La discipline budgétaire que le Trésor mène se reflète sur le solde ordinaire qui affiche un excédent pour la 4ème année consécutive. Pour les experts, l’objectif de stabiliser la dette publique sous les 70% est largement réalisable.
Par Y. Seddik
Au cours des dernières années, le Maroc a été confronté à un dilemme complexe : comment concilier les impératifs sociaux avec la nécessité de maintenir un équilibre budgétaire ? Une question d'autant plus préoccupante dans un contexte de permacrise, c'est-à-dire une phase de crise devenue permanente.
D’ailleurs, les chiffres révèlent l'ampleur des mesures prises par le gouvernement marocain pour faire face à ces défis. En 2022, le coût des mesures visant à lutter contre l'inflation s'est élevé à 40 milliards de dirhams, dont 22 Mds de DH ont été alloués à la subvention du gaz. Pour 2023, 10 Mds de DH supplémentaires ont été prévus.
Les programmes de protection sociale nécessiteront, quant à eux, 35 Mds de DH en 2024, avant d'atteindre 40 Mds de DH en 2026. En outre, une aide annuelle de 1,8 Md de DH a été prévue pour les sinistrés du séisme, dans le cadre d'un plan global de réhabilitation de 120 Mds de DH sur 5 ans.
Enfin, d'importants fonds ont également été alloués à d'autres domaines tels que la lutte contre la sécheresse, avec 5 milliards de dirhams en 2023, suivis de 1,5 milliard de dirhams en 2024, ainsi que 4,2 milliards de dirhams pour le dialogue social. Cependant, l’argentier du Royaume ne perd pas de vue l'importance de la réduction du déficit budgétaire.
Les projections pour 2024 devraient confirmer l'amélioration des équilibres budgétaires et la voie vers l'atteinte des objectifs fixés, à savoir un déficit de 3% et une dette de 70% du PIB d'ici 2026, explique Attijari Global Research dans un papier de recherche. Pour y parvenir, le gouvernement compte sur les revenus des taxes de solidarité ainsi que sur les amnisties fiscales, qui devraient rapporter un montant cumulé de 11 Mds de DH.
Une réallocation des aides sociales pour un total de 15 Mds de DH a également été effectuée dans le but d'optimiser les dépenses. La réforme de la Caisse de compensation devrait générer une marge de manœuvre considérable, s'élevant à 23 Mds de DH sur la période 2024-2026. Ainsi, cette discipline budgétaire que le Trésor mène se reflète sur le solde ordinaire.
Pour Abdelaziz Lahlou, Chief Economist de Attijari Global Research, «cet agrégat, qui représente un témoin infaillible de l’équilibre des finances publiques et qui démontre la capacité du Trésor à autofinancer son investissement, afficherait pour la 4ème année consécutive un excédent de 32 Mds de DH en 2024. Les dépenses engagées lors des phénomènes de la sécheresse, de la lutte contre l’inflation, du séisme, n’ont pas été réalisées aux dépens de l’équilibre des finances publiques».
Dit autrement, le Trésor réussit le pari de la mobilisation des ressources nécessaires même face à la prolifération de ses besoins, structurels ou occasionnels. Cette stratégie permet ainsi d’éroder le solde annuel du déficit budgétaire autour de 60 Mds de DH, permettant ainsi une dilution progressive du déficit budgétaire à 4,0% en 2024, bien en deçà du niveau de 5,5% en 2022. En effet, le seuil de 3,0% du PIB demeure un objectif de premier ordre selon les projections du plan triennal 2024-2026 publié ce mois de novembre 2023.
Dette publique : des signes encourageants
Après avoir atteint un pic pendant la période de la pandémie, avec une dette atteignant 72,2% en 2020, le Trésor marocain s'engage fermement à inverser la trajectoire de la dette publique. Le seuil cible est un plafond de 70% à horizon 2026. «Cet objectif semble largement à la portée. Nos estimations ressortent avec un niveau de 70,3% à fin 2024. D’un côté, le contrôle du déficit budgétaire freinerait les levées de dettes. De l’autre, l’accélération de la croissance économique aurait l’effet dilutif escompté», explique l’économiste en chef de AGR.
D’ici cette échéance, le Trésor présente des indicateurs encourageants : la dette du Trésor demeure principalement une dette à taux fixe avec une part de plus de 89% à fin juin 2023; la part court-terme recule à 14% à fin juin-2023 contre 17% à fin 2022, limitant le risque de refinancement; la duration moyenne est rallongée à 6 ans et 10 mois, contre 6 ans et 8 mois en fin d’année 2022; la part de la dette intérieure est toujours prépondérante avec une quotepart de 76% contre 78% en 2019.