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Gazoduc Afrique-Atlantique : le Maroc acte son opérationnalisation

Gazoduc Afrique-Atlantique : le Maroc acte son opérationnalisation

Accords-pays signés, études diverses en partie réalisées, investisseurs intéressés, tronçon Nador-Dakhla bientôt lancé… : le projet du gazoduc Afrique - Atlantique acte sereinement son opérationnalisation.

 

Par Désy M.

Long de plus de 6.000 kilomètres, ce pipeline titanesque ambitionne de relier le Nigéria au Maroc en longeant la façade atlantique de l’Afrique de l’Ouest. Il traversera 13 pays, dont le Bénin, le Ghana, la Côte d’Ivoire, la Mauritanie ou encore le Sénégal, et bénéficiera également aux pays sahéliens enclavés comme le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Sa vocation ? Acheminer jusqu’à 30 milliards de mètres cubes de gaz par an pour desservir les marchés africains, mais aussi européens via le gazoduc Maghreb-Europe.

Lancé conjointement par l’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) et la Nigerian National Petroleum Company (NNPC), ce projet de plus de 25 milliards de dollars marque une rupture dans la logique d’isolement énergétique des pays d’Afrique de l’Ouest. Il s’inscrit dans la dynamique de l’Initiative atlantique marocaine, véritable boussole d’un développement intégré, structurant et durable du continent.

 

Une avancée décisive dans la phase de concrétisation

Réunis à Rabat les 10 et 11 juillet 2025, les représentants des compagnies gazières nationales, de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), de l’ONEE et de MASEN ont confirmé l’avancement solide du projet. L’adhésion formelle de nouveaux acteurs, comme la Société de gaz du Togo (SOTOGAZ) marque une avancée significative. De plus, les études techniques, environnementales et topographiques (ESIA et Survey) sont finalisées pour la section nord, et en cours pour le sud reliant le Nigéria au Sénégal. Les accords intergouvernementaux, eux, ont déjà été paraphés en décembre 2024, ouvrant la voie à une signature officielle attendue pour l’automne 2025 par la CEDEAO.

Cette signature viendra verrouiller l’adhésion politique collective. Autre cap franchi, le lancement imminent du premier tronçon marocain entre Nador et Dakhla, prévu avant la fin du mois de juillet, pour un investissement de 6 milliards de dollars. Annoncée par Leïla Benali, ministre de la Transition énergétique et du Développement durable, en marge de la conférence de l’OPEP tenue récemment à Vienne, cette section, pilier de l’interconnexion NordSud, confirme l’entrée dans une phase opérationnelle. Si le gazoduc illustre la montée en puissance du Maroc en tant qu’acteur stratégique de l’énergie, il symbolise également sa capacité à fédérer autour d’un projet continental. Selon les experts, le Maroc agit comme un catalyseur de coconstruction.

 

Des retombées multidimensionnelles

La promesse n’est pas que technique, elle augure d’importantes retombées dans divers secteurs. Au niveau social, il s’agit d’allumer la lumière dans les foyers de plus de 500 millions d’Africains. Car plus d’électricité signifie de meilleures conditions de vie, des opportunités d’emploi et, potentiellement, une réduction de l’exode rural et des flux migratoires. Sur les plans énergétique et économique, le gazoduc garantirait la sécurisation de l’approvisionnement et la réduction de la dépendance au gaz algérien ou russe. Ce corridor pourrait faire émerger de véritables hubs industriels intégrés sur le continent.

En Guinée, par exemple, le gaz du pipeline pourrait alimenter la transformation locale de la bauxite en aluminium, renforçant les chaînes de valeur africaines. Pour le Maroc, l'accès à un aluminium à bas coût ouvrirait de nouvelles perspectives pour l’industrie automobile et aéronautique. En parallèle, le Maroc qui travaille sur les énergies vertes, notamment l’hydrogène vert,  voit en ce pipeline un moyen fiable de transporter sa production non seulement vers l’Europe, mais aussi vers la quinzaine de pays bénéficiaires de ce projet, ouvrant la voie à une nouvelle ère de transition énergétique durable. Pour les autres pays, comme le Sénégal et la Mauritanie qui ont découvert des gisements importants sur leurs territoires, ce pipeline est une aubaine, puisqu’il leur permettra de profiter d’un accès à du gaz a priori pas cher, avec la possibilité d’y intégrer eux-mêmes leur propre production.

 

Quid du financement et de la production ?

Si le financement (25 milliards de dollars) reste un défi, il semble bien engagé. Les Émirats Arabes Unis, entre autres, ont montré un vif intérêt. Le Maroc et le Nigéria, les deux gros porteurs du projet, devront générer des financements conséquents. «La rentabilité du projet, estimée à plus de 12%, attire investisseurs, fonds spécialisés et institutions financières internationales. Ce qui positionne le gazoduc parmi les projets d’infrastructure les plus attractifs du continent», a affirmé la ministre Benali. Reste la question de la production, car on parle d’une capacité de 30 milliards de m3 du besoin actuel pour ce projet.

Le Nigéria, principal producteur de gaz qui va y transiter, génère aujourd’hui 45 milliards de m3 de gaz déjà commercialisés; soit en GNL ou en consommation interne. Il va devoir, dans les 10 ou 15 prochaines années nécessaires pour l’entrée en service du gazoduc, augmenter ses capacités de production, découvrir de nouveaux gisements pour répondre à la demande future du projet. C’est dire que le gazoduc Afrique Atlantique est un levier de codéveloppement dont l’aboutissement marquera peut-être le début d’une nouvelle histoire énergétique et industrielle panafricaine. 

 

 

 

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