Mohamed Berrada, président du Comité scientifique des Assises de la fiscalité (photo FNH.ma)
Les troisièmes Assises de la fiscalité remettent en selle plusieurs sujets cruciaux, dont la rentabilité du système fiscal et le principe d’équité.
Mohamed Berrada décrypte les principaux enjeux de cet événement qui suscite un grand intérêt.
Propos recueillis par B. Chaou
Finances News Hebdo : Quels sont les enjeux de la rencontre organisée en prélude des Assises de la fiscalité qui se tiendront en mai prochain ?
Mohamed Berrada : Je commencerai d’abord par dire que le Maroc a réalisé beaucoup d’avancées dans le domaine fiscal depuis les années 80 avec la réforme portant sur l’IS, l’IGR et la TVA. Le problème est que les Lois de Finances à travers certaines mesures, ont parfois rompu le principe de cohérence, d’efficacité et surtout de simplicité de notre système fiscal. Aujourd’hui, il est sans conteste que le Maroc a un bon système fiscal. Toutefois, le fait d’organiser en mai prochain les troisièmes Assises montre qu’il existe une prise de conscience de la nécessité de faire en sorte que la fiscalité tienne compte de l’évolution du monde, des contraintes internationales, des règles de conformité, mais également des avancées technologiques, avec la montée en puissance de l’intelligence artificielle.
Ceci étant dit, les Assises de la fiscalité devraient permettre de faire le point et d’établir le bilan sur ce qui a été fait au cours des dernières années. Or, dans un bilan, il y a toujours un actif et un passif. Tout l’enjeu est d’avoir une idée précise sur les réalisations, les insuffisances et les échecs. Cet exercice permettra au pays d’aller de l’avant. Par ailleurs, il est important de rappeler que le système fiscal, notamment les recettes publiques, sont tributaires de la croissance et de la dynamique économique.
En d’autres termes, la fiscalité ne doit en aucun cas être envisagée in situ, sans la connecter aux paramètres économiques et sociaux. En clair, nous voulons un système fiscal qui encourage l’investissement productif, créateur d’emplois. Faudrait-il le rappeler, nous avons deux problématiques majeures dans notre pays et qui ont d’ailleurs été mentionnées par le Roi à travers ses discours. Il s’agit du chômage qui touche les jeunes et le creuset des inégalités sociales. La fiscalité doit apporter des réponses à ces problématiques, d’autant plus que toute politique fiscale doit être d’essence économique, afin de favoriser la création de postes de travail.
F.N.H. : Que pensez-vous de la démarche participative de la Direction générale des impôts (DGI), qui a lancé un appel à manifestation d’intérêt, ce qui permet aux personnes qui le souhaitent de faire des propositions dans le cadre des Assises ?
M. B. : L’organisation des matinales de la fiscalité sous la thématique : «Assises de la fiscalité: Grands principes, constats et attentes», en prélude du grand rendez-vous qui se tiendra dans un peu plus d’un mois, conforte cette démarche participative. La lettre de cadrage a été envoyée à tous les partenaires afin d’avoir des réactions et des recommandations. Il ne faut pas oublier que la fiscalité est avant tout populaire. Elle concerne tout le monde. Notre volonté est d’associer le plus grand nombre à la réflexion lors des Assises (partis politiques, société civile, experts, opérateurs économiques, etc.). Il sera question de réfléchir sur les politiques, les grandes orientations et les principes qui régiront le système fiscal, et non sur les taux.
F.N.H. : Quel jugement portez-vous sur l’application du principe d’équité dans le système fiscal, sachant que la DGI s’emploie, ces derniers temps, à contraindre certaines catégories socioprofessionnelles à contribuer davantage à l’effort fiscal en fonction de leurs revenus ?
M. B. : Les prochaines Assises sont placées sous le signe d’une plus grande équité fiscale dans le cadre du nouveau modèle de développement. D’où la nécessité de veiller à ce que les inégalités reculent et que l’équité prévale dans notre système fiscal. En effet, ce dernier a été émaillé par des distorsions qui ont donné lieu au creusement des inégalités, comme mentionné plus haut.
D’ailleurs, les assises permettront d’identifier des pistes à même d’élargir l’assiette fiscale, et faire en sorte que tout le monde paye, bien entendu en fonction des capacités contributives. Les débats porteront sur plusieurs sujets dont celui de l’agriculture. Car, faudrait-il le rappeler, ce secteur est exonéré, sauf pour les opérateurs dont le chiffre d’affaires dépasse 5 MDH qui s’acquittent de l’IS. ◆