La région du sud du Maroc fait face à un enchaînement de catastrophes naturelles qui soulèvent des questions sur l’efficacité des systèmes d’alerte et des infrastructures destinées à protéger ces zones vulnérables.
Par Désy M.
En novembre 2014, des inondations meurtrières frappaient déjà les régions du sud-est du Maroc, occasionnant la mort d’une trentaine de personnes et de nombreux dégâts matériels. Près de dix ans plus tard, du 6 au 8 septembre 2024, des pluies torrentielles ont de nouveau submergé les provinces de Tata, Errachidia, Ouarzazate, Tinghir, Tiznit et Zagora. Ce phénomène a causé, selon un dernier bilan, 19 morts et 3 personnes disparues.
Les dommages infligés à cette zone montagneuse, déjà fragile, témoignent une fois de plus des effets dévastateurs du changement climatique. Cette région, déjà marquée par la sécheresse et récemment touchée par le séisme d’Al Haouz en septembre 2023, fait face à un enchaînement de catastrophes naturelles qui soulèvent des questions sur l’efficacité des systèmes d’alerte et des infrastructures destinées à protéger ces zones vulnérables. Rachid El Khafi, porte-parole du ministère de l’Intérieur, souligne que ces pluies étaient «exceptionnelles», car «le volume des précipitations enregistré en deux jours est équivalent à celui que ces régions connaissent normalement en une année entière». Toutefois, cet épisode démontre l’urgence de renforcer les mesures préventives, au-delà des alertes météorologiques habituelles.
Des mesures préventives en place mais...
Selon Moulay M'hamed Slimani, directeur de l’Agence du bassin hydraulique Guir-Ziz-Rheris (ABHGZR), plusieurs mesures avaient été anticipées dès la réception des premières alertes de vigilance émises par la Direction générale de la météorologie (DGM). Des commissions de veille ont été réactivées, et un système d’annonce des crues, cofinancé par le Fonds de lutte contre les catastrophes naturelles (FLCN), a été déclenché en collaboration avec les autorités locales. Ce système inclut 32 stations de télémesure, équipées de pluviomètres automatiques et de capteurs de niveau d’eau pour surveiller en temps réel les cours d’eau.
Six postes d’alarme ont également été installés pour émettre des alertes en cas de crue. Cependant, malgré ces dispositifs, les dégâts causés par ces inondations soulèvent des interrogations sur leur efficacité dans les zones enclavées et souvent coupées des réseaux de communication. L’Association marocaine pour le climat et le développement durable (AMCDD) reconnaît la pertinence des systèmes d’alerte, tout en pointant des lacunes : «L’efficacité de ces alertes dépend de plusieurs facteurs, comme la précision des prévisions météorologiques et l’accès à l’information dans des zones où les infrastructures sont déficientes, notamment en matière d’électricité et d’Internet».
Malgré des avancées significatives dans le renforcement des infrastructures et des systèmes d’alerte, le Maroc doit encore intensifier ses efforts pour faire face aux risques accrus posés par l’urbanisation et le changement climatique. Selon la Banque mondiale, les catastrophes naturelles coûtent au pays plus de 575 millions de dollars par an. L’intensification des événements climatiques extrêmes exacerbera ces coûts si des mesures plus efficientes ne sont pas prises. L’AMCDD appelle à une approche plus globale : «Il est crucial de renforcer la prévention, améliorer les systèmes d’alerte et sensibiliser les populations. Cela passe aussi par l’éducation, qui doit intégrer la gestion des risques dans les curricula scolaires. L’innovation technologique, la gestion durable des ressources naturelles et l’adaptation des politiques publiques à l’échelle régionale sont essentielles pour bâtir une résilience durable».
Un développement plus équilibré entre les régions
La répétition de ces catastrophes révèle également des inégalités criantes entre les régions du Maroc. Le séisme d’Al Haouz en 2023 et ces dernières inondations ont mis en lumière la vulnérabilité des provinces du sud-est, particulièrement enclavées. L’AMCDD insiste sur la nécessité de rééquilibrer les politiques de développement : «Il est temps de donner la priorité à ces régions montagneuses et vulnérables. Le Maroc ne pourra avancer de manière équitable sans renforcer les infrastructures dans ces zones, tout en respectant leur environnement naturel, en empêchant les constructions anarchiques le long des rivières».
L’adaptation aux changements climatiques et le renforcement des infrastructures doivent figurer au cœur des priorités nationales pour espérer atténuer les impacts futurs et garantir une résilience véritable. Il faut apporter des réponses rapides et réparatrices aux catastrophes naturelles, mais il est préférable de les anticiper à l’avance, en vue de limiter, voire d’empêcher leurs dégâts.