Lors de l’évènement «Les Nuits de la Finance» organisé mardi 13 mai par Finances News Hebdo, Abdellatif Zaghnoun, Directeur général de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État et de suivi des performances des établissements et entreprises publics (ANGSPE), a dévoilé les fondements de la réforme, les missions, le périmètre et les projets structurants de l’Agence.
Par A. Hlimi
Créée en 2022, l’ANGSPE veille aux intérêts patrimoniaux de l’Etat actionnaire, gère ses participations et assure le suivi et l’appréciation des performances des établissements et entreprises publics (EEP) de son périmètre.
D’emblée, son Directeur général, Abdellatif Zaghnoun, pose les bases : «Il s’agit d’un travail de fond, visant à doter l’État d’un actionnariat rationnel, performant, aligné sur les Orientations Stratégiques de la Politique Actionnariale de l’Etat approuvées lors du Conseil des ministres du 1er juin 2024, présidé par Sa Majesté Le Roi, que Dieu L’Assiste». Et il faut dire qu’en deux ans, cette jeune institu - tion a déjà accompli un travail considérable.
Un diagnostic sans concession
La réforme s’inscrit dans le cadre des hautes orientations royales prodiguées par le Souverain en 2020, appelant à une refonte profonde du secteur public. Ce dernier souf - frait de nombreux dysfonctionnements : che - vauchement des missions des EEP, manque de synergies entre eux, absence d’une véri - table politique actionnariale de l’Etat… Autant de travers auxquels l’Agence entend remé - dier, en promouvant une gestion dynamique et rigoureuse au sein du secteur public.
Des projets structurants
Depuis l’opérationnalisation de l’Agence et depuis le lancement de la réforme, plusieurs chantiers structurants ont été officiellement lancés et concrétisés. Au mois de décembre 2024, le Conseil de gouvernement a validé le projet de la Politique actionnariale de l’État, qui compte 5 théma - tiques et 15 axes. Autre jalon symbolique : la consolidation des comptes de l’Etat actionnaire selon les normes IFRS, initiée en 2024.
«C’est un chantier titanesque, indispensable pour don - ner une image fidèle sur l’actif et le passif des EEP, leur situation financière et leurs résultats», explique le Directeur général de l’ANGSPE. Ce chantier, aujourd’hui clôturé, a permis de consolider les comptes de l’Etat actionnaire des exercices 2022 et 2023, don - nant lieu à une présentation des comptes consolidés.
«Et nous sommes actuellement en train de travailler sur la consolidation de l’exercice 2024», a précisé Zaghnoun. Autres priorités de l’Agence, la promotion des bonnes pratiques de gouvernance et la mise en place d’un dispositif de pilotage de la performance. L’objectif, selon Zaghnoun, est de doter les EEP de Conseils d’adminis - tration efficaces, capables de challenger le management et leur business plan. L’Agence siège, depuis son opérationnalisation, dans l’ensemble des conseils des EEP relevant de son périmètre, ainsi que dans les comités spécialisés (audit et risques, stratégie et investissement, nominations, rémunérations et gouvernance, etc.). Elle a contribué à l’alignement de la composition des organes délibérants aux bonnes pratiques, à travers, entre autres, l’introduction des administra - teurs et membres indépendants sur la base de critères de compétence, de diversité, d’expérience, d’indépendance… Elle a aussi lancé un vaste programme de formation pour les administrateurs. Abdellatif Zaghnoun a également souligné que l’Agence œuvre pour l’instauration d’une culture de la performance.
«Cette performance passe par une contractualisation entre l’Etat et les EEP et entre les organes délibérants et le management», a-t-il précisé. Autre levier d’intervention : l’accompagnement par l’Agence des projets d’investissements/ désinvestissements des EEP, à travers notamment l’émission d’avis et des requêtes ponctuelles concernant lesdits EEP. A ce titre, plus de 90 demandes d’EEP ont été traitées en lien notamment avec la prise de participation et la création de filiales. L’Agence a lancé plusieurs études sectorielles majeures, notamment l’étude sur le Pôle financier public et l’étude pour la structuration stratégique et la mise en place du Pôle audiovisuel public. L’objectif étant de clarifier les prérogatives, éviter les redondances et renforcer la complémentarité des interventions des différents acteurs. Exemple parlant : la constitution du pôle audiovisuel public est en cours à travers le rattachement à la SNRT de MEDI1TV, Radio Medi1 et SOREAD-2M.
«Les transferts de MEDI1TV et Radio Medi1 ont été finalisés. Celui de la SOREAD-2M est en cours», fait savoir Zaghnoun. Parallèlement, l’Agence accompagne certains EEP comme l’ONCF, l’ONDA ou ADM dans l’élaboration des schémas de financement de leurs projets d’investissement, et ce à travers des structurations innovantes (émissions obligataires, titrisation…), à coûts optimisés, et qui minimisent le recours au Budget général de l’Etat et à la garantie de l’Etat. A titre d’exemple, l’Agence a accompagné l’ONCF pour sécuriser le financement de l’extension de la ligne LGV de Kénitra à Marrakech pour un montant total estimé à 48 milliards de dirhams. Au même titre, elle a accompagné l’ONDA pour son programme de modernisation et d’extension des infrastructures aéroportuaires pour un montant de 25 milliards de dirhams et l’ADM dans le cadre de son programme d’investissement à l’horizon 2032 pour un montant de 14,5 milliards de dirhams. Le marché des capitaux figure parmi les priorités affirmées de l’Agence nationale de gestion stratégique des participations de l’État pour financer et accélérer les restructurations des EEP. Interrogé sur ce point lors de la conférence, Abdellatif Zaghnoun a tenu à souligner l’importance de cette source alternative de financement pour les EEP, dans un contexte de raréfaction des ressources budgétaires et de forte exposition de l’État à l’endettement.
«Le potentiel du marché des capitaux est immense, mais encore largement sousexploité par les entreprises publiques. Il est temps de le mobiliser à sa juste valeur», a-t-il affirmé. C’est dans cette optique que l’Agence a signé une convention stratégique avec l’Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), visant à faciliter l’accès des EEP aux marchés des capitaux à travers des mécanismes innovants et adaptés. En réponse à une question sur la possibilité de recourir à la Bourse de Casablanca dans le cadre de l’ouverture du capital de certaines filiales ou participations, Zaghnoun a rappelé que la 3ème orientation stratégique vise à faire du secteur des EEP un pilier pour la dynamisation de l’investissement privé.
Dans ce sens, il sera question de faire des deux piliers public-privé le moteur de développement économique et social de notre pays, d'inscrire justement cette action dans l'objectif fixé par l'État et par la Charte d'investissement, de pousser le privé à être impliqué davantage dans l'investissement des grands projets et de parvenir à une proportion de deux tiers d'investissement privé à l'horizon 2035 contre un tiers aujourd'hui. Il s’agit principalement des secteurs où l’Etat n’est plus en mesure de créer de la valeur et où le privé est prêt à prendre le relais et dispose des moyens financiers et des compétences nécessaires pour le faire. L’Agence plaide pour une meilleure articulation entre les moyens de l’État et les capacités du secteur privé, notamment pour financer des projets d’envergure.
Zaghnoun a insisté sur le fait qu’avant tout, le recours aux acteurs privés se décide en fonction de la place que l’État souhaite occuper dans chaque secteur économique, en particulier dans les secteurs liés à la souveraineté nationale dans lesquels l’Etat doit maintenir sa présence et jouer un rôle prépondérant pour préserver les intérêts stratégiques du Royaume. Enfin, Zaghnoun a mentionné que le portefeuille de l’Agence est très diversifié, multi-métiers, multicultures, avec des missions stratégiques. La mise en œuvre de ses chantiers n'est pas une tâche facile. C'est pour cela que l’Agence privilégie une démarche participative et concertée, basée sur la transparence, la confiance et un dialogue efficace entre l’ense