moyenne est une locomotive qu’il faut soutenir et à qui il faut envoyer des signaux forts dans ces moments difficiles afin de préserver la machine économique pour que le redémarrage, après le confinement, se déroule dans les meilleures conditions possibles», souligne Omar Balafrej, député de la Fédération de la gauche démocratique (FGD). Il estime que «la détérioration de la situation de la classe moyenne devrait élargir celle de la classe pauvre et accentuer davantage les inégalités sociales dans notre pays.

Le Maroc paie le prix fort de son libéralisme sauvage. J’ai toujours appelé à alléger le fardeau fiscal sur la classe moyenne et taxer le capital, les hauts revenus et l’économie de rente afin de dégager des marges et édifier un véritable état social». Aujourd’hui, la situation est plutôt alarmante. Plus de 113.000 entreprises ont déclaré un arrêt temporaire de leur activité et plus de 700.000 salariés sont concernés, dont la plupart issue de la classe moyenne, sans compter les autres travailleurs impactés opérant dans le secteur informel. Une enquête par sondage de la CGEM effectuée auprès des chefs d’entreprise a révélé que 55,11% craignent perdre leurs effectifs notamment dans les secteurs les plus affectés comme le tourisme, le textile, l’immobilier… Le risque d’une hausse conséquente du chômage est également une hypothèse soutenue par le hautcommissariat au Plan (HCP).

Des contribuables par excellence

La classe moyenne est composée d’actifs qui participent à l’évolution de la société et au développement de l’économie. Ce sont des contribuables par excellence aussi bien au niveau de l’impôt sur le revenu (IR) ou la TVA pour la consommation, ou encore les autres impôts et taxes comme les droits de douane, d’enregistrement ou de la TPI. «La préservation de la classe moyenne est une condition sine qua none pour la sauvegarde de toute l’économie nationale du fait que cette catégorie est la colonne vertébrale de la société. Elle a été marginalisée dans les politiques publiques, et il est temps de lui accorder plus d’attention, notamment au niveau fiscal, pour qu’elle puisse s’acquitter convenablement de sa tâche en tant qu’acteur socioéconomique du pays», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Et de poursuivre : «le pourvoir d’achat de cette catégorie n’a pas beaucoup évolué ces dernières années à cause de la stagnation de son revenu.

Si cette crise n’est pas négociée judicieusement, elle devrait avoir des conséquences désastreuses qui peuvent durer pendant des années créant dans son sillage de nombreux déséquilibres économiques et sociaux», explique Oubouali. Le gouvernement est appelé plus que jamais à soutenir massivement la classe moyenne pour éviter son déclassement. Le cas échéant, son redressement nécessitera beaucoup d’effort et de temps, engendrant des effets collatéraux incommensurables et un coût faramineux qui sera répercuté sur plusieurs générations.

 

Par C. Jaidani

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