Mohamad L. Hammour, président de Guidance Financial Group, société de services financiers dédiée à l’innovation dans le domaine de la finance et des investissements conformes à la charia.
Les fintech doivent permettre au Royaume d’accéder au rang de leader dans le domaine de la finance participative, selon Mohamad L. Hammour, président de Guidance Financial Group, actionnaire, au côté de la Banque centrale populaire, dans la banque participative Bank Al Yousr.
Propos recueillis par M. Diao
Finances News Hebdo : La plupart des experts estiment que l’un des plus grands apports de la fintech sur la finance participative est la réduction des coûts des transactions. Que pensez-vous de cet avantage ?
Mohamad L. Hammour : Je pense que l’idée de la baisse des coûts des transactions n’est qu’un aspect limité du potentiel des changements qui vont résulter de la révolution de la fintech.
Certes, le niveau des coûts des transactions est critique quant à la détermination de la structure financière d’un marché. Mais au-delà de ce paramètre, ce sont des modèles différents qui vont émerger avec la montée en puissance du système de désintermédiation. Ce dernier établit une relation plus directe entre, notamment, les fournisseurs de fonds ultimes et les utilisateurs et bénéficiaires finaux. Cette configuration aboutit à une structure de contrats différents.
Il est important de savoir que la finance participative a aussi pour mission d’accélérer le changement et l’innovation. Elle a la particularité d’introduire des principes d’équité et de stabilité.
La fintech a le potentiel de permettre à la finance participative d’exprimer ces principes dans les modèles organisationnels au niveau des différents produits. Certaines transactions qui étaient très coûteuses par le passé, deviennent accessibles grâce à la fintech. Aujourd’hui, le secteur est à même de proposer des alternatives viables sur la base des principes évoqués.
F.N.H. : Dans quelle mesure la fintech peut-elle accélérer l’effet de rattrapage, tout en permettant au secteur de la finance participative au Maroc de résorber un tant soit peu les problèmes de liquidités et d’étroitesse du marché par rapport aux banques conventionnelles qui s’accaparent la part du lion ?
M. L. H. : Mon souhait est que le Maroc ne soit pas dans une posture de rattrapage par rapport à d’autres pays. Bien au contraire, le Royaume doit être dans une dynamique avant-gardiste. La fintech peut faciliter ce changement de registre.
Il faut savoir que l’historique et la maturité peuvent être parfois contraignants du fait, par exemple, de l’attachement à une technologie, à la manière de faire, à l’habitude et à l’investissement consenti. Par contre, le Maroc a la chance de s’affranchir de ces contraintes. Ce qui lui confère une agilité plus importante pour l’adoption de nouvelles technologies lui permettant de progresser rapidement en la matière.
Le Royaume a tous les atouts pour être leader dans le domaine de la finance participative. Le secteur financier conventionnel s’est développé de façon très équilibrée et complète dans l’ensemble de ses composantes (marché des capitaux, secteur bancaire, réglementation, etc.). D’ailleurs, les banques marocaines sont exportatrices en Afrique et se déploient partout dans le monde, notamment dans les pays qui abritent la communauté marocaine.
A mon sens, il n’y a aucune raison pour que le pays ne soit pas aussi leader dans le domaine de la finance participative. Tout de même, dans un premier temps, le besoin d’apprentissage et celui de la formation des RH sont réels.
En tant qu’actionnaire stratégique de l’une des grandes banques participatives du pays, en l’occurrence Bank Al Yousr, je souhaite aborder le sujet du leadership du pays en la matière avec nos partenaires après la première phase d’établissement.
F.N.H. : Selon vous, à quel niveau faudrait-il placer le curseur en matière de réglementation de la fintech, sachant que l’excès de réglementation peut freiner l’innovation et le développement de la fintech fragilisée par des risques de taille (cyber-attaques, contagion virale, etc.) ?
M. L. H. : Le régulateur doit toujours être alerte face aux risques, tout en ne s’érigeant pas en «parent trop protecteur». Celui-ci doit favoriser et laisser la créativité et l’innovation se développer par la mise en place d’une réglementation adéquate.
De ce point de vue, le régulateur a le rôle d’offrir, à l’image de l’Etat, un bon cadre de gouvernance et d’infrastructures. Une composante propice à la créativité et à l’innovation du secteur privé.
F.N.H. : Le taux de pénétration du mobile au Maroc est au dessus de 120%. Estimez-vous que le mobile constitue un réel relais de croissance pour la finance participative ?
M. L. H. : A l’origine, la finance participative émane du désir du citoyen. Ce type de finance provient de la base. Elle n’a pas été imposée par des organisations. L’aspect inclusif est essentiel pour le succès et l’expansion de cette finance. Faciliter la vie du client en lui proposant des services sur son mobile fait partie de l’inclusion.
L’accès aux services financiers n’est plus réservé uniquement aux personnes aisées grâce à la démocratisation du mobile. Aujourd’hui, tout le monde peut effectuer des transactions utiles qui étaient réservées il y a quelque temps à une clientèle privilégiée. ◆