Comptes pour ados sur Instagram : protection ou illusion ?

Comptes pour ados sur Instagram : protection ou illusion ?

Le 17 septembre 2024, Instagram a commencé à déployer des comptes restreints pour adolescents. Ces fonctionnalités visent à renforcer la confidentialité et limiter les interactions non désirées, mais suscitent aussi des interrogations quant à leur efficacité.

 

Par K. A.

Avec 2 milliards d’utilisateurs actifs mensuels, Instagram se classe au 3ème rang des réseaux sociaux les plus populaires dans le monde, après Facebook et YouTube. Parmi ces utilisateurs, 8,7 millions se trouvent au Maroc, où une majorité de jeunes sont actifs sur la plateforme. Face à cette popularité croissante, notamment chez les adolescents, Instagram a récemment annoncé une série de nouvelles mesures pour renforcer la protection des mineurs. Les nouveaux comptes privés limiteront non seulement les interactions avec des inconnus, mais bloqueront également l’accès à des contenus sensibles.

De plus, les adolescents recevront des notifications après une heure de navigation continue et leurs notifications seront désactivées la nuit, encourageant ainsi une utilisation plus saine des réseaux sociaux. Cependant, ces dispositions ne sont pas entièrement nouvelles. Des restrictions similaires avaient déjà été introduites par Meta au début de l’année, limitant les contenus liés à l’automutilation, aux troubles alimentaires et à la nudité pour les adolescents.

En effet, les changements visent à répondre aux préoccupations des parents et des régulateurs concernant les dangers des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes. Plusieurs pays accusent Meta d'avoir conçu des fonctionnalités addictives qui nuiraient au bien-être des jeunes, exacerbant des problèmes de santé mentale tels que l’anxiété, les troubles alimentaires et les pensées suicidaires.

Un impact encore incertain

Ces mesures visent à renforcer la sécurité en ligne des adolescents, mais certains experts en soulignent les limites. Par exemple, les jeunes parviennent souvent à contourner ces restrictions en créant des comptes supplémentaires sous de fausses identités, appelés «finstas». De plus, même si Instagram envoie des notifications de gestion du temps d’écran, les adolescents peuvent choisir de les ignorer s'ils ne sont pas surveillés de manière proactive par leurs parents. D'après des documents judiciaires dévoilés en début d’année, Mark Zuckerberg aurait rejeté à plusieurs reprises des propositions internes visant à améliorer le bien-être des adolescents sur Instagram, et ce malgré les recommandations de cadres de haut niveau.

En 2019, il aurait refusé de désactiver les filtres de beauté, alors que des études internes et des experts externes mettaient en garde contre leurs effets néfastes sur l'image corporelle des jeunes utilisateurs. Cette décision révèle une tension récurrente au sein de Meta, entre des priorités commerciales, cherchant à maximiser l'engagement des utilisateurs, et des initiatives de bien-être souvent reléguées au second plan. Par ailleurs, les outils de supervision parentale mis en place par Meta sont sous-utilisés. Une étude montre que moins de 10% des parents les exploitent pleinement, ce qui laisse de nombreux adolescents sans surveillance adéquate lorsqu'ils naviguent sur les plateformes.

«Oui, nous créons par défaut des comptes privés pour les adolescents afin qu’ils puissent profiter d’une expérience privée et restreinte», a déclaré Zuckerberg au sénateur. «Mais certains adolescents veulent être des créateurs et veulent avoir du contenu qu’ils peuvent partager plus largement, et je ne pense pas que ce soit quelque chose qui devrait être interdit de manière générale», ajoute-t-il.

Une protection suffisante ?

Si les nouveaux comptes adolescents d’Instagram visent à renforcer la protection des jeunes, ils soulèvent de nombreuses questions quant à leur efficacité réelle et leur motivation. Face aux critiques et à l'attente d’une régulation plus stricte, Meta tente d’apaiser les tensions, mais reste sous les projecteurs. Au Maroc, où 43% des jeunes passent entre 3 à 5 heures par jour sur les réseaux sociaux, ces mesures viennent répondre à une demande croissante de protection. Cependant, malgré ces efforts, certaines critiques persistent quant à leur véritable impact sur la réduction des risques. Certains experts se demandent si elles suffiront à freiner l'impact des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes ou si d'autres ajustements seront nécessaires. 

 

 

 

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