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Loi organique des finances : vers une obligation de résultats pour un budget plus efficace

Loi organique des finances : vers une obligation de résultats pour un budget plus efficace

Au-delà des investissements sectoriels prévus dans le projet de Loi de Finances 2026, le gouvernement veut faire évoluer les règles du jeu budgétaire. La réforme de la Loi organique des finances (LOF) vise à introduire davantage de transparence, améliorer la soutenabilité de la dépense et renforcer le rôle du Parlement.

 

Par Désy M.

 

A la veille de l’examen du projet de Loi de Finances (PLF) 2026, doté d’un budget global estimé à plus de 761,3 milliards de dirhams, avec un investissement public estimé à 380 milliards de dirhams, le Maroc s’apprête à franchir un cap majeur dans la gestion de ses finances publiques. En introduisant la notion d’obligation de résultats, le gouvernement ambitionne de renforcer l’efficacité de l’action publique et la transparence de l’exécution budgétaire.

C’est un chantier qui s’inscrit dans une logique de performance publique où chaque Dirham investi doit désormais être évalué  en fonction de la valeur ajoutée qu’il crée pour la collectivité. Et pour ce faire, il faut que le budget devienne un instrument de résultats, non plus seulement un cadre de dépenses. Cette évolution intervient dans le prolongement de la réforme de la Loi organique des finances (LOF) n°130-13, entrée en vigueur en 2015, qui avait déjà marqué une rupture avec la logique traditionnelle de moyens.

Pour Rachid El Fakir, professeur d’économie monétaire, «le passage d’une logique de moyens à une logique de résultats était l’un des points ambitieux ayant coupé avec l’ancienne législation qui s’est focalisée sur les crédits budgétaires, sans réelle évaluation des résultats».

Et d’ajouter qu’«avec l’introduction de la notion de performance avec des objectifs, des indicateurs et des rapports annuels de performance, la LOF espérait atteindre une meilleure évaluation de l’efficacité des politiques publiques, avec plus de transparence et discipline budgétaire», souligne-t-il.

En effet, avec des documents budgétaires plus lisibles et plus accessibles, l’introduction du budget citoyen pour vulgariser les données financières à destination du grand public, l’obligation de publier des rapports sur l’exécution budgétaire ainsi que les écarts constatés, l’évaluation des politiques budgétaires s’est améliorée par rapport aux pratiques qui régnaient auparavant. Par cette loi, le Parlement dispose désormais de plus de temps et d’outils pour examiner le projet de Loi de Finances et peut suivre l’exécution budgétaire via des rapports de performance et des audits.

Par ailleurs, la LOF en vigueur permet aux gestionnaires des deniers publics de disposer de plus d’autonomie, avec l’obligation de rendre compte des résultats obtenus. L’introduction du contrôle interne et la reddition des comptes devient donc le grand pilier de la réforme budgétaire au Maroc. Toutefois, dix ans après sa mise en œuvre, la LOF a présenté plusieurs limites.

Quid du retard de l’application de la reforme ?

L’absence de mécanismes clairs de reddition des comptes et la faiblesse du suivi des indicateurs de performance ont réduit la portée de cette réforme pourtant saluée à son lancement. «Certes, la loi en vigueur constitue une grande avancée pour la gestion publique au Maroc. Techniquement, elle est plus exigeante, mais les indicateurs de performance manquent parfois de pertinence ou ne sont pas bien suivis, ce qui rend plus difficile pour le gouvernement, les parlementaires et les citoyens l’appropriation de cette loi», précise El Fakir.

Avec l’optique de l’obligation de résultats, la culture de l’évaluation des politiques publiques est donc à l’ordre du jour. Des perspectives d’amélioration des indicateurs de performance et des mécanismes de suivi clair bien définis sont de mise. Pour le professeur El Fakir, le retard dans la réforme de la LOF s’explique par plusieurs facteurs.  D’abord, c’est une question législative qui nécessite un long dialogue institutionnel et une bonne concertation entre les pouvoirs législatif et exécutif. «Pour tout pays, l’adoption d’un texte qui va cadrer le futur des finances publiques est une question stratégique. Les rapports de force au sein du Parlement, entre opposition et majorité d’une part, et entre le Parlement et le gouvernement d’autre part, affectent l’action législative et gouvernent toute volonté et bonne humeur de réforme», explique-t-il.

A côté de la volonté politique, El Fakir pointe aussi la complexité juridique et institutionnelle. En effet, la mise en place de l’obligation des résultats suppose des précisions légales et des mécanismes opérationnels en termes de sanctions, d’incitations et de liens formels entre résultats et crédits. Ces précisions demandent des amendements ou des décrets d’application. Cependant, les problèmes de capacités de pilotage et de l’insuffisance des données et des systèmes d’informations fiables et performants, biaisent encore toute opérationnalisation de ladite obligation. Bref, les capacités, les ressources humaines et techniques conditionnent tout passage de l’obligation de moyens à celle de résultats.

PLF 2026 : Un nouvel élan ?

L’introduction de l’obligation de résultats dans le PLF 2026 présage quelques retombées positives sur l’action politique. El Fakir estime que cette approche constitue une réponse aux critiques récurrentes sur l’inefficience de l’investissement public, estimée à 66% selon Bank Al-Maghrib, contre une moyenne de 75% dans les pays à revenu intermédiaire supérieur. Pour le HCP, les retombées du grand effort public d’investissement en matière de croissance économique, de création d’emplois et de productivité demeurent mitigées.

Face à ces constats, une budgétisation axée sur la performance pourrait être la solution. Toutefois, «avec la clause de l’obligation de résultats sur l’exécution des investissements, on ne pourrait s’attendre à une transformation du PLF 2026 en instrument d’efficacité et de gouvernance que si elle combine un cadre légal clair, des capacités opérationnelles effectives, des contrôles externes renforcés et une transparence plus active axée sur de fiables systèmes d’information», affirme Rachid El Fakir.

Dans ce cadre, l’amélioration continue des documents de performance est un chantier ouvert par le ministère de l’Économie et des Finances. Le PLF 2026 introduit une nouvelle maquette d’appui à l’élaboration des projets de performance pour l’exercice budgétaire de ladite année. Celle-ci prévoit des indicateurs stratégiques au niveau départemental, ministériel et institutionnel, destinés à apprécier l’efficacité des politiques publiques à moyen et long terme et d’en mesurer les effets sur l’amélioration du bien-être de la société sectoriellement et territorialement. Une avancée saluée par les experts, qui y voient un outil de pilotage inédit pour améliorer la redevabilité et la bonne gouvernance. 

 

 

 

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