Le taux de chômage flirte avec un niveau record de 13% au premier trimestre 2023.
La croissance économique nationale reste pauvre en emplois.
Le million de postes d'emplois promis par le gouvernement, une gageure ?
Par D. William
Le Maroc traine toujours comme un boulet un chômage endémique et structurel. Les politiques publiques initiées jusqu’à ce jour ne permettent pas d’absorber la masse de jeunes qui se retrouvent sur le marché du travail chaque année. Le taux de chômage évolue ainsi en dents de scie, mais tout en restant à des niveaux élevés.
Le nombre de chômeurs a en effet augmenté de 83.000 personnes entre le premier trimestre de l’année 2022 et celui de 2023, passant de 1.466.000 à 1.549.000 chômeurs, ce qui correspond à une augmentation de 6%, selon les derniers chiffres du haut-commissariat au Plan. Cette hausse est le résultat d’une augmentation de 67.000 chômeurs en milieu urbain et de 16.000 en milieu rural. Le taux de chômage s’est ainsi accru de 0,8 point entre les premiers trimestres de 2022 et de 2023, passant de 12,1% à 12,9%, de 16,3% à 17,1% en milieu urbain et de 5,1% à 5,7% en milieu rural.
Les jeunes sont davantage pris dans le tourbillon infernal du chômage, lequel a connu une forte hausse de 1,9 point parmi ceux âgés de 15 à 24 ans, passant de 33,4% à 35,3%, et parmi les personnes âgées de 25 à 35 ans, de 19,2% à 20,9% (+1,7 point).
Multiplication des initiatives
Le gouvernement multiplie les initiatives à même de permettre la promotion du marché du travail, l’amélioration de l’employabilité et la lutte contre le chômage, en particulier l’insertion des jeunes et des femmes sur le marché du travail. C’est dans ce cadre que s’inscrit, entre autres, le programme Awrach qui vise à accompagner «les exclus du marché du travail et facilite leur insertion économique à travers des programmes innovants visant à améliorer l’employabilité et renforcer les chances d’intégration professionnelle sur le plan territorial, sans conditions de qualifications».
Après le bilan positif réalisé par le programme «Awrach» en 2022, Awrach 2 a été lancé, doté d’une enveloppe budgétaire de 2,25 milliards de dirhams au titre de l’année 2023. L’objectif de ce programme est la création de 250.000 opportunités d’emplois directs au cours de deux années (2022 et 2023), dans le cadre de chantiers généraux provisoires de petite et grande envergure. Le programme Tahfiz s’inscrit dans la même veine.
Il a pour objectif de promouvoir l'emploi en mettant en place des mesures incitatives au profit des entreprises, des associations et des coopératives créées durant la période allant du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2022 et qui embauchent les demandeurs d'emploi dans le cadre des contrats de travail à durée indéterminée. De son côté, le programme Taehil vise l’amélioration de l’employabilité des chercheurs d’emploi, à travers deux dispositifs essentiels, à savoir la Formation contractualisée pour l’emploi (FCE) et la Formation qualifiante ou de reconversion (FQR).
Malgré toutes ces mesures, le gouvernement n’arrive pas à infléchir durablement la courbe du chômage. Surtout que la croissance économique nationale reste pauvre en emplois. Le gouvernement admet d’ailleurs que «l’élasticité croissance-emploi est, en effet, relativement faible au Maroc, se situant à 0,3 au début des années 2000-2007, et avoisinant 0,2 pour la période 2008-2021 (12.550 emplois crées, en moyenne, pour chaque point de PIB durant la période 2008-2021 contre 32.264 emplois crées en 2000- 2007)».
Et d’ajouter que«cette situation s’est aggravée suite aux répercussions de la crise sanitaire liée à la Covid-19 et les conditions climatiques défavorables qu’a connues le Maroc avec une succession des années de sècheresse». Pour le professeur universitaire et consultant en entrepreneuriat Khalid Karbouai, «la problématique de l’emploi est un champ très vaste confronté à plusieurs controverses. Cette problématique a été décortiquée sous toutes les coutures par des économistes, des sociologues et même des psychologues. A cet effet, les explications données par les économistes sur le plan macroéconomique lient le taux de chômage au taux de croissance. Les taux de croissance bas enregistrés au Maroc à cause des années de sècheresse ont eu un impact négatif sur le PIB, notamment le PIB agricole, ce qui n’a pas vraiment favorisé la création d’emploi».
Et de poursuivre que «sur le plan microéconomique, le taux de chômage au Maroc n’explique pas réellement le taux d’employabilité chez les jeunes, puisque l’économie informelle emploie entre 40% et 60% respectivement dans l’urbain et le rural. Cette économie permet donc au pays, malgré ses effets négatifs, de résister aux crises économiques qui peuvent toucher le pays. Rappelons que dans la période de la Covid-19, environ 57% entreprises avaient suspendu leur activité».
Un modèle économique désuet
Le modèle économique actuel, où le PIB est tiré essentiellement par l’agriculture, ne permet pas de réaliser des taux de croissance robustes dans la durée, encore davantage dans ce contexte où les épisodes de sécheresse deviennent plus récurrents et plus sévères. C’est dire que le PIB non agricole n’arrive pas à prendre le relais, notamment lorsque le Royaume connaît la sécheresse ou subit des déficits pluviométriques importants.
Pourtant, les métiers mondiaux du Maroc se développent particulièrement bien, notamment les industries automobiles et aéronautiques. Le secteur industriel en général est appelé à être un véritable pourvoyeur d’emploi, à la faveur notamment de la stratégie de substitution des importations par la fabrication locale, ce qui sera un marqueur de l’injection de capitaux marocains dans le secteur industriel.
Depuis le début du mandat du gouvernement jusqu'à fin février 2023, 100.000 emplois nets ont été créés dans le secteur de l'industrie, selon le ministre de l’Industrie et du Commerce, Ryad Mezzour, qui fait état de 1.600 projets industriels d'une enveloppe budgétaire de 125 milliards de dirhams. Ces investissements visent à créer 320.000 emplois au cours des trois prochaines années.
Entre les sécheresses de plus en plus courantes, les déficits pluviométriques qui accentuent le stress hydrique au Maroc, la faiblesse relative de la croissance et les tensions géopolitiques internationales actuelles, il y a de quoi émettre de fortes réserves sur la promesse faite par le gouvernement Akhannouch : créer un million de postes d’emploi durant la législature. Alors «comment allons-nous résoudre cette équation (problème), alors que notre économie va moins vite que le nombre de diplômés qui sort chaque année des écoles, universités, centre de formation…» ?, s’interroge fort logiquement Karbouai.