Ouissem Barbouchi, président de Obafrica Asset Management
Les Bourses africaines ont évolué en ordre dispersé en 2019. Si le continent offre globalement des valorisations attractives, la sélectivité reste de mise pour un investisseur qui souhaite capter son potentiel.
Le point avec Ouissem Barbouchi, président de Obafrica Asset Management, un fonds spécialiste des marchés boursiers africains.
Propos recueillis par A. Hlimi
Finances News Hebdo : Parlez-nous de Obafrica Asset Management.
Ouissem Barbouchi : Obafrica est un fonds spécialisé dans les investissements sur les Bourses africaines. La Financière de l’Echiquier, société de gestion qui gère aujourd'hui quelque 10 Mds d'euros, est l'un de nos actionnaires de référence. Nous sommes basés à Casablanca depuis 5 ans avec un statut Casablanca Finance City.
Le fonds s'appuie sur les compétences d'une équipe de 4 personnes. Une petite équipe mais qui est dynamique puisque nous rencontrons en moyenne entre 150 et 200 entreprises par an. Notre méthode de fonctionnement repose sur une rencontre systématique avec les dirigeants des entreprises, ce qui est un élément clé de notre décision d'investissement.
Ensuite, nous réalisons une analyse exhaustive des comptes (bilan, compte de résultats, tableau des flux...) qui nous permet de faire une valorisation de l'entreprise qui nous intéresse. Notre méthode se base aussi sur l'intégration désormais systématique des problématiques extra-financières (gouvernance, environnement, ressources humaines et parties prenantes...) qui font désormais partie intégrante des éléments clés dans nos choix d'investissement.
F.N.H. : L'Afrique représente votre univers de placement. Le continent a-t-il du potentiel ?
O. B. : L'Afrique est un vaste continent qu'il faut regarder de manière hétérogène. Il compte 54 pays avec des dynamiques très différentes. Certains pays affichent des taux de croissance supérieurs à 7% quand d'autres sont à 1,5%.
Quant aux marchés boursiers africains, je tiens à préciser qu'il existe 20 Bourses pour les 54 pays africains. Ces Bourses comptent quelque 1.800 sociétés.
Là aussi, les disparités sont importantes. De manière générale, les entreprises africaines affichent des taux de croissance importants qui peuvent dépasser 15% par an depuis plusieurs années, avec des niveaux de valorisation particulièrement intéressants.
F.N.H. : On en déduit que le continent a du potentiel mais ses marchés sont plus risqués. Pouvez-vous nous préciser les risques auxquels peuvent être confrontés les investisseurs ?
O. B. : Les risques sont multiples en Afrique et peuvent être aussi bien intangibles, comme les risques politiques, que tangibles comme les risques liés aux devises.
D'ailleurs, il est difficile de se couvrir sur les risques de devises en Afrique et quand c'est possible, c'est généralement cher. Sur ce sujet, nous essayons d'investir dans des entreprises qui ont une exposition régionale de manière à récupérer ce que nous perdons sur la devise dans les résultats.
Bien entendu, nous essayons d'avoir une vision macroéconomique des marchés dans lesquels nous opérons, de sorte à avoir une visibilité à moyen long terme sur les devises des pays où nous investissons.
F.N.H. : Quelle lecture faites-vous du comportement de la Bourse de Casablanca ?
O. B. : Le Maroc est un cas particulier. Le coût de la dette y est bas avec un taux directeur à 2,25% quand d'autres pays d'Afrique sont à 5% voire au-delà de 10%. Nous sommes dans un univers de taux particulièrement bas. Ceci dit, le marché actions est relativement cher avec des niveaux de P/E autour de 20, sensiblement plus élevés qu'à la BRVM par exemple où nous sommes à 9 ou 10x les résultats.
Cela dit, Obafrica fait du stock-picking : nous rencontrons les dirigeants des entreprises et nous essayons de comprendre leur dynamique opérationnelle. Nous considérons également qu'il y a plus de capacité à créer de la valeur en investissant dans le compartiment des capitalisations petites et moyennes que dans les grandes capitalisations.
Nous avons d'ailleurs pu réaliser de belles performances en 2018 et 2019 en investissant dans ce type de dossiers avec des affaires comme Microdata ou HPS... Nous avons également quelques valeurs de cette taille en portefeuille et qui ont encore du potentiel.
F.N.H. : Pour finir, un secteur qui vous paraît porteur en 2020 ?
O. B. : Si je devais en choisir un, ce serait celui des assurances. Nous sommes investis dans plusieurs valeurs de ce secteur en Afrique : Axa Mansard au Nigéria, Entreprise Group au Ghana, la Star en Tunisie.... Au Maroc, nous nous intéressons également beaucoup au secteur.
Le taux de pénétration est encore relativement bas dans le Royaume et les fondamentaux sont porteurs. La dimension réglementaire permet de tirer l'activité non vie avec, par exemple, la mise en place de la RC décennale ou la mise en place de l'assurance contre les risques catastrophiques.
Dans le segment vie, la croissance est tirée par l'émergence d'une classe moyenne qui a vocation à épargner de plus en plus. Et quand on sait que les produits de taux rémunèrent de moins en moins, on imagine que les acteurs vont se retourner vers des actifs en unités de comptes, plus rémunérateurs à moyen long terme. Pour capter ce potentiel, nous sommes investis au Maroc dans des entreprises comme Wafa Assurance, Atlanta ou encore le courtier Afma. ◆