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Banques : 2021, un exercice à haut risque

Banques : 2021, un exercice à haut risque

Alors qu’une sortie de crise se profile avec les avancées sur le vaccin, les banques feront face à une multitude de défis en 2021.

Le taux de créances en souffrance devrait augmenter entre 11% et 12% en 2020 et au-delà.

◆ Les reports des crédits vont peser sur la sinistralité des banques.

 

Par Y. Seddik

 

Entre l'impératif de maintenir une bonne gestion des risques et celui de continuer à financer l’économie, 2021 se profile déjà comme une année de tous les défis pour les banques marocaines. En effet, avec le retrait progressif des mesures d’urgence prises par les Etats depuis le début de la crise sanitaire, l’année 2021 pourrait être la plus difficile depuis 2009 pour le secteur bancaire. Dans un rapport, l’agence S&P Global Ratings rappelle que les notes de crédit du secteur affichent pour l’instant un biais clairement négatif, puisque pour un tiers environ des établissements qu’elle suit, elles sont dans une perspective négative, qui implique un risque de dégradation.

Or, explique l’agence, «le retour des systèmes bancaires dans le monde aux niveaux d’avant la COVID-19 sera lent, incertain et très variable selon les zones géographiques». Dans certains pays, dont les Etats-Unis, le RoyaumeUni, l’Allemagne et la France, le retour au niveau d’avant-crise pourrait ainsi attendre 2023.

Maroc : les points de vigilance

Le Maroc ne fait pas exception. Et l'année 2021 ne sera décidément pas celle de la reprise. «La hausse des provisions aura un impact négatif sur le secteur bancaire marocain», estime S&P dans son rapport. D'ailleurs, plusieurs banques marocaines ont préféré procéder à une politique de provisionnement anticipatif, ce qui s’est reflété sur les résultats publiés jusqu’à ce jour.

Avant la pandémie, le secteur bancaire affichait un rendement moyen des fonds propres de 9,4% et un ratio de solvabilité adéquat de 15,6%. «Bien que nous nous attendions à ce que ces ratios se détériorent, la politique de provisionnement offre des coussins pour absorber des pertes de crédit supplémentaires», ajoutent les analystes de S&P. Notons que l’agence s’attend à ce que le taux de sinistralité (créances en souffrance) se détériore à 11%-12% au cours des deux prochaines années.

Actuellement, il frôle les 8%. Autre hic relevé par l’agence : l’expansion régionale en Afrique, où le risque est «généralement plus élevé qu’au Maroc». S&P la décrit comme une arme à double tranchant : «l'expansion en Afrique apporte des avantages de diversification, mais aussi des surprises désagréables potentielles», arguent-ils. Une suspension de dividende par la Banque centrale aidera à amortir l'impact sur les fonds propres, selon la même source.

Sur ce point, BAM, qui devrait se prononcer sur ce sujet, continuera à apporter son soutien au circuit bancaire. Signalons que certaines banques ont pu rétribuer leurs actionnaires cette année, dans le respect des exigences de BAM en la matière. En termes de profitabilité, des résultats plus faibles suite à la hausse du coût du risque et de la baisse des revenus inhérente à la baisse des marges réduiront la rentabilité des banques en 2020 et 2021.

Au final, malgré ces nombreux points de vigilances, l’agence estime que le système bancaire marocain sera l’un des moins touchés par la crise sanitaire, sur les 6 pays étudiés (Kenya, Egypte, Afrique du Sud, Tunisie, Nigéria). S&P Global a pris au total 236 décisions sur des notes de banques depuis le début de la pandémie, dont environ 23% d’abaissements et 76% de révisions à la baisse des perspectives.

Rentabilité ou prudence ?, un choix cornélien

Face à une crise sans précédent, les banques marocaines ont préféré opter pour une politique de provisionnement anticipatif et prudent, au risque de saper (momentanément) leur rentabilité. En effet, les banques ont fortement augmenté leurs provisions pour risque de crédit cette année. Des charges de risque qui ont consommé en moyenne 63% de leur résultat opérationnel, niveau bien au-dessus des moyennes historiques (25% en 2019).

«Nous prévoyons que la politique de provisionnement s'allège au deuxième semestre 2020 et 2021, atténuant de fait la pression sur la rentabilité. En face, la qualité des actifs (prêts : ndlr) pourrait se détériorer considérablement à mesure que le processus de report d'échéance de crédits arrive à terme, couplé à une hausse du chômage et des faillites», indique de son côté Fitch Ratings dans un rapport.

Signalons que 32.248 demandes de report d'échéances bancaires au profit des entreprises ont été réalisées à fin août dernier pour un montant de 6,6 milliards de DH, bénéficiant aux TPME à hauteur de 86% et aux grandes entreprises pour 14%. Pour les ménages, 471.742 demandes de report ont été recensés à fin septembre 2020, alors que pour le micro-crédit, ce total est de 669.300 à fin août 2020.

Un stress-test mené par la Banque centrale marocaine en juin a conclu que le taux de sinistralité des banques augmenterait à 9,9% à fin 2020, contre 7,6% à fin 2019. «Il s'agit d'un scénario moins important que notre scénario de référence actuel, dans lequel nous prévoyons un taux à 11% d'ici la fin de 2020», conclut le rapport de Fitch.

Reports de crédits : la Banque centrale appréhende

Dans son audition devant les parlementaires, mardi dernier, le wali de Bank Al-Maghrib, Abdellatif Jouahri, a expliqué que les créances en souffrance constituent la principale source de risque pour les banques marocaines actuellement. À fin septembre, le taux de sinistralité a accéléré à 8,4% contre 7,6% à fin décembre 2019. Le portefeuille des créances en souffrance détenu par les banques a augmenté de 9 Mds de DH à 79 Mds de DH entre décembre 2019 et septembre 2020.

«Ce niveau reste élevé par rapport aux pays développés et ceux comparables de la région (Jordanie, Egypte, Tunisie,…)», s’inquiète A. Jouahri. Ainsi, le suivi du processus du report des échéances de crédit par la Banque centrale laisse entrevoir une probabilité d’une accélération des créances en souffrance dans les mois à venir, selon le wali.

Jouahri indique qu’à fin septembre, les crédits reportés et non encore remboursés atteignent 13 milliards de DH, alors que le volume des prêts qui bénéficient toujours du report d’échéances s’élève à 15 milliards de DH. «Les agences de notation internationales prennent en considération ce paramètre (créances en souffrance : ndlr). Ceci a d’ailleurs poussé Fitch à dégrader la note de 3 banques marocaines», considère le wali.

Les banques vont procéder à un deuxième exercice stress-test d’ici la fin d’année pour démonter leur résilience, prenant en considération un scénario de choc extrême. Toutefois, «dans un environnement porteur de risques, les banques continuent d'afficher des fondamentaux solides au regard des indicateurs et ratios de liquidité, de rentabilité et d'adéquation des fonds propres», tempère Jouahri. Quoi qu'il en soit, face à ces multiples risques et défis, l’heure de vérité pour les banques sonnera en 2021.

 

 

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