Bourse & Finances

Tous les articles

Capital investissement : de l’importance de la due diligence ESG

Capital investissement : de l’importance de la due diligence ESG

La due diligence ESG connait une importance croissante dans les opérations de capital investissement. Sheryn Ziani, Managing Partner CSR & Sustainability chez Baker Tilly, et Farid Benlafdil, directeur associé chez Wise Company, en expliquent les enjeux.

 

Propos recueillis par A. Hlimi

Finances News Hebdo : En quoi consiste une due diligence ESG concrètement ?

Sheryn Ziani : La due diligence ESG, comme toute autre forme de diligence, est un processus d’évaluation. Mais ici, au lieu de se concentrer uniquement sur les chiffres, on s'intéresse à la durabilité, la résilience et la performance à long terme de l’entreprise. On analyse ses impacts environnementaux, sociaux et de gouvernance. Ce type d’analyse est de plus en plus intégré dans les opérations de fusions-acquisitions, de partenariats stratégiques ou d’investissements, car les parties prenantes veulent aller au-delà des états financiers classiques.

 

F.N.H. : Quels types de critères sont examinés sur les volets environnementaux, sociaux et de gouvernance ?

Sh. Z. : Sur le plan environnemental, on évalue la gestion de l’énergie, des ressources naturelles, les émissions de CO2, l’utilisation des énergies renouvelables, la gestion des déchets, etc. Sur le plan social, au-delà de la conformité au droit du travail, on s’intéresse à l’équité salariale, à la non-discrimination dans les recrutements, à l’existence de syndicats et à la contribution de l’entreprise aux communautés locales. En matière de gouvernance, on examine la composition du Conseil d’administration, l’indépendance des membres, les politiques anticorruption, la transparence dans les reportings ESG, et bien sûr la conformité aux normes internationales.

 

F.N.H. : Quelle est aujourd’hui la place de cette démarche dans les pratiques des fonds de private equity ?

Farid Benlafdil : La demande de due diligence ESG émane surtout des institutions financières internationales (DFI), qui sont souvent les premiers bailleurs de fonds au Maroc. Cette exigence s’est accrue ces dernières années. Initialement perçue comme un exercice de conformité, la due diligence ESG est aujourd’hui une étape stratégique dans l’investissement. Elle permet d’anticiper des risques majeurs qui pourraient avoir un impact direct sur la valorisation d’une entreprise.

 

F.N.H. : Peut-on dire que cette diligence est un levier de création de valeur ?

Sh. Z. : Absolument. 55% des investisseurs se disent prêts à revaloriser leur ticket d’entrée si l’entreprise montre une maturité ESG avancée. Et 80% des résultats de la due diligence ESG sont ensuite utilisés pour définir les plans d’actions post-investissement. C’est aussi un moyen d’améliorer l’accès à des financements verts, de renforcer la réputation de l’entreprise et de se préparer à des réglementations de plus en plus exigeantes, notamment en Europe avec la future taxe carbone. Une entreprise qui fait déjà son reporting ESG est bien mieux armée pour répondre à ces obligations.

 

F.N.H. : Avez-vous des exemples concrets d'impact sur la valorisation ?

Farid Benlafdil : Oui, prenons l’exemple d’un laboratoire pharmaceutique dont le sol est pollué. Cette non-conformité environnementale engendre un coût de dépollution, donc une sortie de trésorerie. Cela impacte directement la valorisation de l’entreprise au moment de l’entrée au capital. On ne parle pas ici d’une simple vérification de conformité, mais d’éléments qui influencent concrètement les décisions d’investissement.

 

F.N.H. : Les chefs d’entreprise marocains sont-ils sensibilisés à ces enjeux ?

Sh. Z. : Les grandes entreprises, surtout celles liées à des groupes internationaux, sont bien avancées sur ces sujets. En revanche, du côté des PME et TPE, l’ESG est encore perçu comme un coût plutôt qu’un levier stratégique. Il y a un manque de ressources internes dédiées à la durabilité, et le recours à des cabinets externes peut être perçu comme onéreux. De plus, le Maroc ne dispose pas encore de référentiel ESG pleinement adapté à son contexte. La demande en due diligence ESG provient donc encore majoritairement des investisseurs internationaux.

F. B. : C’est là où le capital investissement peut jouer un rôle structurant. Dès l’entrée au capital, un plan d’action ESG est formalisé avec l’entrepreneur. Certains bailleurs de fonds vont même jusqu’à inclure des clauses de sortie si les engagements ne sont pas tenus. Et avec l’entrée en vigueur de la taxe carbone européenne en 2026, toutes les entreprises exportatrices devront se mettre à niveau.

 

F.N.H. : Dernière question, quel est le coût d’une due diligence ESG ?

Sh. Z. : Cela dépend de nombreux facteurs : le contexte de la mission, la taille de l’entreprise, le secteur, la maturité ESG, la disponibilité des données, etc. Pour une PME, une mission simple peut démarrer autour de 50.000 dirhams, et aller jusqu’à 150.000 dirhams avec des audits de terrain. Pour les grandes structures ou les industries complexes, cela peut aller jusqu’à 500.000 dirhams. Mais ce coût peut être cofinancé par des bailleurs ou des fonds. Il faut vraiment le considérer comme un investissement stratégique.

F. B. : Exactement. Prenez l’exemple de l’énergie solaire : en intégrant cette solution, l’entreprise réduit ses charges énergétiques. Il est aussi essentiel de ne pas s’arrêter à l’audit. Il faut ensuite appliquer et suivre le plan d’action avec l’accompagnement du cabinet initial. 

 

 

 

Articles qui pourraient vous intéresser

Dimanche 04 Mai 2025

Finances publiques : un premier trimestre solide malgré la pression des dépenses

Samedi 03 Mai 2025

Placements: quelle allocation d’actifs pour faire face à la guerre commerciale ?

Samedi 03 Mai 2025

Inclusion financière / Bancarisation : l'accès ne suffit plus, l'usage est le nouveau défi

Vendredi 02 Mai 2025

LGV Kénitra-Marrakech : Jackpot pour les sociétés cotées

L’Actu en continu

Hors-séries & Spéciaux