Accusant Israël de «génocide», l’Afrique du Sud a saisi, le 29 décembre en urgence, la juridiction de l'ONU. 29 jours plus tard, la Cour internationale de justice de la Haye (CIJ) a rendu son jugement. Entretien avec Me Omar Mahmoud Bendjelloun, docteur en droit international, avocat et universitaire.
Propos recueillis par Ibtissam Z.
Finances News Hebdo : La Cour internationale de justice a rendu son ordonnance le 26 janvier 2024, dans l’accusation de génocide portée par l’Afrique du Sud contre Israël. D’un point de vue juridique, quelle lecture faites-vous de cette ordonnance qui a suscité un vif débat ? Estimez-vous que le génocide a été reconnu ?
Me Omar Mahmoud Bendjelloun : C'est une décision historique provoquée par l'Afrique du Sud dont le peuple a été lui même victime de l'apartheid face à un régime ségrégationniste soutenu uniquement par l'entité sioniste à l'époque. C'est la première fois depuis 80 ans que la justice internationale ou qu'une organisation internationale dépendante des Nations unies va reconnaître que le peuple palestinien est victime de génocide et de crime contre l'humanité. Un crime commis par l'entité sioniste, ce qui permet aussi d'avouer et d'attester implicitement la situation d'occupation en Palestine. La décision de la CIJ a donc reconnu explicitement le crime de génocide et l'a clairement imputé à Israël dans le cadre de son crime continu d'agression et d'occupation.
F.N.H. : A votre avis, quelles seraient les conséquences possibles des différentes décisions annoncées par la CIJ ?
Me O.M.B : Ces décisions permettent l'accentuation de la résistance sur les fronts diplomatiques et judiciaires. Et aussi aux avocats et à la société civile de se baser sur ce précédent fondateur qui réoriente la société et les organisations internationales sur la question palestinienne, par la condamnation de l'occupation de la Palestine et l'agression du peuple palestinien. C'est un grand pas de la société internationale et de l'humanité. Nous regrettons que le cessez-le-feu n'ait pas été ordonné par la Cour pour des considérations de procédure. Considérant que la seconde partie en belligérance n'a pas la qualité d'un Etat pour lui voir opposer le cessez-le-feu, alors que ce dernier point peut être ordonné à une seule partie, du moment qu'elle est reconnue coupable et responsable de l'agression. Cela n'affecte pas l'importance du jugement en qualification des actions terroristes de l'entité d'occupation sioniste en Palestine.
F.N.H. : Quels sont les enseignements à tirer de cette situation ?
Me O.M.B : La justice finit toujours par triompher. Historiquement, tous les mouvements de résistance et de libération nationale ont gagné malgré la barbarie et la longévité des conflits. «Le peuple palestinien n'est pas plus faible que le vietnamien, ni que l'entité sioniste soit plus forte que les USA», avait confirmé Georges Habach, l'un des grands leaders de la Palestine. Au moment où l'injustice en Palestine a failli être un fait accompli et même devenir une banalité dans l'esprit de la société internationale, le peuple palestinien renaît de ses cendres pour replacer sa cause en tant que cause principale de la conscience mondiale.
F.N.H. : Vous avez pris part à la conférence du Groupe d'action nationale pour la Palestine, tenue sous le thème : «la Cour pénale internationale et la guerre d'extermination à Gaza». Quels sont les différents axes abordés lors de cette rencontre ?
Me O.M.B : Nous avons traité de la justice internationale, notamment ses deux instances principales que sont la Cour internationale de justice (CIJ) et la Cour pénale internationale (CPI), notamment suite à l'accusation d'Israël de génocide et crime contre l'humanité, selon les termes du traité de Rome. Aussi, les actions à mener sur le front judiciaire, considéré comme un second front de résistance, car les avocats sont aussi l'armée de résistance du peuple palestinien victime de colonisation et de crime contre l'humanité. Notre conférence a traité, entre autres, les procédures d'action, les compétences matérielles des deux juridictions, leur différence, les qualités pour agir, les moyens de mobilisation de la défense, le plaidoyer et la solidarité internationale ou encore les formes de luttes contre l'idéologie sioniste au sein de nos société.
F.N.H. : L’ordonnance de la CIJ contre Israël a suscité des réactions des principales parties prenantes. Quelles sont vos impressions ?
Me O.M.B : L'entité sioniste continue de mépriser la société et les organisations internationales par son comportement et les déclarations menaçantes et diffamantes de ses dirigeants, sachant que les décisions de justice internationale émanant de la Cour internationale de justice et de la Cour pénale internationale sont exécutoires au niveau du Conseil de sécurité de l'ONU. Cela expose la justice au blocage par le droit de veto du premier soutien de l'entité sioniste que sont les Etats-Unis, comme elle l'a fait jusqu'a présent contre toute éthique et vraisemblance internationale.