A plus d’un an des élections législatives de 2026, certains partis politiques semblent déjà en campagne, suscitant critiques et interrogations. Pour Mohamed Belmir, professeur de sciences politiques à l’Université Hassan II de Casablanca, ces pratiques, bien que répandues dans les démocraties, posent des questions d’éthique et de respect du jeu politique.
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Des voix s’élèvent pour dénoncer une campagne électorale anticipée de certains partis politiques, alors que les élections législatives sont prévues dans plus d’une année. Quelle est votre analyse ?
Mohamed Belmir : Tel que stipulé dans l’article 7 de la Constitution, «les partis politiques œuvrent à l’encadrement et à la formation politique des citoyennes et des citoyens, ainsi qu’à la promotion de leur participation à la vie nationale et à la gestion des affaires publiques». Les prochaines élections législatives sont programmées pour septembre 2026. Tous les partis, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, se préparent à cette échéance. Des meetings et des réunions à caractère national, régional et local sont organisés à un rythme différent de la normale. Le but est de mobiliser les militants et de renforcer l’assise populaire du parti en prévision de ce scrutin. Pour revenir à votre question, ce sont les partis politiques qui forment le gouvernement qui sont visés par ces critiques, notamment le Rassemblement national des indépendants (RNI), chef de file de cette coalition. La formation de la Colombe a été expressément citée à plusieurs reprises et fortement critiquée par l’opposition. Dans son dernier meeting organisé à Laâyoune en mai dernier baptisé «Massar Al Injazat» (parcours des réalisations), le RNI a défendu le bilan du gouvernement et a rejeté en bloc les critiques des autres partis. Il se vante même d’avoir corrigé les erreurs de ses prédécesseurs, particulièrement le Parti de la justice et du développement (PJD) qui a dirigé l’exécutif pendant deux mandats.
F. N. H. : La loi ne réglemente-t-elle pas les campagnes électorales et fixe les dates de leur début et de leur fin ?
M. B. : Il faut rappeler qu’une campagne électorale obéit à différentes règles fixées par la loi. Le but est d’expliquer un programme et de le défendre. A l’approche des élections, tous les partis mènent des campagnes parfois d’une façon tacite et déguisée avant l’heure, soit à travers des sorties médiatiques, sur les réseaux sociaux ou lors de meetings. Ce phénomène existe partout dans le monde, même dans les pays démocratiques. Mais dans chaque Etat, il prend un aspect différent. Ces pratiques sont contraires à l’éthique et à la déontologie politique et portent un préjudice à la démocratie. L’important cependant est que les partis au pouvoir n’utilisent pas les moyens publics qui sont à leur disposition pour mener ces campagnes.
F. N. H. : Quels sont les enjeux des prochaines élections législatives ?
M. B. : Le volet socioéconomique sera fortement présent. Il y a un mécontentement populaire dû à la hausse du coût de la vie, le chômage, les problèmes au niveau des services publics qui ont un lien direct avec les citoyens comme la santé, l’enseignement, le transport et le logement, sans oublier les problématiques à caractère régional ou local. Il est possible d’avoir un vote sanction à l’égard des partis au pouvoir, notamment le RNI, comme il est possible que la même coalition soit reconduite avec quelques changements dans sa configuration.
F. N. H. : Peut-on s’attendre à une hausse du taux de participation comme ce qui a été constaté en 2021 ?
M. B. : Effectivement, le taux de participation a connu une hausse, passant de 42,19% en 2016 à 50,18% en 2021, soit le niveau le plus élevé depuis 2002. Il est fort probable que cette tendance soit maintenue en 2026 en raison des enjeux que j’ai cités par ailleurs. Malgré les critiques formulées à l’égard des partis politiques concernant leur organisation interne, la transparence ou d’autres règles d’éthique, ces derniers font l’effort pour mobiliser leurs militants et séduire de nouveaux électeurs, particulièrement la population des jeunes. En cela, la campagne électorale de 2026 s’annonce acharnée.