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Fiscalité : Akesbi se dit «agréablement surpris» par les recommandations des Assises

Fiscalité : Akesbi se dit «agréablement surpris» par les recommandations des Assises

 

Réputé pour sa liberté de ton, l’économiste Najib Akesbi prend du recul pour analyser la réforme du système fiscal à l’aune  des principales recommandations issues des Assises de la fiscalité. Malgré quelques réticences, il estime que les recommandations vont globalement dans le bon sens.

 

Propos recueillis par M. Diao

 

Finances News Hebdo : Qu’est-ce qui distingue ces troisièmes assises de la fiscalité des précédentes ?

Najib Akesbi : Il faut tenir compte du fait que ces assises se déroulent après celles de 2013. D’où l’intérêt de tirer un bilan et d’analyser de façon objective l’état du système fiscal actuel.

Cinq ans après la tenue des deuxièmes assises de la fiscalité, avec à la clef près de 60 recommandations, le constat est que celles issues du milieu des affaires, du patronat et celles de ceux qui ont profité du système, ont été retenues. Alors que les suggestions allant dans le sens de plus d’équité et de justice fiscale et d’efficacité n’ont pas été mises en œuvre. Donc, les mêmes causes produisent les mêmes effets.

Aujourd’hui, nous sommes en face d’un système fiscal encore plus inefficace et plus inégalitaire. Ceci dit, le fait de placer ces troisièmes assises sous le thème de la justice fiscale est une bonne chose. Sauf que de façon objective et de manière factuelle, le contenu du programme et les intitulés des cinq panels ainsi que les intervenants suscitent le désenchantement.

Seuls deux panels sont consacrés à la justice fiscale. Le mot équité est inséré dans l’intitulé du 4ème panel, avec une ambiguïté déroutante puisqu’il est question d’équité et d’harmonisation entre la fiscalité locale et nationale. Tout cela c’est pour montrer le décalage existant entre le titre des assises et le contenu du programme. En gros, les intervenants étaient plutôt des hauts fonctionnaires, ministres, etc.

Or, cet événement censé déboucher sur la mise en place d’une loi–cadre qui doit être adoptée par le Parlement, n’a pas impliqué les partis politiques comme il se doit. Il aurait été plus judicieux d’inviter les partis politiques dans le cadre d’un panel pour discuter des orientations fiscales du pays. La société civile a aussi été marginalisée. Sachant que Oxfam et Transparency Maroc ont produit des rapports sur le système fiscal à la veille des assises.

 

F.N.H. : Quel regard portez-vous sur la pertinence des principales recommandations ?

N. A. : Je dois vous avouer que je suis agréablement surpris par la série de recommandations issues des assises, dont les résultats contrastent avec le déroulé.

Globalement, les recommandations résultant des assises vont dans le bon sens (respect des droits fondamentaux des contribuables, transparence, équité, etc.). Je salue le fait de tenir compte de la nécessité de globaliser l’imposition sur les revenus sous une forme progressive. La recommandation qui vise l’harmonisation et l’uniformisation des plus-values immobilières ainsi que leur alignement sur la taxation des autres revenus est une bonne proposition. L’augmentation du taux de la TVA sur les produits de luxe constitue également une bonne suggestion.

 

F.N.H. : Pour ce qui est des recommandations, avez-vous quelques regrets ?

N. A. : Même si la question de l’imposition sur le patrimoine est abordée de manière biaisée, il faut admettre qu’il s’agit d’un petit premier pas salutaire.

Pour ce qui est de l’IS, le vrai débat se situe au niveau de l’assiette et non des taux. Les 2/3 des sociétés déclarant des résultats zéro ou déficitaires profitent des failles des textes, qui régissent cet impôt direct pour se livrer à ce que je considère comme une évasion fiscale. Les entreprises déduisent des charges de façon abusive, tout en minimisant les produits.

En clair, ce sont les ambiguïtés volontaires des textes qui permettent ce type d’évasion fiscale. En conséquence, au niveau des recommandations, il fallait, à mon sens, mettre l’accent sur le verrouillage des textes qui doivent être plus rigoureux et restrictifs en matière de déduction des charges et de minimisation des produits.

 

F.N.H. : Selon vous, au terme de ces Assises, à quel niveau se situe le véritable enjeu ?

N. A. : Par honnêteté intellectuelle, je suis dans l’obligation de prendre acte de certaines orientations positives. Ceci étant précisé, le véritable enjeu est la faisabilité et la mise en œuvre concrète des recommandations dans le cadre d’un système politique et d’un rapport de force qui restent inchangés.

Je ne sais pas par quelle baguette magique les décideurs à tous les niveaux, qui n’ont pas réalisé les réformes issues des deuxièmes assises, vont se transformer du jour au lendemain en véritables réformateurs du système fiscal. Les lobbies ne vont-ils pas à nouveau se dresser pour empêcher l’implémentation des recommandations ?

L’autre interrogation qu’il y a lieu de poser est de savoir si les gouvernants ont la volonté et la capacité politique de réformer le système fiscal à l’aune des principales propositions qui vont à l’encontre des intérêts de la classe dominante. ◆

 

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