Abderrahim Bouazza, Directeur général de Bank Al-Maghrib : "avant de passer à une autre étape, il faudra mettre à jour toutes les études effectuées et voir si les conditions sont réunies…».
- Depuis sa mise en place le 15 janvier, la réforme n’a rien eu «d’explosif»
- La stratégie de libéralisation engagée est progressive, mais irréversible
La réforme du régime des changes anime toujours les débats. Ou du moins, suscite encore des inquiétudes chez certains opérateurs économiques. Il faut dire que beaucoup d’informations erronées, voire grotesques, circulent depuis son entrée en vigueur, le 15 janvier courant.
C’est pour essayer d’éclairer l’opinion publique et rassurer les opérateurs que, justement, les principaux acteurs de la réforme multiplient les sorties médiatiques.
La rencontre qui a eu lieu récemment au siège de l’Association marocaine des exportateurs, et à laquelle étaient conviés, entre autres Abderrahim Bouazza, Directeur général de Bank Al-Maghrib, et Hassan Boulaknadal, Directeur général de l’Office des changes, loge dans cette enseigne.
Rappelons que dans le cadre de la flexibilité, la parité du Dirham est déterminée à l’intérieur d’une bande de fluctuation de ±2,5%, contre ±0,3% actuellement. Elle est fixée par rapport à un cours central fixé par Bank Al-Maghrib sur la base d’un panier de devises composé de l’Euro et du Dollar américain à hauteur respectivement de 60% et 40%.
En outre, Bank Al-Maghrib continuera d’intervenir sur le marché des changes en vue d’assurer sa liquidité. «Ce passage à un régime de change flexible est une décision souveraine et qui intervient dans le bon timing», précise Younes Issami, directeur adjoint des opérations monétaires et des changes de BAM.
Le Maroc qui a signé 56 accords de libre-échange (ALE), est actuellement vulnérable aux chocs exogènes, dans un contexte international marqué notamment par la régularité et l’ampleur des crises. D’où l’importance de l’immuniser. «Le régime de change fixe n’est plus adapté à la situation actuelle», souligne Issami.
Pour autant, c’est davantage l’impact de cette migration vers la flexibilité qui suscite des appréhensions. «L’effet positif attendu sur la croissance est de 0,2 point en 2018, tandis que l’impact maximal sur l’inflation est estimé à 0,4 point», rappelle Issami. Non sans préciser que «si l’on considère les carburants en particulier, une dépréciation de 2,5% du Dirham contre le Dollar, toutes choses étant égales par ailleurs, va entraîner une augmentation du prix du gasoil de 1,6%».
En tout cas, 15 jours après sa mise en place, cette réforme n’a eu rien d’«explosif» comme d’aucuns le craignaient. Le Dirham a eu un comportement tout à fait normal, ainsi que le montre l’évolution du marché des changes. «Le cours de référence s’est établi en moyenne à +0,23% par rapport au cours central issu du panier de cotation du Dirham, se situant ainsi à l’intérieur de l’ancienne bande de +/- 0,3%», informe Issami, soulignant que «c’est la parité Euro/Dollar qui drive la valeur du Dirham».
Et si ce passage au régime de change flexible s’est déroulé en douceur, c’est parce que «l’information était déjà intégrée par les opérateurs». Ce qui n’était visiblement pas le cas à fin juin dernier : l’annonce de la date d’entrée en vigueur de la flexibilité, faite par Bank Al-Maghrib justement pour rassurer les opérateurs, a eu l’effet inverse et provoqué la panique chez certains d'entre eux. Les spéculations sur le Dirham qui en ont découlé, ont ainsi contraint le gouvernement à suspendre la réforme.
Dès lors, avec cette réforme, le Maroc a engagé un processus qui évoluera de manière graduelle et étalée dans le temps, tout en s’assurant que les prérequis soient observés en permanence (solidité des fondamentaux macroéconomiques, résilience du système bancaire, maîtrise de l’inflation, niveau des réserves de change adéquat…).
Mais, tempère Bouazza, «avant de passer à une autre étape, il faudra mettre à jour toutes les études effectuées et voir si les conditions sont réunies, le tout dans le cadre d’une démarche concertée».
En sachant que «l’objectif à long terme est d’avoir un régime de change flottant», indique-t-il. Plus clairement, «la stratégie de libéralisation engagée est progressive, mais irréversible», martèle pour sa part Boulaknadal. ■
L’Office des changes en orbite
Pour verrouiller cette réforme, des mesures d’accompagnement ont été mises en place par l’Office des changes. Il s’agit principalement d’une nouvelle circulaire relative aux opérations de couverture. Elle a pour objet de fixer les conditions et les modalités de réalisation des opérations de couverture contre les risques de change, du taux d'intérêt, de fluctuation des prix des produits de base et des risques inhérents à tout actif ou toute dette.
Elle apporte plusieurs nouveautés, dont notamment les options de change sur toutes les devises cotées par BAM, l’extension des instruments de couverture optionnelle, la possibilité pour les entreprises marocaines de couvrir le risque lié aux fluctuations des matières premières pour les produits importés et stockés ou encore l’autorisation accordée aux opérateurs économiques régulés (établissements de crédit, OPCVM, compagnies d’assurances…) à se couvrir contre tout risque inhérent à tout actif ou toute dette. En définitive, les changements majeurs apportés par cette circulaire sont l’extension des instruments de couverture, laquelle va permettre aux entreprises marocaines de couvrir leurs expositions aux différents risques de marché. A noter que «l’utilisation des produits de couverture a plus que doublé entre 2016 et 2017», rappelle Boulaknadal. ■
D. William