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[Entretien] Sociétés cotées : «Un retour salutaire aux fondamentaux»

[Entretien] Sociétés cotées : «Un retour salutaire aux fondamentaux»

 

Après une baisse de 8,3% en 2018, la Bourse semble revenir à des niveaux de valorisation plus acceptables.

Dans cet entretien, Kawtar Karbal, responsable cellule Analyse & Recherche au Crédit du Maroc, nous livre sa lecture du marché actions marocain.

 

 

Finances News Hebdo : La Bourse a perdu près de 8% de sa capitalisation en 2018. Que pensez-vous des niveaux de valorisation actuels ?

Kawtar Karbal : Après avoir terminé l’exercice 2017 sur une note positive (+6,4%), la Bourse des valeurs de Casablanca ne parvient pas à maintenir le cap et clôture l’année 2018 sur une contre-performance de 8,3%.

Dans ce contexte, la capitalisation globale du marché s’élève à 582,2 milliards de dirhams, en baisse de 44,8 milliards de dirhams par rapport à 2017, soit une contraction de 7,1%.

Au cours de l’année 2018, on a assisté à un mouvement de prise de bénéfices marqué, essentiellement, par la régression des cours des grosses capitalisations, notamment Attijariwafa bank (-6,40%), BCP (-4,76%), Addoha (-48,48%), LafargeHolcim (-9,65%), Total (-49,17%) et Taqa Morocco (-3,26%). Toutefois, cette atonie a été atténuée par la bonne tenue de certaines Blue-chips, à l’image de Maroc Telecom (+5,60%) et Marsa Maroc (2,50%).

J’estime que ce mouvement de prise de profits reflète, notamment, un retour salutaire aux fondamentaux qui devrait aider les investisseurs à mieux se positionner durant l’année 2019. Ce pronostic se trouve confronté par la réactivation du processus des privatisations attendues sur le marché en 2019.

 

F.N.H. : Quels sont les indicateurs économiques et financiers qu'il faudra surveiller et qui auront un impact sur les actions cette année ? 

K. K. : Pour les banques, il s'agit de l’entrée en vigueur de la nouvelle version de la circulaire 19G relative à la classification des créances. Cette nouvelle circulaire demande une analyse plus fine du risque et une meilleure sélection des dossiers de la banque.

Avec l’application de la norme IFRS9, les banques sont toujours amenées à faire un effort supplémentaire de provisionnement.

Les banques à capital majoritairement marocain seraient le plus touchées, car les autres, à savoir les banques à capital majoritairement étranger, sont déjà soumises aux normes européennes.

Quant aux assurances, l’assurance vie et capitalisation devrait continuer à se développer en dépit de la tendance baissière des taux d’intérêt, et ce eu égard au développement de la bancassurance et l’absence d’alternatives d’investissement.

L’évolution du chiffre d’affaires des assurances responsabilité civile automobile et accidents du travail continuerait d’être régulière, vu leur caractère obligatoire et compte tenu de l’accroissement du parc automobile et du développement du tissu économique du pays.

La marge de solvabilité constituée par les entreprises d’assurances représente 451% du seuil réglementaire exigé. Pour le secteur de la réassurance, cette marge se situe à 250% dudit seuil. Toutefois, le secteur doit faire face à l’introduction du principe de la Solvabilité basée sur les risques (SBR). Ce concept vise à positionner la gestion des risques au cœur des préoccupations des entreprises d’assurances et de réassurance, à améliorer leur système de gouvernance et à renforcer leur transparence.

Pour les autres secteurs (industrie, BTP, promotion immobilière), l’indicateur qu’il faut surveiller, en premier lieu, est la variation du besoin en fonds de roulement (BFR). En effet, les sociétés évoluent dans un contexte macroéconomique peu clément, ce qui les exposent, en permanence, au risque de défaillance de clients importants ou bien à un niveau de stock élevé difficile à écouler, à l’image des promoteurs immobiliers.

Sur les secteurs minier et agroalimentaire, nous estimons qu’ils restent tributaires de l’évolution erratique des matières premières en raison des évolutions de l’offre et la demande dans le monde.

Pour le secteur minier, il est opportun de suivre de près le niveau des cash-costs, la teneur des gisements ainsi que leur durée de vie à travers le taux de conversion des ressources en réserves.

Pour le secteur agroalimentaire, l’indicateur financier le plus pertinent est la marge opérationnelle générée après l’investissement.

Sur le plan économique, c’est l’évolution des parts de marché par produit et par segment de la clientèle.

Enfin, au niveau de Maroc Telecom, il est judicieux de surveiller l’évolution du revenu moyen par abonné (ARPU), la croissance du parc, les parts de marché des concurrents, l’endettement et les investissements.

 

F.N.H. : Concernant les résultats des entreprises, comment se présente, selon vos estimations, le cru 2018 ?

K. K. : Les résultats annuels 2018 des sociétés cotées devraient être portés par le secteur bancaire qui, malgré le durcissement des règles prudentielles, dénote d’une certaine résilience, les télécoms, représentés exclusivement par Maroc Telecom qui a pu remodeler son businessmodel pour s’adapter aux différents changements technologiques, et l’énergie qui profite toujours de la libéralisation des prix des hydrocarbures.

Toutefois, la masse bénéficiaire risque d’être impactée par la régression des résultats de certains secteurs cotés, à l’image de l’immobilier qui pâtit de l’alourdissement du BFR en raison des difficultés d’écoulement de stocks des unités construites, en plus de la persistance de plusieurs contraintes relatives essentiellement à l’accès au financement et au foncier.

Et le secteur minier qui pourrait subir un scénario de baisse des prix suite à un ralentissement de la demande en Chine, étant le premier consommateur mondial des métaux. En effet, le pays a la volonté de réduire sa dépendance économique des industries lourdes et réorienter son économie vers les services.

 

F.N.H. : Enfin, comment voyez-vous l'évolution de l'indice général sur un horizon de quelques mois ou sur l'année 2019 ?

K. K. : Pour les premiers mois de l’année 2019, j’estime que la tendance baissière du marché casablancais devrait se poursuivre, et ce en l’absence de catalyseurs à même de redynamiser le marché et le faire sortir de sa léthargie. Comme je l’ai cité au début, le mouvement de prise de profits de la BVC reflète, notamment, un retour salutaire aux fondamentaux qui devrait aider les investisseurs à mieux se positionner durant l’année 2019. Ces investisseurs restent inlassablement dans l’attente d’un papier frais et de qualité ! ◆

 

 

Propos recueillis par A. Hlimi

 

 

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