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Marché boursier: «La Bourse de Casablanca n’a jamais perdu son attractivité»

Marché boursier: «La Bourse de Casablanca n’a jamais perdu son attractivité»

Accéder aux marchés financiers peut transformer le développement d’une PME, mais le chemin vers la cotation reste complexe. Yassine Redouane, CEO d’IPF Advisors, décrypte les défis à relever et les clés du succès pour une introduction en Bourse réussie.

 

Propos recueillis par Gh. Bennani

Finances News Hebdo : Quelles sont, selon vous, les raisons qui expliquent cet intérêt retrouvé pour la Bourse de Casablanca ?

Yassine Redouane : Il ne s’agit pas tant d’un regain d’intérêt que d’une dynamique continue sur le marché boursier marocain. La Bourse de Casablanca n’a jamais perdu son attractivité, et l’année 2024 en est une parfaite illustration avec une performance de plus de 20%, des volumes d’échanges significatifs et des IPO couronnées de succès. Trois facteurs expliquent cette tendance. D’abord, l’injection de liquidités en fin d’année 2024 a renforcé la profondeur du marché. Ensuite, la performance globale des indices a naturellement attiré davantage d’investisseurs. Enfin, le climat économique positif, porté par des réformes et des projets structurants au Maroc, a consolidé la confiance des acteurs du marché. Ces éléments combinés ont permis à la Bourse de Casablanca de maintenir son dynamisme et de capter un intérêt soutenu de la part des investisseurs.

 

F. N. H. : Pensez-vous que le marché a suffisamment évolué en termes de liquidité pour répondre aux besoins des PME en matière de financement ?

Y. R. : Au cours des dernières années, la liquidité du marché a connu une évolution significative, bien que des marges de progression subsistent. Il y a une dizaine d’années, les volumes d’échanges quotidiens avoisinaient 30 à 40 millions de dirhams, alors qu’aujourd’hui ils atteignent régulièrement 400 à 500 millions de dirhams, soit une multiplication par dix. Cet accroissement témoigne d’un engouement croissant et d’une profondeur de marché renforcée, plaçant la Bourse de Casablanca sur une trajectoire favorable. Avec le développement du marché à terme, une communication accrue et une évolution positive de l’économie marocaine, cette dynamique devrait encore se renforcer et favoriser davantage le financement des PME, qui constitue un enjeu clé pour l’écosystème entrepreneurial.

 

F. N. H. : Pouvez-vous rappeler les principales possibilités qu’offre la Bourse en termes de financement pour les PME (marché alternatif, compartiments, seuils, conditions d’éligibilité) ?

Y. R. : La Bourse de Casablanca met à disposition des PME un marché alternatif, conçu pour leur offrir un accès simplifié au financement boursier. Ce marché permet une levée minimale de 5 millions de dirhams avec des exigences allégées, telles qu'un seul exercice certifié et un processus d’introduction en Bourse adapté aux réalités des PME. Les entreprises éligibles doivent répondre à au moins un des trois critères suivants : un chiffre d’affaires inférieur à 500 millions de dirhams, un total du bilan inférieur à 200 millions de dirhams, ou un effectif de moins de 300 employés. Pour faciliter davantage l'accès au financement via le marché des capitaux, l'Offre PME a été mise en place en partenariat avec l'Autorité marocaine du marché des capitaux (AMMC), la Bourse de Casablanca, Maroclear et l’APSB. Cette initiative repose sur trois piliers : une réduction de 50% des commissions d’introduction, la mise en place d’un guichet unique pour optimiser les démarches et un dispositif de formation et d’accompagnement destiné aux PME. Grâce à ces mesures, les entreprises bénéficient d’un cadre plus souple et incitatif pour accéder aux opportunités offertes par le marché financier.

 

F. N. H. : Quels sont les avantages pour une PME de se coter en Bourse plutôt que de recourir à des financements bancaires classiques ?

Y. R. : L’un des principaux avantages pour une PME d’opter pour une cotation en Bourse réside dans la crédibilité et la transparence financière qu’elle acquiert. Être coté constitue un gage de confiance pour les investisseurs, les partenaires commerciaux et l’ensemble du marché, renforçant ainsi son attractivité et sa notoriété. Cette visibilité accrue lui permet de se structurer davantage, d’optimiser sa gouvernance et d’accéder à de nouvelles opportunités de croissance. En outre, une entreprise cotée bénéficie d’une diversification de ses sources de financement. Contrairement au financement bancaire, qui repose principalement sur l’endettement, l’introduction en Bourse permet une levée de fonds en capital, réduisant ainsi la pression sur sa trésorerie et améliorant son ratio d’endettement. Par ailleurs, la cotation peut également faciliter l’accès au crédit bancaire, les établissements financiers étant plus enclins à financer une entreprise dont la structure est consolidée et la gestion plus transparente. Enfin, au-delà de l’aspect financier, l’entrée en Bourse constitue un levier stratégique pour une PME souhaitant accélérer son développement, attirer de nouveaux talents et asseoir sa position sur son marché.

 

F. N. H. : Quels secteurs d’activité semblent les plus concernés par une introduction en Bourse aujourd’hui ?

Y. R. : Aujourd’hui, plusieurs secteurs se montrent particulièrement dynamiques en matière d’introduction en Bourse. Le secteur de la santé a récemment gagné en visibilité avec des IPO réussies, marquant une ouverture notable du marché à cette industrie. La technologie et le BTP figurent également parmi les domaines les plus attractifs, bénéficiant d’un fort potentiel de croissance et d’un intérêt accru des investisseurs. En revanche, certains secteurs, comme la restauration, restent encore sous-représentés en Bourse, en raison de modèles économiques souvent plus volatils, avec une prédominance du cash. Toutefois, tout secteur peut potentiellement accéder aux marchés financiers, à condition de proposer un business model solide, une création de valeur avérée et une vision stratégique claire. La technologie, notamment, possède un fort potentiel, à condition que les entreprises démontrent leur capacité à générer de la rentabilité et à se structurer pour attirer des investisseurs institutionnels et privés.

 

F. N. H. : Comment IPF Advisors accompagne-t-il concrètement les PME dans leur introduction en Bourse ?

Y. R. : Chez IPF Advisors, notre accompagnement s’inscrit dans une démarche globale qui couvre l’amont, le processus d’introduction et le suivi post-cotation. Dès les premières étapes, nous travaillons sur une analyse approfondie de l’entreprise et de ses besoins, qu’il s’agisse d’une restructuration ou d’une préparation stratégique en vue d’une introduction en Bourse. Beaucoup de PME ne considèrent pas immédiatement cette option, mais ont besoin de se structurer pour y être éligibles. Nous les accompagnons donc dans l’optimisation de leur organisation interne, de leur gouvernance et de leur communication financière afin de répondre aux exigences du marché. Une fois cette base solide établie, nous intervenons dans la valorisation de l’entreprise, la gestion des démarches réglementaires auprès de la Bourse et de l’AMMC, ainsi que dans la finalisation du dossier d’introduction. Notre rôle ne s’arrête pas là : après la cotation, nous assurons un suivi post-introduction pour garantir une transition réussie et optimiser la relation avec les investisseurs. En somme, IPF Advisors intervient à chaque étape du processus, de la préparation stratégique à l’accompagnement post-cotation, afin d’assurer une introduction en Bourse fluide et structurée pour les PME.

 

F. N. H. : Quels sont les freins psychologiques ou structurels que vous constatez auprès des dirigeants de PME qui hésitent à franchir le pas ?

Y. R. : L’un des principaux freins à l’introduction en Bourse réside dans la crainte de la transparence. Beaucoup de dirigeants de PME redoutent les exigences accrues en matière de communication financière, de gouvernance et de reporting régulier. L’idée de devoir rendre des comptes de manière plus rigoureuse peut être perçue comme une contrainte, tout comme la complexité administrative liée au processus d’introduction et au suivi post-cotation. Toutefois, nous les accompagnons dans cette transition en leur expliquant que ces exigences ne sont pas une contrainte, mais un levier de structuration et de pérennisation. Une gouvernance renforcée, une transparence accrue et une communication claire avec les investisseurs ne sont pas seulement des obligations, mais de véritables atouts pour bâtir une entreprise solide et compétitive. En d’autres termes, c’est le prix à payer pour se doter des moyens nécessaires à une croissance durable et ambitieuse.

 

F. N. H. : Quelles actions supplémentaires (réglementation, incitations fiscales, sensibilisation) pourraient être mises en place pour encourager davantage de PME à se tourner vers la Bourse ?

Y. R. : L’élément clé pour inciter davantage de PME à s’introduire en Bourse est la confiance. Il est essentiel de mettre en avant des success stories pour montrer concrètement les bénéfices d’une cotation et encourager d’autres entreprises à franchir le pas. Le soutien aux premières structures qui s’introduisent en Bourse est crucial : elles doivent être accompagnées pour assurer un marché secondaire dynamique, avec une liquidité suffisante qui attire les investisseurs et garantit une certaine fluidité des échanges. En parallèle, des incitations fiscales ciblées et des mesures de simplification réglementaire pourraient lever certaines barrières structurelles. L’intervention des investisseurs institutionnels peut également jouer un rôle majeur en offrant un cadre de soutien aux PME nouvellement cotées, contribuant ainsi à dynamiser le marché et à inciter d’autres entreprises à suivre cette voie. Un marché actif et structuré envoie un signal fort : l’introduction en Bourse est un levier de croissance durable et accessible aux PME ambitieuses. 

 

 

 

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