Il y a 29 ans, disparaissait le peintre Abbas Saladi (1950-1992). Le Musée de Bank Al-Maghrib célèbre, jusqu’au 30 juin, la mémoire de cet imagier unique dont l’élan fut trop tôt décapité.
En véritable imagier («muçawwir»), Saladi s’évertue à réécrire l'univers moyennant une panoplie de figures hybrides, angéliques et mythiques à la fois. Son univers allie, au fait, l'angélique et le démoniaque dans une même synthèse qui esquisse une nouvelle interprétation de l'univers.
Démons, anges, houris et oiseaux qui faisaient le bonheur et la fierté des jardins des «Mille et une nuits» se retrouvent donc installés dans un paradis terrestre qui se caractérise par toutes les références réelles qui peuplent notre mémoire visuelle : minarets, hammams, patios, jardins intérieurs, zellige fascinant par sa composition binaire...
Hanté par la symbiose du végétal, de l'animal et de l'humain, Saladi arpentait les images qui fondent la vie pour y chercher le sens initial, lequel n'est autre que le sens allégorique, figuré et profondément mythique. Et comme le ferait un miniaturiste, le point de vue, la perspective s'ébauchent pour disparaître aussitôt, cédant la place à une vision frontale aérienne, ou construite selon des superpositions propres à l'art dit naïf – pourtant, aucun lien avec ce mode pictural.
«En pénétrant dans l'univers plastique d'Abbès Saladi, on se trouve pris dans une atmosphère de fable, de rêve métamorphique peuplé de sensations étranges sans commune mesure avec l'état normal de la sensibilité consciente et agissante. Ce sont des brèches surnaturelles dans l'envers des choses d'un visionnaire, un condensé de croyances populaires fantasmées à souhait, une transfiguration de formes et signes hérités du milieu où a vécu l'artiste pareil à un vivier de mythologies qui imposent une double approche de l'histoire de l'art à la fois mystique et phénoménologique», lit-on dans le communiqué de la rétrospective.