◆ Les crédits à la consommation devraient terminer l’année sur une baisse. Une première.
◆ Dans le contexte actuel, les ménages préfèrent se désendetter ou épargner plutôt que de consommer.
Par Y. Seddik
Les ménages font souvent appel au crédit personnel pour satisfaire un besoin ou une envie. Une urgence de consommer qui leur est interdite par manque de revenus. En 2019, l’endettement bancaire des ménages marocains a dépassé les 30% du PIB, soit 358 Mds de DH, dont 132 Mds de DH d’encours de crédits à la consommation.
En moyenne, chaque ménage traîne à son passif 43.458 DH de dettes. Or, depuis le début de la crise sanitaire, les banques et les sociétés de financement font face à une marée de demandes de reports d’échéances de crédits de la part de leurs clients. Parallèlement, le flux de production des nouveaux prêts à la consommation a sensiblement reculé.
Une première depuis la dernière crise financière 2008. La bonne tenue de la production des prêts bancaires cette année cache derrière elle quelques disparités. Les prêts à la consommation, véritable pouls de l’activité économique et de l’investissement des ménages en particulier, ont nettement diminué durant cette période de crise.
Pour le mois d’août, Bank Al-Maghrib fait état, dans la dernière livraison des statistiques monétaires, d’une accentuation de la baisse dans ce segment de crédits de 1,8% à 2,1%. Son encours global tourne autour de 54 milliards de DH.
Des ménages saignés à blanc
Faut-il chercher du côté de l’offre ou de la demande pour expliquer ce tassement ? Contacté à ce propos, un banquier de la place nous avance deux facteurs explicatifs. D’abord, l’environnement macroéconomique est actuellement dégradé. «Cette crise inédite a induit une forte montée du chômage, une baisse des revenus disponibles et une dégradation du pouvoir d’achat. Par ricochet, les ménages sont devenus très prudents quant à la gestion de leurs dépenses et peu enclins à contracter des crédits», estime-t-il.
Et de détailler : «on constate, via notre réseau, une baisse significative des demandes de prêts pour l’achat d’appareils électroménagers et de meubles et, dans une moindre mesure, pour l’acquisition de voitures. Plus encore, le financement des dépenses de loisirs (voyages, fêtes, etc…) et de consommation courante est au point mort à cause de la crise». Toutefois, l’analyse ne saurait se limiter à la seule crise. Un autre argument brandi par le banquier est celui du taux de sinistralité, qui reste élevé au Maroc. Sur le seul mois d’août, les créances en souffrance des ménages ont explosé de 15,3%.
Depuis janvier, le portefeuille sinistré sur ce segment a augmenté de 12,6%, avec un encours avoisinant les 33 milliards de DH. Ce taux de sinistralité tend à augmenter, surtout lorsque l’on sait que le niveau d’impayés est intimement lié à l’environnement économique. Et que ce dernier ne prête pas à l’optimisme.
Les taux restent élevés
Cela dit, même les taux appliqués par les banques n’encouragent pas les particuliers à recourir à l’endettement. Bien que la Banque centrale ait baissé à deux reprises ses taux directeurs de 75 pbs. Or, «cette baisse opérée par BAM ne sera pas immédiatement reflétée sur les taux débiteurs des banques. Une durée de transmission de quelques mois est nécessaire pour voir une baisse effective des taux», explique-t-on.
Par ailleurs, les analystes, eux, voient aussi une éventuelle hausse au niveau du coût de financement comme conséquence directe de l'augmentation des exigences sur les provisions. Dit autrement, les banques, au cas où elles souhaiteraient conserver un niveau de rentabilité inchangé, devront réclamer un surcoût de rémunération aux débiteurs et restreindre les financements. Un rationnement dont pâtiraient les personnes demandeuses de crédits.
À quoi s’attendre ?
Le crédit à la consommation peut-il encore repartir à la hausse ? Pour notre banquier, «tout dépendra de l’évolution de la confiance des ménages. Pour être clair, en ces temps de crise, ils préfèrent plutôt épargner ou se désendetter. Ils repoussent très souvent leurs projets d’acquisitions de biens. Ils ont quelque part l’impression que l’avenir est bouché». Pour les analystes de CFG Bank Research, les crédits à la consommation devraient afficher une baisse de 4% à 54 milliards de DH contre 57 milliards de DH.
«Les mesures de report auraient pour impact de stabiliser les encours des crédits à la consommation sur le 2ème trimestre 2020, avant une légère croissance ponctuelle de 1% lors du 3ème trimestre 2020, avec l’effet stimulateur de l’Aid Al-Adha et de la rentrée scolaire», considèrent-ils. Pour le dernier trimestre 2020, une baisse de la production des crédits à la consommation est anticipée en raison du ralentissement économique. À suivre !