Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Le rapport sur le NMD (Nouveau modèle de développement) présenté dernièrement a consacré un chapitre sur le financement. Quelle en est votre lecture ?
Youssef Oubouali : Le rapport s’est beaucoup étalé sur le diagnostic des différentes problématiques, parfois avec des constats déjà connus et révélés auparavant. Alors que pour le financement, véritable nerf de la guerre pour mener à bien la vision, il n’a consacré que quelques pages. Il a également donné une grande priorité au financement public, sans pour autant s’intéresser avec beaucoup d’attention au financement privé. Il a toutefois fait référence à la mobilisation des ressources d’emprunt auprès des marchés des capitaux, des partenaires et des bailleurs de fonds internationaux, à la condition que le chemin du développement proposé soit crédible et que les ressources mobilisées soient destinées spécifiquement à des projets ayant pour objectifs de booster la croissance et réduire les inégalités sociales. Le financement du NMD est un axe stratégique pour réussir les différentes projections, surtout que les ambitions sont très importantes. Pour relever les différents défis, le schéma classique de financement est dépassé. Il faut dès lors investir de nouvelles pistes plus innovantes.
F.N.H. : Les besoins de financement identifiés dans le rapport serontils à la hauteur des différents défis à relever ?
Y. O. : L’amorçage du NMD est tributaire de ressources additionnelles importantes. Le rapport sur le NMD a établi que les évaluations préliminaires font état de besoins de l’ordre de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et de 10% du PIB en rythme de croisière à l’horizon 2030. Les objectifs ciblés sont surtout ceux ayant une connotation sociale comme l’enseignement, la santé, la protection sociale ou la jeunesse, qui ont besoin de fonds conséquents. Il s’agit non seulement de rattraper le retard accusé pendant de longues années, mais également d’accélérer les réalisations et de combler les différents manques à gagner. D’autres projets budgétivores comme ceux relatifs à la mobilisation des ressources hydriques, de l’énergie, du transport et de la transformation digitale sont également faut-il leur créer un modèle de financement approprié. A ce niveau, le rapport évoque des généralités, sans proposer des formules bien précises.
F.N.H. : Le rapport met l’accent sur l’efficience des ressources budgétaires allouées et la bonne gouvernance. Est-il possible de réussir ce défi ?
Y. O. : C’est un constat qui a été relevé dans d’autres rapports et conclusions auparavant, sans pour autant que la situation ne change. L’exemple typique est celui des secteurs sociaux où le Maroc a, depuis l’indépendance, mobilisé d’importantes ressources, mais les déficits existent toujours. Alors que d’autres pays ont dépensé moins et ont pu réaliser des résultats tangibles. C’est bien de mobiliser des ressources budgétaires, encore faut-il bien les dépenser. Tous les bailleurs de fonds publics, privés et les partenaires du Royaume sont toujours disposés à accompagner les projets à caractère socioéconomique, mais ils formulent des réserves au niveau de l’exécution des programmes. Les défaillances du système, qu’elles soient administratives, législatives, fiscales ou réglementaires créent des dégâts collatéraux et des perturbations majeures, aboutissant au final à des résultats peu reluisants.
F.N.H. : Quid du volet fiscal ? Le système existant actuellement est-il adéquat pour accompagner le NMD ?
Y. O. : En dépit de plusieurs réformes entamées depuis 2000, le système fiscal marocain présente toujours des lacunes et des limites qui ont été largement débattues lors des dernières assises de la fiscalité, organisées en mai 2019 à Skhirat. Le même événement s’est achevé en fixant plusieurs recommandations pour remédier à ces dysfonctionnements ou améliorer le système. Outre les dispositions techniques ayant trait à l’aménagement des taux, l’assiette, il est utile de renforcer l’équité fiscale, les droits des contribuables, parachever le processus de dématérialisation et la professionnalisation des métiers et, surtout, lutter contre l’informel.