Les CT sont fortement dépendantes des transferts de l’Etat, contrairement à d’autres pays.
La loi 47-06 doit être réadaptée au contexte de la régionalisation.
Par C. Jaidani
Problème de gouvernance, complexité de l’impôt, difficulté d’interprétation des textes de loi, rendement insuffisant… Ces dysfonctionnements ont des effets défavorables sur les collectivités territoriales (CT). Ils génèrent de nombreuses problématiques, notamment des litiges avec le contribuable et des recettes nettement en deçà des attentes. Du coup, le manque de ressources budgétaires impacte lourdement les programmes de développement des collectivités territoriales. Il faut dire que ces dernières restent fortement dépendantes des transferts de l’Etat, qui représentent une part moyenne de 61,6% de leurs ressources.
L’essentiel des transferts de l’Etat aux collectivités territoriales provient de leurs parts dans le produit de la TVA (30%), de l’IS (5%) et de l’IR (5%). Les dépenses des collectivités territoriales sont, elles aussi, faibles. En 2018, elles représentaient à peine 10% des dépenses totales de l’Etat et des collectivités territoriales. Quant aux dépenses d’investissement des collectivités territoriales, elles représentaient seulement 19,5% des dépenses globales d’investissement de l’Etat et des collectivités territoriales. A titre de comparaison, les CT en France ont réalisé près de 70% de l’investissement public en 2015 et 57% en 2018. «A travers le programme de régionalisation avancée, le Maroc aspire à réduire les inégalités territoriales et assurer un développement local soutenu. Les CT sont des acteurs majeurs pour mettre en place les différents programmes. Elles ont besoin à cette fin d’importantes ressources budgétaires. L’impôt doit contribuer à une redistribution équitable des fruits de la croissance.
Il est donc essentiel d’élargir l’assiette, de simplifier les procédures et de revoir le système de recouvrement», souligne Youssef Oubouali, professeur de droit fiscal. Conscient de ces enjeux, de nombreuses CT ont essayé de remédier à ces lacunes en investissant de nouvelles pistes. C’est le cas de la ville de Casablanca qui a créé «Casa Ressources». Il s’agit d’une société de développement local, spécialisée dans le recouvrement des impôts et taxes impayés au profit de la métropole. Elle a également pour mission de lancer des études et faire des analyses pour le développement des ressources de la ville. Elle supervisera le partenariat public-privé dans le cadre des projets qui lui sont attribués et devrait mobiliser les ressources humaines, budgétaires et matérielles nécessaires pour s’acquitter convenablement de sa mission.
«Il n’est pas question de remettre en cause le système de fiscalité locale institué par la loi 47-06, mais plutôt de le réadapter au contexte de la régionalisation, car c’est un stade très avancé de la décentralisation. L’idée est de donner plus de prérogatives au président de la région. Actuellement, l’ordonnateur de la CT est le wali, alors que normalement ça doit être le président du conseil régional. Il faut donc que les régions bénéficient de plus de ressources pour qu’elles puissent accomplir leur mission dans de bonnes conditions», ajoute Oubouali. Il faut rappeler que la fiscalité occupe une place importante dans le projet de régionalisation avancée. Il est proposé que la part du produit des impôts et taxes actuellement versée par l’Etat aux conseils régionaux soit augmentée, notamment par le relèvement de 1 à 5% des parts respectives des produits de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu qui leur sont affectées. «Certaines CT souffrent d’une insuffisance de ressources.
D’autres ont un potentiel conséquent, mais elles ont un problème de recouvrement. Le volet fiscal est important pour réduire les inégalités et consolider la solidarité nationale. Le phénomène pourrait être largement atténué avec l’amélioration des rendements de la fiscalité. Le projet n’a pas opté pour une autonomie fiscale totale, mais plus pour un approfondissement du parafiscal. Il y a un souci d’harmonisation entre la fiscalité locale et nationale à travers la suppression des doubles emplois et des superpositions», conclut le professeur de droit fiscal.