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Marché financier : Et si le Maroc se dotait d’une agence de notation ?

Et si le Maroc se dotait d’une agence de notation ?

 

 

Anouar Hassoune, directeur général de Emerging markets ratings (EMR) : «Il est temps pour la place financière marocaine d’avoir une agence de notation marocaine»

 

 

 

 

«Il est temps pour la place financière marocaine d’avoir une agence de notation marocaine, capable de traiter le risque de crédit en Afrique du Nord et en Afrique de l’Ouest». C’est le souhait exprimé hier, à la Bourse de Casablanca, par Anouar Hassoune (photo), co-fondateur et Directeur général de l’agence de notation EMR (Emerging markets ratings, basée à Dubaï), qui contrôle l’agence West African Rating Agency (Wara), basée à Dakar et Abidjan.

Cet ancien responsable au sein des agences Moody’s et S&P estime qu’il y a urgence que le Royaume du Maroc se dote d’une agence de notation sur place. «La notation doit faire partie du paysage financier marocain pour compléter l’écosystème financier qui est en train de se mettre en place, en particulier au sein de Casablanca Finance City», explique-t-il.

Cela est d’autant plus une nécessité, que la place financière casablancaise est entrée dans le top 30 mondial. «Ce classement constitue une victoire de la désintermédiation financière au Maroc. La désintermédiation financière dans le Royaum,e ce n’est plus que les banques, c’est aussi le marché de capitaux. A l’intérieur du marché de capitaux, ce n’est pas que les actions, c’est aussi le marché obligataire».

Anouar Hassoune rappelle que l’activité des agences de notation est en plein essor, et le Maroc doit pouvoir tirer son épingle du jeu dans ce marché. «Des agences de notation essaiment un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, on constate une chose : le marché des obligations cotées en devises, est essentiellement la chasse gardée d’un triopôle (Moody’s, S&P et Fitch). En revanche, pour la notation des émissions obligataires en devises locales, il y a deux modèles : un modèle d’agence de notation nationale, c’est le modèle suivi par la Malaisie ou l’Arabie saoudite par exemple, et un modèle régional. Que faut-il choisir pour le Maroc ? Vraisemblablement un modèle régional. L’idée est d’installer une agence de notation à Casablanca qui pourrait couvrir l’ensemble des pays d’Afrique du Nord, et qui aurait des liens privilégiés avec l’Afrique de l’Ouest», souligne-t-il.

L’existence d’une telle agence de notation au Maroc permettra de pricer le risque crédit des entreprises de manière optimale. «La notation financière est une activité d’intermédiation informationnelle. Nous allons chercher l’information privative chez les émetteurs afin de la servir aux investisseurs pour une bonne tarification du risque», souligne Hassoune.

«Vous n’êtes pas sans savoir qu’il y a quelques années à Casablanca, la tarification des obligations était peu discriminante. Les obligations de très bonne qualité, et celles de moins bonne qualité, étaient pricées de la même manière», a-t-il ajouté.

 

Un cadre réglementaire à mettre en place

 

La mise en place d’un cadre réglementaire, régissant l’activité des agences de notation au Maroc est par ailleurs souhaitable. «En Afrique de l’Ouest, il existe un cadre réglementaire pour la notation financière, très proche du cadre européen qui est assez strict. Deux agences de notation y sont actives, dont la nôtre», précise notre interlocuteur. Aujourd’hui au Maroc la notation n’est pas réglementée. «Il faudra bien que la notation devienne une norme, et que les autorités la rende obligatoire, que ce soit pour les sociétés cotées, pour les sociétés faisant appel public à l’épargne, que pour les sociétés demandant un garant externe, comme c’est le cas en Afrique de l’Ouest», fait-il savoir.

Une telle réglementation serait bénéfique pour la transparence financière et l’approfondissement du marché financier. Elle serait même susceptible de faire gagner quelques places dans le classement mondial des places financières.

 

Convaincre les émetteurs et (surtout) les banques

 

Cette réglementation serait la bienvenue mais il faudrait aussi qu’il y ait des contreparties en termes de volume d’affaires, c’est-à-dire qu’un certain nombre d’émetteurs s’engagent, confie Hassoune.  Les émetteurs seront-ils faciles à convaincre ? «Cela ne sera pas aisé», avoue-t-il, car les habitudes au Maroc ont la peau dure : «le système financier dans le Royaume est dominé par les banques. C’est une certitude. Le marché obligataire est très petit par rapport au marché action, qui lui même est très petit par rapport au marché bancaire.

Aujourd’hui, le crédit, dans l’esprit des entreprises, est basé essentiellement sur une relation avec son banquier. Il y a un écosystème très bancaire. Donc sortir du cadre strict de la banque, qui fait au Maroc la pluie et le beau temps sur le crédit, va être difficile».

Il faudra donc surtout convaincre les banques de l’utilité d’une agence financière locale. «Si les banques ne sont pas convaincues de l’avantage de faire du rating, il n’y aura pas de rating», analyse-t-il.

Comment dès lors persuader les établissements de crédits ? «L’analyse crédit est chère, c’est un centre de coût pour les banques. L’idée c’est de dire : gardons l’analyse crédit, mais utilisons les agences de notation comme un second benchmark», argumente Hassoune.

Quant au caractère un peu terne du marché obligataire marocain, il demeure conjoncturel, selon lui. «A un moment ou un autre, cela va repartir».

 

A.E

 

 

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