L’Afrique s’ouvre aux mécanismes de financement innovants pour libérer le potentiel du secteur privé et accélérer son développement économique.
Par Désy M.
Face aux défis structurels et aux opportunités de développement qu’offre le continent africain, les modèles traditionnels de financement montrent leurs limites. Ils peinent à répondre à l’immense besoin de capital pour soutenir une croissance inclusive et durable. Dans ce contexte, des approches novatrices, axées sur la mobilisation de ressources diversifiées et sur des partenariats stratégiques, émergent pour combler le fossé financier et faciliter l’accès des entreprises privées aux financements. Parmi ces initiatives, les financements mixtes, alliant capitaux commerciaux et fonds de développement, ou les partenariats public-privé redessinent les contours de l’investissement.
En partageant les risques, ils attirent des investisseurs privés tout en soutenant des projets à fort impact. Dans le même élan, les obligations de la diaspora canalisent les fonds des communautés expatriées, offrant une passerelle entre attachement culturel et développement économique. De leur côté, les obligations à impact social ou «vert» transforment les règles du jeu financier, liant le remboursement des investisseurs à des résultats concrets en matière de développement. Cette quête d'innovation financière s’intensifie avec des mécanismes audacieux explorés par des institutions multilatérales, comme la réaffectation des droits de tirage spéciaux (DTS) ou la titrisation des actifs. Même les cryptomonnaies, souvent perçues comme disruptives, trouvent leur place dans cette mosaïque d’opportunités, illustrant la volonté de repousser les frontières des solutions traditionnelles.
À Rabat, lors d’un panel de l’Africa Investment Forum (AIF), Lamia Merzouki, Directrice générale adjointe de Casablanca Finance City Authority (CFCA), a résumé l’enjeu en une phrase : «le financement de demain ne peut être que durable.» Pour elle, l’innovation n’est plus un simple outil, mais une nécessité. Elle voit l’Afrique comme une future centrale énergétique mondiale, à condition de mettre en œuvre des stratégies adaptées. Cette vision s'inscrit dans une dynamique de transformation où les projets doivent intégrer les objectifs de développement durable pour répondre efficacement aux défis économiques et sociaux du continent. Le rôle catalyseur des institutions multilatérales Ce renouveau financier trouve un soutien stratégique auprès d’institutions comme la Banque africaine de développement (BAD).
Durant l’AIF, cette dernière a signé une lettre d'intention visant à explorer la mise en place d'une opération de «titrisation synthétique multioriginateurs», développée avec la Banque de développement de l’Afrique australe (DBSA) ainsi que d’autres investisseurs institutionnels. Ce mécanisme permet la mobilisation des capitaux privés et la réduction des risques pour remédier à la lenteur de la réalisation des objectifs de développement durable. La plateforme vise à proposer un portefeuille de référence combiné d'environ 1,5 à 2 milliards de dollars d'actifs diversifiés selon les secteurs, les zones géographiques et les profils de risque, comprenant des expositions aux prêts et aux garanties qui correspondent aux priorités stratégiques communes de la BAD et de la DBSA, notamment en matière de financement climatique, d'infrastructures et d'intermédiation financière.
Le Dr Akinwumi Adesina, président de la Banque africaine de développement, a déclaré, à ce titre, que «le véhicule de titrisation multi-émetteurs que nous sommes en train de façonner, tout comme la réaffectation des DTS par le biais de capitaux hybrides et d’autres innovations que nous continuons d’explorer, illustre comment la collaboration entre les banques multilatérales de développement et les investisseurs du secteur privé peut débloquer des flux de capitaux transformateurs pour combler les déficits de financement de l’Afrique».