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Hydrogène vert : vers un écosystème industriel intégré

Hydrogène vert : vers un écosystème industriel intégré

L'intégration industrielle des équipements est le levier principal de compétitivité. Le Royaume bénéficie d’un avantage carbone unique pour l’export vers l’UE. Il doit encore structurer sa chaîne industrielle, investir en R&D et sécuriser sa logistique export.

 

Par Désy M.

Le Maroc a franchi une étape stratégique dans la structuration de sa filière hydrogène vert. En témoignent les récents projets lancés, huit à ce jour, totalisant 26,6 GW, ainsi que les 40 demandes en cours, qui pourraient à terme représenter une capacité installée de 130 GW, voire 260 GW à moyen terme. Mais plus encore que la production, c’est la mise en place d’un écosystème industriel intégré autour des équipements EnR (éolien, solaire, électrolyseurs) qui constitue aujourd’hui l’un des enjeux majeurs du positionnement du Royaume dans les chaînes de valeur mondiales de l’hydrogène vert.

Récemment à Rabat, lors du Green Hydrogen Industry Forum, l’heure n’était plus aux intentions, mais à l’action. Intitulé «Le temps de l’action», ce forum a permis de faire un état des lieux des acquis du Maroc en matière de développement d’un écosystème de production d’hydrogène vert. Selon Saïd Guemra, expert en énergie et modérateur du panel consacré à l’intégration industrielle des équipements EnR, «la production de H2 marocaine d’ici 2050 devrait se situer sur un large segment : entre 9 MTH2/an pour 200 GW, et 24 MTH2/an pour 550 GW. Cela suppose une capacité industrielle d’une ampleur inédite».

Ce potentiel implique nécessairement de produire localement les composants clés pour garantir à la fois la compétitivité économique et la maîtrise de l’empreinte carbone. L’intégration industrielle, en particulier dans les segments de l’éolien et du photovoltaïque, est ainsi présentée comme la pierre angulaire de la compétitivité marocaine. Pour Said Guemra, «l’éolien occupe une place majeure dans le Capex des projets H2; il constitue en toute logique la première cible de l’intégration des équipements H2 du Maroc». Il estime que le coût des équipements éoliens pourrait ainsi baisser de plus de 30%, en passant de 1,1 M$/MW à environ 0,70 M$/MW, grâce à une production locale.

Un savoir-faire déjà éprouvé

En effet, le Maroc possède des acquis indéniables sur lesquels il peut capitaliser pour créer un écosystème robuste. Notamment son expérience dans le secteur automobile où il a su attirer des constructeurs mondiaux et structurer un tissu de sous-traitants capable de répondre aux exigences de production en série. «Le Maroc sait faire dans la production de masse. Cette précieuse expérience sera mise à profit pour l’intégration industrielle des équipements de production H2», affirme le Dr. Guemra. Cette démarche permettra également de répondre aux besoins internes en énergies renouvelables du Royaume, avec une demande électrique estimée à 110 TWh en 2050, dont 50% devraient être couverts par des énergies intermittentes. L’écosystème EnR/H2 pourra ainsi bénéficier d’un double marché : export et consommation locale. Un autre point clé souligné lors de ce forum par les experts a été l’avantage comparatif que confère au Maroc la faible empreinte carbone de ses équipements et de son hydrogène. Alimentées par des énergies renouvelables avec stockage, les futures usines marocaines d’intégration industrielle pourraient largement se conformer aux standards européens.

«Nous savons que l’hydrogène sera vendu en fonction de son empreinte carbone. La notion de couleur va disparaître», précise l’expert, soulignant la pertinence de ce choix stratégique. Avec une empreinte carbone inférieure à 3,38 kg CO2e/kg H2, seuil exigé par l’UE, et bien plus faible que celle de ses concurrents éloignés comme le Chili (jusqu’à 5,33 kg CO2e/kg H2), le Maroc dispose d’un positionnement géopolitique et environnemental idéal pour approvisionner le marché européen.

Des jalons à poser pour consolider la compétitivité

 Mais pour que cette ambition prenne forme, les experts ont soulevé plusieurs conditions qui doivent encore être réunies. La première est l’investissement massif dans la R&D pour la fabrication locale d’électrolyseurs et autres composants stratégiques. La seconde est la structuration de chaînes industrielles locales capables de produire à grande échelle. La troisième est la mise en place de formations ciblées pour les futurs techniciens et ingénieurs de l’hydrogène, ainsi qu’un cadre réglementaire incitatif pour attirer les investisseurs. Enfin, la logistique d’exportation doit être pensée à long terme. Aujourd’hui, l’ammoniac est envisagé comme principal vecteur d’exportation. Mais, à terme, la construction d’un hydrogénoduc marocain connecté au H2MED, via Barcelone, deviendra une nécessité. Des mesures qui, si elles sont mises en œuvre avec cohérence, permettront au Maroc de transformer son potentiel énergétique en véritable leadership industriel sur l’hydrogène vert. «L’hydrogène vert du Maroc sera le mieux placé sur le marché européen, avec une empreinte carbone très faible et un prix de vente compétitif», conclut Saïd Guemra. 

 

 

 

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