■ Le gouvernement devra nous présenter sa feuille de route cette semaine.
■ Des signaux de changement sont attendus par la société marocaine.
■ L’équipe de Benkirane doit jouer à la fois au pompier et entamer des réformes structurelles qui demandent beaucoup de courage politique.
En principe, c’est ce jeudi 12 janvier que sera prête la Déclaration du gouvernement, à en croire la déclaration même du chef de la nouvelle équipe ministérielle. En effet, à l’issue du Conseil de gouvernement de jeudi 5 janvier, le chef du gouvernement, Abdelillah Benkirane, avait assuré que la déclaration gouvernementale serait finalisée lors de la réunion du Conseil de gouvernement de ce jeudi 12 janvier. Elle doit regrouper à la fois les nouvelles dispositions constitutionnelles, la charte de la majorité et les programmes électoraux des partis de la majorité avant d’être soumise au Conseil des ministres pour approbation.
La commission constituée pour ce faire, et présidée par le ministre d’État Abdallah Baha, travaille d’arrache-pied pour préparer la dernière mouture de la déclaration gouvernementale. Une tâche difficile donc puisqu’il est question d’aboutir à une feuille de route qui satisfait la majorité mais, surtout, qui donne des signaux forts de changement aux Marocains.
Faut-il le rappeler une fois de plus, les législatives de 2011 étaient en effet des élections anticipées en raison du mécontentement populaire et le plébiscite du PJD traduit à la fois la volonté populaire de sanction des formations politiques et la volonté du changement exprimée par la rue marocaine.
S’il est de coutume d’entamer un travail d’évaluation du travail du gouvernement à partir des Cent Jours de sa nomination, cette fois-ci le gouvernement sera jugé d’emblée sur sa Déclaration générale.
En effet, l’équipe gouvernementale est attendue sur plusieurs chantiers. Le premier étant bien évidemment l’élaboration de la Loi de Finances 2012 qui sera le canevas de l’action gouvernementale. Mais c’est un exercice qui semble périlleux vu les équilibres macroéconomiques déjà mis à mal. Cette tâche reviendra à Nizar Baraka, nouveau ministre de l’Economie et des Finances. Celui-là même qui s’est brûlé les doigts dans la réforme mitigée de la compensation, devra veiller à ne pas creuser le déficit budgétaire tout en dégageant des ressources financières afin de concrétiser quelques promesses électorales, comme l’augmentation du SMIG. Son collègue des Affaires générales, Najib Boulif, est en plus mauvaise posture avec un budget de compensation qui grève le budget de l’Etat d’un côté, et de l’autre un pouvoir d’achat auquel il ne faudrait absolument pas toucher ! Le ministre et député de Tanger doit faire preuve d’ingéniosité pour récupérer la subvention de l’Etat là où elle est et de rediriger l’aide de l’Etat vers les populations démunies, sans déstabiliser la classe moyenne.
L’autre dossier brûlant est celui de la retraite sur lequel il faudra impérativement trancher vu que les précédents gouvernements n’ont pas eu le courage politique de le faire. Comment s’en sortira Abdeladim El Guerrouj, le nouveau ministre délégué de la fonction publique ? Seul l’avenir nous le dira.
L’autre interrogation est comment l’enfant terrible du PJD, Mustafa Ramid, enclenchera une profonde réforme de la Justice, jusque-là restée au stade de vœu pieu ! Avec son camarade Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication, ils doivent intervenir d’urgence sur le Code de la presse afin de garantir un cadre propice à l’exercice des métiers de la presse.
L’emploi n’est pas en reste puisque le taux de chômage semble tel une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête d’Abdelouahed Souhail, ministre de l’Emploi. Une tâche rendue très difficile avec les promesses très ambitieuses d’emploi faites en juillet dernier par le gouvernement sortant Abbas El Fassi pour l’année 2012. Sans oublier que dans les programmes électoraux des partis de la majorité, on a promis monts et merveilles à ce niveau-là aussi !
La santé et l’éducation ne sont pas en reste. Les deux secteurs accusent un énorme retard et nécessitent des mesures structurelles courageuses pour alléger les ménages contraints de recourir aux services du privé, que ce soit en matière de soins ou de formation. C’est sûr que Lahcen Daoudi, Mohamed El Ouafa et El Hossein El Ouradi ne vont pas chômer !
Nabil Benabdellah, quant à lui, hérite du dossier de l’habitat et devrait mettre de l’ordre dans plusieurs chantiers, notamment la lutte contre l’habitat insalubre et la conciliation entre l’offre et la demande en logements. D’ailleurs le ministre a, depuis la passation de pouvoir, planché sur tous les dossiers en cours et a entamé une série de rencontres avec les responsables et les directeurs au sein de son département.
Pour le secteur de la pêche et de l’agriculture, le maintien d’Aziz Akhennouch assurera la continuité. Par contre, pour le plan Emergence et la Vision 2020, les deux nouveaux ministres Abdelkader Aâmara, du MICNET, et Lahcen Haddad, du tourisme, devront prendre rapidement leurs repères pour maintenir le cap de la machine déjà en marche. Une accélération de la cadence ne sera pas de refus…
Il est presque certain que cette première année du quinquennat sera marquée par des mesures conjoncturelles, les ministres ne disposant pas d’une réelle marge de manœuvre, afin d’apaiser le bouillonnement de la société marocaine. Mais il est important que cette équipe travaille en deux temps, le premier faisant le travail de pompier, l’autre entamant de profondes réformes structurelles pour que le Maroc n’aille pas droit au mur ! ■
Imane Bouhrara Bassima Hakkaoui inquiète Bassima Hakkaoui, ministre de la solidarité, de la femme&co, ne passe pas inaperçue. Et cela, elle ne le doit pas au fait d’être la seule femme dans le gouvernement de Benkirane, mais à ses déclarations antérieure et actuelles. Députée virulente et active, faut-il le reconnaître, elle défend la souveraineté du Maroc vis-à-vis des conventions internationales signées par le pays. Notamment la CEDAW ! Cela lui a valu d’être le souffre-douleur des féministes outragées d’ailleurs par la faible, très faible, représentativité des femmes au Parlement et au sein du gouvernement. Ce qui va largement à l’encontre de l’esprit de la nouvelle Constitution. Mais, on n’est pas à une violation près de ce texte depuis son adoption !