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Industrie du béton/PLF 2016 : Un manque à gagner de plus de 5 milliards de DH

Industrie du béton/PLF 2016 : Un manque à gagner de plus de 5 milliards de DH

Concrete industry

Conjuguée à la taxation spéciale sur le ciment, l’exonération de la TVA sur l’autoconstruction suscite la grogne des industriels du béton. Les membres de l’AMIB mettent en garde le gouvernement contre le risque de prolifération de l’informel. Cette mesure, selon leurs estimations, serait en mesure de priver l’Etat de plus de 5 milliards de dirhams de recettes fiscales.

La question du timing se pose en toute légitimité. Pourquoi les industriels du béton ont-ils tardé à manifester leur opposition à l’exonération de la TVA sur l’autoconstruction, une des mesures-phares du projet de Loi de Finances 2016 ? Sachant que ce projet a été déjà adopté par la première chambre du Parlement. Tout en espérant être écoutés par les Conseillers de la deuxième chambre (composée également des représentants de la CGEM), les membres de l’Association marocaine de l’industrie du béton (AMIB) souhaitent inscrire leur contestation dans une démarche constructive et durable. Ils veulent attirer l’attention des autorités gouvernementales de la menace que représente une telle mesure pour un secteur vital de l’économie nationale. Un secteur animé par 250 entreprises, qui fabriquent 7 millions de tonnes de produits en béton, générant un chiffre d’affaires de 5 milliards de dirhams, créant 11.000 emplois et contribuant au PIB à hauteur de 2 milliards de DH (chiffres communiqués par l’AMIB). Les professionnels jouent la carte de la «préférence nationale» et s’oppose à toute mesure censée favoriser l’informel et l’expansion des produits importés. «En produisant localement, nous contribuons à la réduction du déficit de la balance commerciale», souligne Azzeddine Abaâkil, président de l’AMIB, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse, organisée jeudi 19 novembre à Casablanca. Pour défendre leur cause, les professionnels du béton se réfèrent aux résultats d’une étude menée par le ministère de l’Industrie, du Commerce, de l’Investissement et de l’Economie numérique. Celle-ci a pointé du doigt le retard qu’accuse le secteur de l’industrie du béton au Maroc, comparativement aux pays de même niveau de développement. Ce retard, soutient l’AMIB, est dû à la politique publique, et en particulier, à deux principales mesures jugées néfastes pour la profession. D’une part, l’exonération de la TVA appliquée à l’autoconstruction, qui aux yeux de l’AMIB, facilite l’évasion fiscale, fait régner l’informel et encourage la non transparence dans le secteur du bâtiment en général et les matériaux de construction en particulier. D’autre part, la taxe spéciale sur le ciment, selon l’AMIB, serait contraire au principe de la neutralité fiscale, handicape l’industrie du béton en faveur d’autres industries et favorise l’importation des produits étrangers au détriment de la production locale.

L’exonération de la TVA sur l’autoconstruction devrait toucher près de 60.000 logements par an. Cette mesure, prévient le président de l’AMIB, Azzeddine Abaâkil, aura pour conséquence de créer un important marché informel de l’industrie du béton, ce qui privera le Budget de l’Etat de près de 5 milliards de dirhams de recettes fiscales (soit plus de deux fois le montant alloué au logement social). La même mesure, ajoute-t-on, favorise certains industriels qui vendent au noir au détriment des industriels qui paient leurs taxes et impôts. Par conséquent, l’AMIB met en garde le gouvernement contre la dégradation de la qualité des produits en béton et le risque de freiner l’investissement dans le secteur. 

Par ailleurs, les industriels s’insurgent contre la taxe spéciale sur le ciment. Selon eux, en taxant les intrants des produits locaux (charpente et tuyaux en béton), l’Etat favorise les produits importés (PVC et profils d’acier), ce qui aggraverait le déficit de la balance commerciale. Sans omettre les effets d’ordre environnemental, dans la mesure où les produits de l’industrie du béton sont constitués de matériaux naturels et sont donc biodégradables, contrairement aux produits de substitution (PVC, profil d’acier, etc.). Pis encore argue-t-on du côté de l’AMIB, en favorisant la fabrication des briques rouges consommatrices d’énergie, au détriment de l’industrie de l’agglo qui demeure taxé, se pose le risque d’aggravation du déficit énergétique. 

Pour remédier à ces «lacunes», l’AMIB soumet au gouvernement deux principales propositions. D’une part, l’idée d’un mécanisme de récupération de la taxe spéciale sur le ciment par les industriels. D’autant plus que cette mesure, appuie l’AMIB, ne privera le Fonds de solidarité habitat que de 100 millions de dirhams. D’autre part, la mise en place d’un mécanisme de contrôle de l’exonération de la TVA sur l’auto-construction. Celle-ci serait tributaire de la présentation par les bénéficiaires de factures justifiant le paiement par leurs fournisseurs de la TVA sur les produits utilisés pour la construction. 

A en croire les estimations de l’AMIB, l’application de ces deux mesures proposées par ses membres devrait se traduire par une contribution fiscale supplémentaire de l’ordre de 2 milliards de dirhams, une augmentation de 0,6% du PIB industriel, un allégement de la balance commerciale de 3 milliards de dirhams, la création de 10.000 emplois directs et une amélioration sensible de la capacité concurrentielle des entreprises BTP exportatrices. 

 

Wadie El Mouden

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