Pour l’opposition, certains chiffres avancés par le texte ne sont pas explicites, avec de surcroît des mesures fiscales qui impactent le pouvoir d’achat des Marocains.
Par C. Jaidani
Le passage du projet de Loi de Finances 2022 à la Chambre des conseillers pour approbation a été l’occasion pour le gouvernement et les organes représentés d’apporter quelques amendements ou de mettre en exergue certains aspects.
L’une des annonces phares confirmées par Nadia Fettah Alaoui, ministre de l’Économie et des Finances, concerne les besoins de financement qui seront couverts par le recours aux emprunts à moyen et long termes (65,4 milliards de DH sur le marché intérieur et 40 milliards de DH par les bailleurs de fonds étrangers). Elle a rejeté catégoriquement le recours à la planche à billets pour financer le déficit public.
Une option qui entraîne automatiquement la hausse de l’inflation, la baisse des réserves de change et le manque de confiance dans l’économie et la monnaie nationale. Le PLF 2022 n’a pas échappé aux critiques des hommes politiques, dont notamment ceux de l’opposition. Mostafa Ibrahimi, député du PJD, a estimé que «les chiffres avancés par le PLF 2022 ne sont pas explicites et certains sont illogiques. Les sources de financement ne sont pas assez précises, surtout que le Royaume devrait s’endetter davantage pour combler le déficit et faire face à certaines dépenses publiques. Le texte n’a pas pris en considération la flambée record des produits à l’international, dont certains sont en grande partie importés, dont notamment les hydrocarbures, les produits de base (blé, sucre, oléagineux, thé,…), sans oublier les matériaux de construction».
Pour sa part, Abdeslam Seddiki, ancien ministre et membre du bureau politique du PPS, a souligné que «le PLF 2022 est plutôt un texte ordinaire qui n’apporte pas d’innovations majeures. Il n’a pas pris en considération les engagements pris dans la déclaration gouvernementale. On note la présence de plusieurs mesures fiscales, dont certaines impactent le pouvoir d’achat des Marocains. On s’attendait plutôt à la mise à exécution des dispositions de la loi cadre du système fiscal marocain, dont notamment l’élargissement de l’assiette, la lutte contre la fraude et la réduction de la pression fiscale sur les bas revenus».
Il a souligné que «le PLF 2022 a avancé le chiffre de 250 milliards de DH comme investissement, soit 20% du PIB. Mais dans le meilleur des cas, le taux de réalisation de ces investissements ne dépasse guère les 70%. Il faut à ce niveau améliorer l’efficacité de la gouvernance, dont le respect des délais et le rendement des projets». Outre les critiques de l’opposition, Nadia Fettah Alaoui a été interpellée par des conseillers de la majorité sur plusieurs points, dont notamment le contrôle et l’évasion fiscale. «Il faut de nouvelles mesures pour lutter contre l’informel et assurer plus d’équité fiscale. Il faut investir de nouveaux moyens plus innovants, comme la digitalisation pour renforcer le contrôle. Ce sont les mêmes qui payent l’impôt et ce modèle n’a plus raison d’exister», déplore Amine Baroudi, conseiller du RNI. Lors de la discussion du PLF 2022, il a été évoqué également la mobilisation du gouvernement pour la réussite du chantier de la protection sociale. Pour ce faire, 6 décrets d’application ont été approuvés.
Ces textes ont trait au régime de l'Assurance maladie obligatoire (AMO) portant création d'un régime de pensions au profit des catégories des professionnels, des travailleurs indépendants et des personnes non-salariées exerçant une activité libérale, ce qui permettra à environ 3 millions de commerçants, artisans, prestataires de services et leurs proches de bénéficier de l'AMO à partir du 1er décembre 2021. «Pour réussir la généralisation de la protection sociale, il est impératif de prendre en considération l’environnement socioéconomique des Marocains, surtout les populations les plus vulnérables. Il faut adopter une approche plus pragmatique et plus réaliste, sinon ce chantier sera voué à l’échec», souligne Loubna Alaoui, conseillère de l’Union marocaine du travail (UMT).