Les besoins en liquidité du système bancaire devraient atteindre un niveau record, inédit depuis la crise sanitaire, s'élevant à près de 138 milliards de dirhams.
Par Y. Seddik
En 2024, le système bancaire devrait faire face à un besoin record en liquidités estimé par Attijati Global Research à près de 138 milliards de dirhams. Cette situation, inédite depuis la crise du Covid-19, survient malgré les prévisions record concernant les avoirs en devises qui devraient se situer à plus de 360 milliards de DH.
Dans son rapport sur la politique monétaire, BAM relève, quant à elle, que le déficit de liquidité bancaire devrait continuer de se creuser pour s’établir à 92,6 Mds de DH à fin 2023; à 121,3 Mds de DH en 2024 et à 137,7 Mds de DH en 2025. Des niveaux pour le moins astronomiques expliqués par la persistance de la forte progression de la monnaie fiduciaire. En effet, le cœur du problème réside dans la hausse continue et spectaculaire du cash en circulation -385 milliards de DH à fin octobre-, un phénomène qui accentue la demande en liquidités du système bancaire.
Après une augmentation significative de 10% en 2023, la monnaie en circulation devrait connaître une croissance de 6,5% en moyenne en 2024 et 2025. La distribution des aides gouvernementales directes via le mobile banking serait l’une des solutions qui permettrait de comprimer la circulation du cash au Maroc, selon le wali de la Banque centrale. Par ailleurs, selon une étude réalisée par l’équipe de recherche de BAM, entre 60 et 80% du cash en circulation au Maroc ne servent pas à des transactions, mais alimentent le phénomène de la thésaurisation.
En effet, les résultats issus des différentes méthodes de cette étude s’accordent sur la tendance haussière du cash non transactionnel et sur des montants potentiellement thésaurisés très élevés. La part des billets de 100 DH et de 200 DH détenue pour des motifs non transactionnels aurait progressé fortement depuis le début du millénaire et fluctuerait, selon les hypothèses retenues, entre 60% et 80% de leur valeur en 2021.
«Ces résultats s’alignent avec les ordres de grandeur estimés des travaux empiriques menés dans d’autres pays», expliquent les chercheurs. Bien entendu, ces chiffres estimés doivent être interprétés avec précaution, étant donné les limites techniques intrinsèques de chacune des estimations utilisées et de leur «rationalité».
BAM en équilibriste
Face à ce besoin croissant des banques, BAM devrait continuer à jouer son rôle de régulateur de la liquidité du système bancaire en étant en mesure de combler ce déficit sur le marché monétaire et à maintenir les taux moyens pondérés en ligne avec le taux directeur. Et ce, à travers ses injections principales de liquidité via les avances à 7 jours et ses instruments à plus long terme.
Rappelons qu’au cours du troisième trimestre 2023, «le besoin en liquidité des banques s’est accentué à 88,8 Mds de DH en moyenne hebdomadaire, contre 73,5 Mds de DH un trimestre auparavant, traduisant une expansion de la monnaie fiduciaire», précise BAM dans son récent rapport sur la politique monétaire. Au final, avec des niveaux en besoins en liquidité élevés et un record de cash en circulation, les années 2024 et 2025 s'annoncent complexes tant pour le système bancaire marocain que pour la Banque centrale, qui doit manœuvrer habilement pour maintenir l'équilibre monétaire.