Les métiers complémentaires de l’agriculture, déjà impactée par la sécheresse, sont frappés de plein fouet.
Le confinement a réduit sensiblement les opportunités d’emploi dans les villes.
Témoignages poignants de plusieurs travailleurs.
Par : Charaf Jaidani
A ses débuts, la pandémie de Coronavirus a été prise à la légère dans le monde rural. Certains même l’ignoraient totalement et s’estimaient peu concernés, à l’exception de ceux qui ont des enfants scolarisés et qui ont dû s’adapter aux nouvelles conditions d’enseignement imposées par le département de tutelle. Mais la situation a complètement changé avec le confinement de la population, qui s’est accentué à partir du 20 mars avec l’interdiction des déplacements interurbains.
Sous l’effet de la sécheresse et la baisse d’activité dans le secteur agricole, de nombreux paysans étaient à la recherche de métiers dans les villes, notamment dans la maçonnerie, le commerce, le transport ou le travail journalier dans les entreprises BTP ou autres. D’autres se ruaient vers les souks hebdomadaires dans l’espoir de dénicher quelques boulots comme aides-commerçant ou porteurs de marchandises, mais ils ont été vite confrontés aux restrictions imposées par les autorités en matière de déplacement.
Dans la province de Benslimane, la décision des autorités locales de fermer les souks hebdomadaires n’a pas été du goût des habitués de ces sites. «Habituellement, je travaille dans les activités de collecte des légumes ou dans les champs de céréales et de légumineuses. Lors des saisons pluvieuses, je gagnais au minimum 100 DH/jour. Mon revenu pouvait atteindre facilement 200 DH/ jour lors des pics de la campagne notamment au cours des moissons. Actuellement, il y a une forte offre de main-d’œuvre sur le marché et donc une baisse de la demande. Je peux à peine trouver un revenu journalier de 50 DH et le plus souvent quelques jours par semaine seulement. Nous compensons ce manque à gagner à travers de petits métiers journaliers dans les villes qui tournent au ralenti. Ce qui complique davantage notre situation», témoigne Larbi Lahrech, travailleur agricole.
Le confinement a impacté d’autres métiers liés à l’agriculture même si le secteur figure dans la liste tolérée par le gouvernement. La fermeture des marchés a perturbé le commerce de bétail et les produits alimentaires qui lui sont dédiés. «Jusqu’à vendredi 20 mars, nous avons travaillé normalement. Le souk Jemaâ de Fedalate relevant de la province de Benslimane affichait sa dynamique habituelle. Mais le lendemain à Sebt Tit Mellil, la situation commençait à basculer. Les autorités ont restreint l’accès au site et l’activité a beaucoup régressé. Actuellement, les autres souks de la région comme Tnine Toualaâ, Tlat Ziayda ou Khmis Bouznika seront fermés jusqu’à nouvel ordre», affirme amèrement Ahmed Benatij, commerçant itinérant de bétail. Ce dernier n’a pas manqué de souligner que la chaîne d’approvisionnement de la filière viandes rouges sera fortement secouée et le risque de flambée des prix des produits n’est plus à écarter.
Les transporteurs sont les premiers touchés par cette crise. L’arrêt des déplacements leur a porté un coup fatal.
Abdessamad Bichri, résident dans la commune de Moualine El Oued, relevant de la province de Benslimane, est chauffeur de grand taxi qui fait la liaison entre son patelin et la petite ville d’El Gara. Il fait état d’un constat alarmant pour son secteur. Ce sexagénaire affirme que durant toute sa carrière de près de 40 ans, «les périodes d’arrêt de mon activité ne dépassaient guère deux fois et sur ordre de notre syndicat. La première fois, pour dénoncer l’entrée en vigueur du Code de la route en 2009, et la seconde en 2018 pour protester contre la hausse des prix des carburants.
Durant les deux événements, la grève n’a pas dépassé une semaine. Alors qu’en 2020, le confinement nous impose un chômage technique pendant un mois. La plupart des professionnels du secteur vivent au jour le jour avec la recette quotidienne. Ils ne disposent pas d’économie et ont des charges familiales à supporter».