Depuis six ans, la sécheresse s’acharne sur le Royaume, épuisant les pâturages et rendant l’alimentation du bétail plus coûteuse. Les éleveurs, pris à la gorge par le renchérissement des intrants, peinent à maintenir leurs troupeaux.
Résultat : les prix des viandes rouges explosent. Face à cette situation, le gouvernement a multiplié les mesures : suspension des droits d’importation et de TVA sur les bovins, ovins, caprins, camélidés et viandes rouges, interdiction de l’abattage des femelles reproductrices, importations de bovins et ovins…
Au total, selon le ministre de tutelle, environ 167.000 bovins, 906.000 ovins et 1.724 tonnes de viande ont été importés. Alors que l’Aïd Al-Adha approche, l’offre en ovins et caprins sera-t-elle suffisante pour répondre à la demande ? Le recensement du cheptel, initié par la tutelle, devrait permettre de répondre à cette question, sachant que l’année dernière l’offre totale était de 7,8 millions de têtes, dont 6,8 millions d'ovins et un million de caprins, pour une demande d’environ 6 millions de têtes, dont 5,4 millions d'ovins et 600.000 caprins.
Actuellement, une seule question taraude les esprits : faut-il maintenir l’Aïd Al-Adha ou faut-il suivre l’exemple des années 1963, 1981 et 1996, où l’interdiction du sacrifice par Sa Majesté feu Hassan II a été décrétée pour préserver le cheptel ? Difficile de donner une réponse tranchée. Car bien plus qu’un simple rituel religieux, l’Aïd Al-Adha est aussi un moteur économique générant des dépenses globales de près de 18 milliards de dirhams, dont une bonne partie transférée des villes vers les campagnes.
L’annuler, c’est priver le monde rural et tout l’écosystème qui tire profit de cet évènement (éleveurs, transporteurs, artisants…) d’une importante manne financière. Paradoxalement, même si cette fête religieuse est censée symboliser le partage et la solidarité, elle devient, aussi, un fardeau, particulièrement pour les classes démunies. Selon le haut-commissariat au Plan, l’Aïd Al-Adha représente près de 30% de la dépense globale des ménages marocains dédiée annuellement à la consommation des viandes.
Raison pour laquelle 13% des ménages marocains n’accomplissent pas ce rituel; un chiffre en hausse constante. Et la participation au rituel du sacrifice est inversement proportionnelle au niveau de vie du ménage et au niveau d'instruction de son chef. Près de 25,1% des ménages appartenant aux 10% les plus aisés n’effectuent pas le sacrifice à l'occasion de l'Aïd, contre 7,8% parmi les 10% les plus pauvres, détaille le HCP.
Bref, maintenir l’Aïd Al-Adha, c’est nourrir l’économie rurale. L’annuler, c’est préserver le cheptel et alléger les dépenses des foyers, mais au risque de briser un équilibre socioéconomique. C’est bien là le dilemme. Chaque option implique… un sacrifice.
F.Z Ouriaghli