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Usure et intérêts : un débat qui traverse les siècles

Usure et intérêts : un débat qui traverse les siècles

Lors des Réunions annuelles 2025 du Conseil des services financiers islamiques, le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a rappelé que dans la vision islamique, l’argent est un moyen au service du bien commun et non une finalité. Il a précisé que l’interdiction du ribâ a pour objectif de préserver l’équité dans les transactions et d’éviter l’accumulation égoïste des richesses.

 

Par Y. Seddik

Depuis des siècles, l’usure et les intérêts divisent économistes, juristes et religieux. En effet, d’Aristote, qui dénonçait le prêt à intérêt comme contraire à la nature, aux textes coraniques interdisant le ribâ pour protéger les plus vulnérables, le refus de l’usure s’est inscrit dans de nombreuses traditions comme un garde-fou contre l’exploitation.

Pourtant, dans un monde où le crédit est devenu un outil de consommation et de développement, la frontière entre intérêt légitime et usure oppressive suscite des débats vifs, particulièrement dans les sociétés musulmanes. Ainsi, faut-il interdire tout intérêt ? Comment financer le développement sans tomber dans l’endettement injuste ?

Par ailleurs, la finance participative peut-elle réellement remplacer un système bancaire classique ? Ces questions divisent savants, experts et citoyens, entre ceux qui défendent une lecture stricte interdisant tout intérêt, et ceux qui plaident pour une approche équilibrée conciliant éthique et efficacité économique.

Dans son intervention lors des Réunions annuelles 2025 du Conseil des services financiers islamiques, le ministre des Habous et des Affaires islamiques, Ahmed Toufiq, a rappelé que la critique de l’usure remonte à l’antiquité. À cet égard, il a cité Aristote, qui s’opposait déjà à l’idée que «la monnaie se reproduise», constatant que les intérêts excessifs menaient à l’asservissement des débiteurs dans la société athénienne.

De plus, il a relié cela à l’interdiction coranique de l’usure sous toutes ses formes injustes, en soulignant que le but de cette interdiction est de lever l’injustice sur les personnes vulnérables, en particulier dans le domaine des prêts nécessaires à la vie quotidienne. Par ailleurs, le ministre a également rappelé que l’interdiction de l’usure ne peut être comprise isolément, car l’islam propose une vision globale où l’argent est un dépôt confié par Dieu, destiné à être investi dans le bien et la satisfaction des besoins de la société, non à l’accumulation égoïste ou à l’exploitation des faibles. En outre, il a souligné que le système islamique vise à protéger l’homme et la société, dans leurs aspects spirituels et matériels, en encadrant les transactions pour éviter l’injustice et l’excès, tout en maintenant l’équilibre et la circulation des richesses.

 

Encadrement et prudence dans le domaine financier

Dans ce contexte, Ahmed Toufiq a rappelé que le Maroc, dans sa gouvernance, veille à protéger les cinq finalités de la charia : la religion, la vie, l’intellect, les biens et la descendance. À ce titre, le pays s’est engagé dans le développement de la finance participative, s’appuyant sur les conseils du Conseil supérieur des oulémas, qui a émis 194 avis juridiques sur les produits de la finance participative afin d’en assurer la conformité aux principes religieux.

Par ailleurs, il a précisé que l’adoption de l’expression «finance participative» vise à rester dans un cadre technique et objectif, sans qualifier les autres formes de finance comme non conformes à l’islam, et pour éviter toute confusion dans l’esprit des citoyens. Dans son discours, le ministre a reconnu que le problème de l’usure et des intérêts ne peut être dépassé totalement, compte tenu des complexités pratiques.

Toutefois, il a souligné l’importance de prendre en considération les nécessités pragmatiques dans l’organisation des transactions financières, tout en respectant les principes religieux. Enfin, il a également relevé que certaines personnes considèrent que les intérêts des banques entrent dans le cadre de l’usure interdite, tandis que d’autres distinguent selon les contextes et les objectifs économiques.

Le ministre a donc invité les experts et les acteurs du secteur à poursuivre leur réflexion sur les conditions de coexistence entre la finance participative et les autres formes de finance, en tenant compte des contextes, des nécessités et de l’intérêt général. Ainsi, entre l’exigence éthique de protection des plus vulnérables et la réalité d’un monde où le crédit structure le quotidien et l’investissement, la question de l’usure reste un fil rouge qui traverse les siècles sans jamais se rompre, et continue d’alimenter débats et réflexions au sein des sociétés contemporaines.

 

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