Les banques ont été les premières à déployer leurs solutions, mais les télécoms ont de sérieux arguments à faire valoir.
Le Maroc est à la traîne en matière d’inclusion financière. Il ne faut pas se voiler la face. Deux constats le prouvent : 2/3 des adultes ne sont pas bancarisés, alors que les dispositifs de paiement mis en place ne marchent plus aujourd’hui. C’est dans cette configuration que l’initiative du paiement mobile a été pensée.
Toujours en pole position en matière de services financiers, les banques ont été les premières à déployer leurs solutions. Pour le moment, elles sont en train de se positionner et de trouver leurs marques. Car c’est un nouveau marché.
«Les banques ont certes franchi le pas sur le m-paiement en lançant leurs solutions. Mais, aujourd’hui, les chiffres sont clairs, il n’y a pas de décollage. Il n’y a pas d’adoption. Les banques n’ont pas encore trouvé ni l’offre ni le go-to-market du paiement mobile. Elles sont toujours en réflexion», lance Yassine Sekkat, directeur associé chez McKinsey, lors du cycle de conférences sur le paiement mobile organisé par inwi.
La manière dont le client bancarisé est servi est différente de celle du client non bancarisé. Ce dernier est méfiant, que ce soit sur le coût ou sur l’apport de l’offre. «Les banques ne doivent donc pas attendre que les clients viennent chez elles, mais elles devraient plutôt aller vers eux», ajoute Y. Sekkat.
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Jouissant d’une forte notoriété dans les pays de l’Afrique subsaharienne, les opérateurs télécoms ont un rôle fondamental à jouer. Pour le consultant, ces mastodontes ont de quoi «faire peur aux banques». Ils ont des dizaines de millions de clients non bancarisés et disposent de suffisamment d’expérience. «S’ils arrivent à craquer le code, à trouver la bonne formule, à aller faire ce putsch qu’ils ont l’expérience de faire, là ça va être révolutionnaire», ajoute-t-il.
L’autre argument sérieux en faveur des télécoms est que les solutions de paiement mobile des opérateurs fonctionnent sans Internet et peuvent être opérationnelles même sur les téléphones mobiles basiques, contrairement aux «e-wallet» bancaires.
Rappelons que pour l’heure, seule inwi a lancé son offre. Maroc Telecom et Orange devraient bientôt entrer dans l’arène. En Afrique, par exemple, Orange Money génère 350 millions d’euros de revenus, dont environ 4 milliards de DH de revenus uniquement sur l’activité de paiement mobile, sur 17 pays et 40 millions de clients.
A la différence des pays de l’Afrique subsaharienne où le système financier est quasi absent, ce qui a permis au m-paiement de faire florès, le Maroc dispose d’un système à deux vitesses. Pour Sekkat, «nous sommes dans un pays où les choses financièrement ne marchent pas si mal». Pour autant, «nous avons des choses qui marchent, mais ça ne marche pas tellement bien pour la population».
L'objectif recherché est d'arriver à créer une solution qui puisse remplacer l’existant et qui soit acceptée par la population. C’est pour cette raison que c’est particulièrement difficile au Maroc. En fait, c’est tout l’enjeu pour cette industrie.
L’autre élément qui devrait faire défaut au déploiement de l’activité est la logique de rentabilité immédiate. «Les opérateurs se demandent toujours comment ils peuvent être rentables dès le premier jour. C’est ça l’erreur».
Et de poursuivre : «si nous voulons tous rentabiliser dès la première année, ça va prendre 15 ans pour décoller… et encore». Il faut plutôt être dans une logique start-up, c’est-à-dire d’abord investir, acquérir et fidéliser la clientèle et voir ensuite comment on peut rentabiliser le projet.
Il faut dans ce sens non pas un mindset de rentabilité, mais d’adoption et d’usage pour les acteurs. Cela nécessite toutefois une vision moyen long termes et, surtout, du courage.
Au final, comme toute activité nouvelle, le paiement mobile a besoin d’ajustements et, surtout, de patience pour un décollage généralisé. Car, même dans les pays où l’activité s’est avérée être une «succes-story», cela a pris des années pour un bon déploiement, à l’image du Kenya et des autres pays de l’Afrique subsaharienne.
Il faut tout de même reconnaître que le Maroc a eu le courage de mettre en place cette initiative de paiement mobile. Chose unique dans la région MENA. Sur le plan réglementaire, ce projet est clairement une réussite. Reste à transformer l’essai. ◆
Par Y.S