Le classement de l’IPC 2019 montre que le Royaume a reculé de 7 places, pour se situer au 80ème rang sur 180.
Une loi sur les conflits d’intérêt ainsi que la révision de l’arsenal juridique afférent à la protection effective des témoins s'imposent.
Par Momar Diao
Il faut un système national d’intégrité et une réelle volonté politique pour s’affranchir de la corruption institutionnalisée, a martelé Azeddine Akesbi, économiste et membre du Conseil national de Transparency Maroc, lors d’une rencontre visant à éclairer l’opinion publique sur le classement du Maroc en matière de corruption sous la grille de différents indicateurs.
Il ressort des résultats de l’Indice de perception de la corruption 2019 de Transparency international que les efforts déployés pour lutter contre ce fléau sont insuffisants.
Pour rappel, l'Instance nationale de la probité, de la prévention et de la lutte contre la corruption (INPPLC), a été dotée, en décembre 2018, d’un nouveau président en la personne de Mohamed Bachir Rachdi. Un numéro vert a également été mis à la disposition des citoyens par le ministère public afin de dénoncer les cas de corruption.
L'enlisement
Le classement de l’IPC 2019 montre que le Royaume a reculé de 7 places pour se situer au 80ème rang sur 180 (contre la 73ème place en 2018).
Le Maroc est ex æquo avec des pays comme la Chine, l’Inde et le Ghana.
Entre 2018 et 2019, le Royaume a perdu 2 points pour totaliser un score de 41 selon le dernier classement de l’IPC, qui révèle qu’en 2019, le Top 3 des pays moins corrompus au monde sont le Danemark, la Nouvelle Zélande et la Finlande.
Précisons qu’au niveau de la zone MENA, le Royaume, surclassé par Bahrein, la Tunisie et la Jordanie, a fait mieux que des Etats comme le Kuweit, l’Algérie et l’Egypte en matière de score d’IPC.
En 2019, les trois pays arabes les moins corrompus au niveau de la zone MENA, sont les Emirats- Arabes-Unis, le Qatar et l’Arabie Saoudite.
Rappelons que l’IPC s’appuie sur une enquête annuelle centrée sur la situation du secteur public, 13 sondages et évaluations des agences et experts dans les 180 pays et 7 enquêtes au Maroc.
Azeddine Akesbi est formel : «On assiste à une continuité et un enlisement dans une zone de corruption systémique avec un score moyen de 38,75 sur les 8 dernières années».
Les taux de corruption sur la base de l’expérience dans les milieux hospitalier, scolaire et la police d’après les résultats des enquêtes au Maroc en 2019, sont respectivement de 32%, 6% et 31%. Transparency Maroc révèle également que l’année dernière, 74% des personnes enquêtées ont considéré que le gouvernement marocain effectue un mauvais travail sur le front de la lutte contre la corruption. Ce taux était de 64% en 2015.
Les pistes pour endiguer le phénomène
Face à la détérioration des indicateurs passés en revue plus haut, les membres de Transparency Maroc proposent des pistes à même de permettre au pays de sortir de la corruption endémique.
Outre la volonté politique effective permettant de mettre en oeuvre la Stratégie nationale de lutte contre la corruption, ceux-ci suggèrent l’adoption d’une loi sur les conflits d’intérêt ainsi que la révision de l’arsenal juridique afférent à la protection effective des témoins. Transparency Maroc attire l’attention sur la prévalence des conflits d’intérêt dans le domaine de la commande publique (marchés publics).
La réforme de la loi inhérente à la déclaration de patrimoine, ainsi que l’effectivité des mesures de celle-ci seraient également une nécessité. A ce titre, l’ONG prône le ciblage, notamment la déclaration publique des hauts responsables.
Au-delà des pots-de-vin
Notons tout de même que la corruption ne se limite pas aux pots-de-vin, puisque les autres facettes de ce mal sont la fraude, l’extorsion, le favoritisme ou le détournement.
A en croire l’Association marocaine de protection des biens publics, le coût de la corruption au Maroc est estimé à 5% du produit intérieur brut (PIB). Ce qui constitue un sacré frein à l’émergence.
De ce point de vue, la recommandation de Transparency Maroc revêt un sens autrement plus pertinent. L’ONG considère que le point de départ de la réflexion autour du modèle de développement doit considérer sérieusement la lutte contre la corruption systémique et l’éradication des fondements de l’économie de rente.
Eradiquer la corruption au Maroc suppose l’application des mesures coercitives de la loi, notamment les sanctions afin de dissuader les corrompus.
Les actions de sensibilisation auprès des citoyens doivent aussi être multipliées par les principaux acteurs (Etat, société civile, ONG, patronat, etc.).
D’autant plus que parfois, certains Marocains ont tendance à banaliser, à tort, cette pratique pénalisante pour toutes les branches d’activité.