La 27ème Conférence des Nations unies sur les changements climatiques a débuté lundi dernier à Charm el-Cheikh, en Egypte. Qu'en attendre ? Plongée dans une réunion entre pays aux moyens différents et aux intérêts divergents.
Qu'est-ce que la COP 27 ?
En 1992, le Sommet de la Terre à Rio adoptait la convention-cadre sur les changements climatiques (UNFCCC). Ses signataires se réunissent pour la première fois trois ans plus tard, en 1995, lors d'une conférence appelée «COP» (acronyme anglais signifiant «Conférence of the Parties»). Celle de Charm el-Cheikh est la 27ème édition du genre; elle marque les 30 ans du sommet de Rio. L'UNFCCC compte actuellement 197 membres, dont l'ensemble des pays inscrits à l'ONU, la Palestine, l'Union européenne et quelques ilots non souverains du pacifique.
Quel est l'acquis des négociations climatiques ?
Lors du Sommet de Rio, les pays parties aux négociations ont convenu de «stabiliser les concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère pour empêcher toute interférence dangereuse de l'activité humaine sur le système climatique». C'est toujours le pilier central de l'organisation, dont les vingt six dernières réunions n'ont fait que développer les extensions au traité initial. Parmi les plus connues, on compte notamment l'Accord de Paris, adopté lors de la COP 21 à la fin de l’année 2015. Celui-ci prévoit de garder la hausse des températures globales en dessous de 1.5°C d'ici à la fin du siècle. L'objectif paraît cependant de plus en plus compromis. L'ONU estime que le monde est actuellement en chemin pour une augmentation d'environ 2,5 degrés», alors que les émissions de CO2 devraient augmenter de 10,6% d'ici à 2030 par rapport à leur niveau de 2010.
Qu'est-ce qui coince ?
Les pourparlers sous l'égide de la COP sont menés sur la base du principe de «responsabilité commune mais différenciée». Concrètement, cela signifie quoi ? Davantage d’efforts demandés de la part des pays développés, compte tenu de leur écrasante contribution présente et passée en termes d'émission de gaz à effet de serre. En 2016, à Cancun (Mexique), un apport annuel de 100 milliards de dollars a été promis par les pays développés aux plus pauvres à des fins d'adaptation. Toutefois, le montant n'a encore jamais été atteint - il est seulement de 80 milliards de dollars aujourd’hui. La notion de «pays en voie de développement», sous laquelle tombe par exemple encore la Chine, est en outre toujours plus controversée. Les «contributions décidées au niveau national» -plans climatiques des parties aux traités- n'ont quant à elles que très partiellement été actualisées (seuls 24 pays sur 193 parties aux Accords de Paris ont soumis un nouveau dossier avant la COP 27), alors qu'il avait été convenu de le faire lors de la COP 26, à Glasgow (Ecosse).
Comment s’annoncent les négociations ?
Les difficultés sont multiples. Les immenses plans de sauvetage mis sur la table par les pays du «Nord» durant la pandémie ont montré qu'il leur était tout à fait possible de libérer l'argent promis aux pays en développement qui sont souvent aussi les plus impactés par le réchauffement, suscitant l'impatience de ces derniers. Au regard de l'ampleur que prennent les catastrophes environnementales, comme en témoignent les inondations monstres qui se sont produites au Pakistan, le financement de 100 milliards de dollars mentionné plus haut s’avère insuffisant. Un nombre croissant de pays désargentés militent pour l'indemnisation de ces «événements soudains». Ce à quoi s’opposent les nations les plus riches. En 2022, s'ajoute une crise économique, énergétique et inflationniste sur fond de tension géopolitique autour des sanctions contre la Russie, que beaucoup de pays du Sud n'ont pas adoptées. La COP 27 n'échappera pas à la règle: dégager des compromis tiendra de l'exercice d'équilibriste. La lutte contre le réchauffement climatique doit passer par une stratégie globale pour l'économie réelle et la finance. Cette vision devrait être définie lors d'une réunion de haut niveau internationale, sur le modèle de celle de Bretton Woods en 1944, qui avait établi les bases du système financier de la deuxième moitié du XXème siècle. La COP 27 à Charm elCheikh (Egypte) reste importante, mais elle n'est pas le lieu où sera redéfinie la gouvernance de la finance mondiale. Le changement climatique peut-il être résolu en laissant le secteur privé, autrement dit le marché, trouver des solutions ? Le changement climatique est l'échec le plus cuisant du marché. La structure actuelle du marché n'est pas alignée avec l'Accord de Paris tant s’en faut. Cela se traduit par un résultat insuffisant pour la société. C'est le plus grand problème que cette génération doit résoudre de manière à pouvoir espérer une croissance durable au cours de ce siècle. Sans cela, la croissance risque de subir une chute marquée.
Que faire ?
Il faut repenser toute l'infrastructure financière internationale, c'est-à-dire le système qui gouverne les banques, les assurances et les investisseurs. Tous les superviseurs de ces activités doivent avoir une stratégie pour contribuer à ce que l'on atteigne les objectifs de l'Accord de Paris. Une analyse doit être menée sur ce qui manque et la façon dont ce manque doit être comblé. Il faut créer une vision pour orienter les marchés de façon qu'ils génèrent une transition juste d'ici à 2050. Les COP ? Elles sont un élément de la solution. Ce sont des forums où des conversations peuvent être menées avec les gouvernements. Un des thèmes majeurs de la COP27 sera les pertes et dommages subis par des pays d'Afrique et des îles très exposés au changement climatique en particulier. Ce terme regroupe les conséquences du changement climatique, qui dépassent ce à quoi une population peut s'adapter ou n'a pas les ressources pour accéder à des moyens de se protéger. Cette thématique sera source de tension politique. Il y aura des attentes de la part des pays en développement, quant au fait de recevoir des compensations pour ces pertes et dommages, mais il n'existe pas de mécanismes pour cela. Les COP, comme les Nations unies, sont importantes, mais elles ne peuvent pas créer les deux éléments dont on a besoin : un prix matériel pour le carbone et une nouvelle gouvernance mondiale pour le système financier.
Par Mustapha SEHIMI
Professeur de droit, Politologue