Durant le mois d’août, l’indice mondial des prix alimentaires a connu sa plus forte baisse mensuelle depuis 2008. Il s’inscrit en recul de 5,2% par rapport à juillet 2015. La baisse s’explique par le ralentissement économique chinois, une offre abondante, et l’appréciation du Dollar. Pour le Maroc, cette chute des cours est une aubaine pour la balance commerciale.
Le gouvernement Benkirane serait-il béni, comme se plaît à le rappeler le Chef de gouvernement, à chacune, ou presque, de ses sorties ? La question mérite d’être posée, quand on voit la succession d’éléments favorables qui affectent positivement notre balance commerciale. Ainsi, après la dégringolade des cours du pétrole, qui a considérablement allégé la facture énergétique du Royaume, c’est au tour des produits alimentaires de connaître un effondrement de leurs prix durant le mois d’août dernier.
Comme le rapporte l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, l’indice FAO des prix des produits alimentaires, qui mesure la variation mensuelle des cours internationaux d'un panier de denrées alimentaires (céréales, sucre, viandes, huiles et produits laitiers), a connu une baisse drastique. Il s’établit en moyenne à 155,7 points en août 2015, enregistrant une régression de 5,2% par rapport à juillet 2015. Il s’agit ni plus ni moins de la baisse mensuelle la plus importante depuis décembre 2008, rapporte la FAO.
Toutes les denrées alimentaires, mise à part la viande, sont concernées par cette dégringolade des cours. Les céréales, dont le Maroc est un grand importateur, voient leur indice reculer de 7% sur le mois d’août. L’indice des prix des huiles végétales cède 8,6%, celui des produits laitiers recule de 9,1%, et celui des prix du sucre perd 10% sur la même période.
Une suroffre
Le ralentissement de l’économie chinoise, dont la demande se contracte, n’explique pas à lui seul cet effondrement. Certes, les difficultés de la Chine et celles des pays émergents tirent le prix des matières premières, en général, et celui des produits alimentaires, en particulier, vers le bas. Mais comme le suggère Omar Fassal, analyste des marchés financiers internationaux chez CDG Capital, il faut aussi voir du côté de l’analyse de l’offre et de la demande pour comprendre ce fléchissement des prix des denrées alimentaires.
Ainsi, en analysant les données de la FAO pour les céréales, par exemple, il en ressort que la production mondiale est revue à la hausse pour l’année 2015, grâce à des récoltes de blé plus importantes que prévues en Australie, en Russie, en Ukraine et dans l’Union européenne. Dans le même temps, les stocks de céréales restent à des niveaux importants. «N’ayant pas évolué entre 2008 et 2013, ont augmenté depuis 2013 grâce à une bonne production mondiale. L'offre est bien supérieure à la demande; ce qui pousse les prix vers le bas», explique O. Fassal.
«L’effet Dollar»
L’autre élément qui explique la chute des cours des produits alimentaires au niveau mondial est l’appréciation de la monnaie américaine. «Le prix des produits agricoles est fixé en monnaie locale, puis converti en dollars», indique notre spécialiste. A ce titre, le cours des matières agricoles varie au gré des fluctuations de la devise US. Quand le Dollar s’apprécie, les cours mondiaux des produits alimentaires diminuent, et inversement.
«En 2008, lorsque le Dollar avait fortement baissé, le prix des matières premières avait flambé. Aujourd'hui, c'est l'inverse : le durcissement monétaire en vue de la réserve fédérale américaine (FED) pousse le Dollar à la hausse face aux autres monnaies du monde», ajoute-t-il.
La balance commerciale en profite
Le Maroc, qui demeure un grand importateur de produits alimentaires (plus de 10% du total des importations), et de blé notamment, voit évidemment cette baisse des cours d’un bon oeil. D’autant que la campagne agricole 2015 a été particulièrement bonne, avec une récolte record de 115 millions de quintaux. La FAO n’a pas manqué de le signaler dans son dernier bulletin sur l'offre et la demande de céréales : «Après d'abondantes récoltes, le Maroc (et la Turquie) devraient importer sensiblement moins de blé au cours de la présente campagne».
Il s’agit donc d’une aubaine pour le Royaume qui a importé pour plus de 12,7 milliards de dirhams de blé en 2014, en hausse de 54% par rapport à 2013, selon les données de l’Office des changes. Les importations de blé représentent à elles seules 3,3% du total des importations et près du tiers des produits alimentaires importés (41,7 milliards de dirhams en 2014).
Des effets positifs sur la balance commerciale ont d’ailleurs déjà été observés avant le mois d’août. A fin juillet, les importations de produits alimentaires ont baissé en valeur de 15,8% à 22,7 milliards de dirhams (-30% pour le blé à 6,2 milliards), d’après les chiffres de la DEPF.
L’effondrement des cours accentuera encore plus cette tendance. Le déficit de la balance commerciale, déjà en amélioration de 20% sur les 7 premiers mois de l’année, va s’alléger davantage. Du pain béni pour le gouvernement qui a fait de la réduction du déficit de la balance commerciale l’un de ses principaux objectifs.
Mais il s’agit à présent de ne pas s’endormir sur ses lauriers, et de mettre à profit cet exceptionnel alignement de planètes dont bénéficie l’économie marocaine depuis quelques mois, pour faire les réformes qui s’imposent. «Pour le Maroc c'est encourageant, puisque cela améliore mécaniquement notre balance commerciale. Mais l’enjeu à long terme reste de développer des exportations agressives plutôt que de compter sur une réduction de nos importations», rappelle à juste titre O. Fassal.
Amine Elkadiri